Archives mensuelles : mars 2015

Le jeu Ingress: jusqu’où le virtuel peut-il envahir le réel ?

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Le logo du jeu Ingress

Les principes sur lesquels repose le jeu Ingress, créé par la société Niantic Labs, filiale de Google, sont assez simples.

En synthèse, ce jeu se joue avec un smartphone, mais à la différence des Tetris et autres Candy Crush, on ne se contente pas de regarder l’écran, car il faut bouger dans le monde réel.

Le jeu fait s’affronter deux camps, les bleus et les verts, pour prendre le contrôle de « portails », qui sont des éléments de la réalité (et qui vont des statues de nos parcs à des plaques commémoratives en passant par des boulangeries !). Il faut être physiquement proche du portail, et armé de son smartphone pour effectuer, grâce au clavier, les actions nécessaires pour conquérir le portail. J’avoue pour ma part ne pas encore avoir remarqué des personnes en cercle autour des statues des Tuileries ou du Luxembourg, concentrées sur leurs smartphones tout en regardant nerveusement autour d’elles pour savoir si l’autre est un ami ou un ennemi, s’il est en train de détruire le portail ou de le consolider.

Le nombre de joueurs d’Ingress est élevé, puisque selon les sources, déjà un peu anciennes, c’est de 5 ou 7 millions de personnes inscrites à Ingress dans le monde dont il est question.

Cela signifie qu’une fraction non négligeable des personnes que nous côtoyons sont préoccupées par le combat qu’elles doivent mener contre les bleus ou les verts, ce qui suscite des questions intéressantes du point de vue social, économique et environnemental.

Quelle est l’empreinte carbone de ce jeu, si les joueurs se déplacent dans le monde réel juste pour aller réaliser un objectif qui leur a été donné dans le jeu?

Ne risque-t-on pas de multiplier les accidents de la circulation et les bousculades si les uns et les autres n’ont plus pour objectif que de se rapprocher d’un portail pour ne plus en bouger? Ne verra-t-on pas des attroupements gênant la circulation lorsqu’il sera donné la consigne d’aller consolider ou détruire tel ou tel portail situé dans une zone de circulation intense ? D’un point de vue juridique, on peut se poser des questions intéressantes, comme celle de savoir qui est le gardien (et donc le responsable) du vélo qui me bouscule parce que son conducteur a pour mission d’aller détruire le portail au coin de la rue.

Enfin, économiquement, des entreprises commencent à se prendre au jeu et à nouer des partenariats avec Niantic Labs, et l’on peut se demander dans quelle mesure cela peut affecter leur activité. Une entreprise choisira-t-elle un camp, au risque de perdre ses clients « bleus » parce qu’elle s’est alliée aux « verts » ? Demandera-t-elle à ses salariés d’aller détruire des portails sur leur temps de travail ?

Dernière question: que se passerait-il si nous pratiquions tous ce jeu ?

Autant de questions passionnantes et troublantes que suscitent une fois encore les nouvelles technologies, même si le concept du jeu à grande échelle se déroulant dans le monde réel existait bien avant les smartphones (le jeu Killer, notamment).

Bruno DONDERO

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Responsabilité du dirigeant associé pour insuffisance d’actif: une clarification bienvenue (Cass. com., 10 mars 2015, n° 12-15505)

Une SARL avait été mise en liquidation judiciaire, et le liquidateur avait assigné les deux personnes physiques exerçant la fonction de gérant en responsabilité pour insuffisance d’actif. Mme X était l’un des deux gérants, et elle avait également la qualité d’associé. Elle était condamnée en appel au motif qu’elle n’avait pas « apporté à la société qu’elle créait des fonds propres suffisants pour assurer son fonctionnement dans des conditions normales ». Elle avait constitué la SARL avec un autre associé (une société qui n’avait pas la qualité de dirigeant, le gérant de la SARL étant nécessairement une personne physique).

L’arrêt d’appel est cassé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation par un arrêt du 10 mars 2015, destiné à publication au Bulletin , pour violation de l’article L. 651-2 du Code de commerce (en sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, mais la solution vaut aussi pour les textes actuellement applicables).

La Cour de cassation juge que « l’insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution, qui est imputable aux associés, ne constitue pas une faute de gestion ».

En quelques mots, c’est une question importante qui est tranchée par la Cour de cassation, et qui apporte une grande sécurité aux dirigeants sociaux, et plus largement aux entreprises elles-mêmes. Pour autant, toutes les difficultés ne sont pas résolues.

I – Une clarification bienvenue.

L’article L. 651-2 du Code de commerce permet de mettre à la charge du dirigeant d’une personne morale (société, association, etc.) dont la liquidation judiciaire fait apparaître une insuffisance d’actif, tout ou partie de celle-ci, dès lors que ce dirigeant a commis une « faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif ». Les dirigeants de droit et les dirigeants de fait sont concernés par cette action, qui est mise en œuvre par le liquidateur, le ministère public ou, en cas d’inertie du liquidateur, par la majorité des créanciers nommés contrôleurs (art. L. 651-3 C. com.). Notons encore qu’elle se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire, et que les sommes versées par les dirigeants sont réparties proportionnellement à leurs créances et sans droit de préférence entre tous les créanciers.

Ce dispositif constitue ainsi une porte pouvant être ouverte entre le passif de la personne morale et le patrimoine des dirigeants, la clef de cette porte étant la notion de faute de gestion.

La faute de gestion n’est pas définie par le texte, hormis la précision selon laquelle elle doit avoir contribué à l’insuffisance d’actif de la personne morale.

Se posait cependant la question de savoir dans quelle mesure la sous-capitalisation d’une société pouvait être qualifiée de faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif. Le droit des sociétés permet de constituer une SARL ou une SAS avec un capital d’un euro, ou de 10 euros, ou de 100 euros, mais ne risque-t-on pas de rattraper très facilement les associés de telles sociétés en leur reprochant la faute de gestion que constitue cette sous-capitalisation ?

A suivre cette voie, on pourrait faire disparaître la responsabilité limitée aux apports. Une personne morale qui ne peut, à l’occasion de sa liquidation judiciaire, payer tous ses créanciers est en situation d’insuffisance d’actif. Or, elle aurait pu le faire si elle avait eu un capital social plus élevé. Ne peut-on dès lors considérer que cette insuffisance du capital social est nécessairement constitutive d’une faute ? Si c’était la voie suivie, les créanciers d’une personne morale en liquidation judiciaire et ne pouvant les satisfaire tous seraient toujours en mesure de poursuivre ses dirigeants et de rechercher leur paiement par le biais d’une action en responsabilité.

La Cour de cassation s’oppose fermement à cela, en rappelant la nécessité de caractériser une faute de gestion, sous-entendu des dirigeants agissant en tant que tels, ce qui n’est pas le cas en présence d’une insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution, insuffisance imputable aux associés.

II – Des interrogations subsistantes.

La solution retenue est indéniablement utile. Des interrogations subsistent néanmoins, et j’en relèverai trois.

Tout d’abord, l’arrêt retient que « l’insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution (…) est imputable aux associés ». Lus a contrario, ces mots suggèrent que la faute de gestion pourrait en revanche être caractérisée si les dirigeants, en cours de vie sociale, postérieurement à la constitution, ne s’assurent pas de la suffisance des apports, ou tout au moins ne prennent pas d’initiative pour hisser le capital social au niveau requis par l’activité de l’entreprise. La question est délicate, car le dirigeant ne peut décider d’une augmentation du capital social, mais il lui appartient de proposer aux associés une telle mesure, en la mettant à l’ordre du jour d’une assemblée d’associés, notamment. Il est plus facile de caractériser la faute de gestion du dirigeant lorsque celui-ci n’aura pas demandé aux associés de verser les sommes encore dues au titre de leurs apports.

Ensuite, il ne sera pas toujours évident de distinguer entre les associés et les dirigeants, ou entre les prérogatives d’associé et celles de dirigeant, dès lors que certaines sociétés peuvent conférer à leurs associés (les SAS particulièrement) des pouvoirs de gestion très étendus. De même, si une société A place un de ses salariés à la tête d’une société B, le salarié exerçant ce mandat en son nom, le risque existe que la société A soit vue comme dirigeante de fait par salarié interposé. Il demeure que la décision du montant initial du capital social, prise avant que la société ne soit dotée de ses premiers dirigeants, est bien attribuable aux seuls associés.

Enfin, on peut se demander quel sera le régime de la responsabilité des associés au titre du péché originel de sous-capitalisation. On peut notamment se demander si les tiers devront caractériser une faute séparable de leurs prérogatives d’associé.

 Bruno DONDERO

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Remise du rapport Dombre-Coste: la loi Hamon sous plusieurs feux!

Ce matin a été rendu public le « rapport d’évaluation sur le droit d’information préalable des salariés » qui avait été demandé par le Premier Ministre à Mme Fanny Dombre-Coste, députée, le 12 janvier 2015.

Ce rapport lui demandait de « dresser un premier constat sur les conditions de mise en œuvre du droit d’information des salariés, et plus largement sur les recommandations qui peuvent être formulées pour faciliter et accompagner les transmissions et reprises d’entreprises » (12 janvier 2015).

On ne sait s’il est aisé de « dresser un constat sur des recommandations », ni s’il est simple d’auditionner les salariés ayant repris leur entreprise, sous-entendu devrait-on comprendre grâce au dispositif de la loi ESS en vigueur depuis novembre dernier. Ces salariés ne sont sans doute pas très nombreux, ce qui explique que les « entreprises appartenant aux salariés qui ont été auditionnées par la députée (les sociétés HISA et SET) ont fait l’objet d’une reprise par les salariés en 2012, donc bien avant l’entrée en vigueur du dispositif.

Une version du rapport a été mise en ligne par le Figaro : http://www.youscribe.com/catalogue/tous/actualite-et-debat-de-societe/rapport-mission-dip-2560094

Ne figurent pas dans ce rapport les contributions écrites remises par les personnes auditionnées ou contactées, contrairement à ce qui est annoncé (p. 6, mais il est possible que cela soit rectifié dans la version qui sera publiée sur le site du ministère de l’économie et des finances).

On retiendra surtout du rapport que son auteur estime dans le même temps que le droit d’information « a du sens pour les salariés et pour les entreprises » et « doit donc être préservé et conforté », et que la « traduction juridique (…) mérite d’être adaptée et améliorée » (p. 6).

Il est assez étonnant de lire que des personnes auditionnées ont mentionné « des exemples d’entreprises ayant eu recours à des avocats pour sécuriser un dispositif, dans ce cas majoritairement perçu comme un risque » (p. 11). La complexité du dispositif et les incertitudes qui l’entourent incitent me semble-t-il à faire intervenir des avocats de manière plus systématique qu’anecdotique !

En synthèse, le rapport envisage trois scénarios possibles pour faire évoluer le dispositif.

Premier scénario envisagé : supprimer la sanction de nullité de la cession d’entreprise actuellement prévue, et la remplacer par une mise en jeu de la responsabilité civile de l’auteur d’un manquement à la loi, et une amende civile (3% du prix de cession maximum).

Deuxième scénario envisagé : alléger l’obligation de notification aux salariés, en considérant que la présentation de la LRAR vaut information.

Troisième scénario envisagé : modifier le champ d’application des dispositions en limitant l’application de la loi à la vente. Ce faisant, on exclurait de l’obligation d’information les cessions à titre gratuit, mais aussi les apports et les échanges.

Voici donc plusieurs pistes de réforme du dispositif d’information des salariés, qui se trouve donc actuellement soumis à plusieurs feux, puisque:

1) Le gouvernement proposera peut-être des modifications, en suivant ou non les recommandations du rapport parlementaire;

2) Les Sénateurs qui discuteront la loi Macron remettront peut-être en cause le droit d’information des salariés tel qu’il est prévu par la loi Hamon;

3) Un recours pour excès de pouvoir a été intenté à l’encontre du décret d’application de la loi Hamon;

4) Une QPC vise la loi elle-même (sur ces deux derniers recours intentés par Maître Sexer, voir notre post).

 Bruno Dondero

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L’éloquence à l’Université : le concours Lysias à Paris 1

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Le somptueux amphi Richelieu de la Sorbonne © Christophe Rabinovici

La profession d’avocat fait à juste titre rêver les étudiants en droit, dont beaucoup expliquent, en première année, leur souhait de devenir un grand pénaliste ou un avocat d’affaires international. A l’avocat est attachée l’image de l’éloquence, de l’art oratoire tourné vers la persuasion, et de l’argumentation. Les facultés de droit doivent ici rendre grâce à la littérature, au cinéma et aux séries, françaises (« Engrenages ») et américaines (de « La loi de Los Angeles » à « Suits »).

L’avocat, dans l’image la plus répandue, est celui qui plaide. Dans la réalité, l’activité d’avocat plaidant n’est sans doute pas la plus importante du point de vue économique, mais même l’avocat qui ne plaide jamais doit savoir convaincre son client ou les partenaires économiques de la justesse de son analyse. C’est également un talent qui servira beaucoup au juriste d’entreprise, à l’heure de faire valoir son point de vue devant les « opérationnels » de l’entreprise, c’est-à-dire devant les non-juristes.

Où apprend-on l’éloquence à la Faculté de droit ? Des cours d’expression orale apparaissent ici et là, mais si l’on apprend à « bien parler » pendant ses études de droit, c’est davantage incidemment qu’autre chose, encore aujourd’hui. Celui qui doit présenter lors de la séance de travaux dirigés (TD) son plan détaillé de commentaire d’arrêt peut expérimenter les joies et les peines du discours public, mais il se cantonnera généralement à l’exercice demandé, plus qu’il ne « plaidera » son plan de commentaire. Il est d’ailleurs possible qu’on ne laisse pas l’étudiant haranguer les foules, et qu’on lui demande de donner son plan sans exorde ni péroraison!

Je souhaiterais pour ma part que les TD, les séminaires et même pourquoi pas les cours magistraux, soient plus souvent l’occasion pour les étudiants de s’exercer à présenter oralement des arguments de manière efficace et à convaincre un auditoire.

L’étudiant qui souhaite, dès la première année, se soumettre aux rigueurs et aux plaisirs de l’art oratoire dispose dans plusieurs universités de France et notamment à Paris 1, d’associations de passionnés qui l’accueilleront bien volontiers. La finale du concours de plaidoirie organisé par l’association Lysias Paris 1 avait lieu samedi 14 mars dans l’amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne.

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Un orateur haut perché © Christophe Rabinovici

Six candidats avaient surmonté les épreuves, et s’affrontaient pour la dernière phase. Victorieux de nombreuses joutes, ils étaient tous très bons : Andrey AKSENOFF et Eva BIBAL (L1), Adrien ROUGIER et Julia D’AVOUT (L2) et Alex CHARAUDEAU et Ferdinand de VAREILLES (L3/M).

 Chaque candidat était présenté de manière irrésistible par un parrain, plaideur étudiant mais chevronné de l’association Lysias Paris 1. Je suppose qu’il fallait beaucoup de concentration pour pouvoir encore plaider efficacement après avoir vu son CV tourné en ridicule (de manière drôlissime) devant 450 personnes, ou après avoir été comparé à un oisillon et reçu l’invitation à devenir un aigle ou un albatros…

 Le sel de la soirée venait aussi beaucoup de la présence dans le jury de quatre avocats tous excellents orateurs, en la personne d’Olivier SCHNERB, Zoé ROYAUX, Benjamin MATHIEU, tous trois anciens secrétaires de la Conférence des avocats du Barreau de Paris, et de Stephan BALLER, avocat fiscaliste mais néanmoins éloquent ! Le jury était complété de l’auteur de ces lignes.

Le jury en action © Christophe Rabinovici

Le jury en action
© Christophe Rabinovici

Les prestations des candidats étaient commentées par les membres du jury, ce qui donnait lieu à de savoureux échanges entre ces derniers, échanges qu’il n’est cependant pas nécessaire de restituer ici, l’humour vache s’exprimant mieux à l’oral qu’à l’écrit!

Dernière observation, émanant du professeur: les étudiants en droit, même ceux qui aiment le moins parler en public, et surtout ceux qui aiment le moins parler en public, auraient grand intérêt à s’inscrire, et même à se forcer à s’inscrire, à ce genre de concours.

Bruno DONDERO

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La clause de non-concurrence de l’agent commercial et l’exigence d’une contrepartie financière (Cass. com., 10 févr. 2015, n° 13-25667)

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu le 10 février 2015 (n° 13-25667) un arrêt, non destiné à publication au Bulletin, mais qui permet de rappeler l’état du droit sur une question sensible: lorsqu’un agent commercial contracte une clause de non-concurrence, lui interdisant de représenter des produits identiques dans un secteur géographique donné pendant un certain temps, la validité de cette clause est-elle subordonnée à la stipulation d’une contrepartie financière ? Précisément, une rémunération spécifique doit-elle être prévue, en contrepartie de cet engagement de non-concurrence pendant la période suivant la cessation du contrat d’agence, pour que cet engagement soit valable?

L’existence d’une contrepartie financière est une condition exigée depuis 2002 par la Chambre sociale de la Cour de cassation pour les engagements de non-concurrence figurant dans les contrats de travail, et il a été précisé que cela valait pour tout engagement de non-concurrence pesant sur un salarié. Ainsi, un salarié qui prendrait un tel engagement dans le cadre d’un pacte d’actionnaires devrait bénéficier d’une contrepartie financière pour que cet engagement soit valable, si au jour où l’engagement de non-concurrence est contracté, le débiteur a la qualité de salarié.

La Cour d’appel de Poitiers avait annulée la clause de non-concurrence pesant sur un agent commercial, au motif qu’elle ne comportait pas de contrepartie financière. La Chambre commerciale de la Cour de cassation casse cependant la décision des juges du fond, en rappelant que la validité de la clause de non-concurrence insérée dans un contrat d’agence commerciale n’est pas subordonnée à l’existence d’une contrepartie financière.

La solution valable pour le salarié n’est donc pas transposable à l’agent commercial. Cela évoluera peut-être un jour, mais pour le moment, la Cour de cassation tient bon.

Rappelons simplement qu’un arrêt du 4 décembre 2007 publié au Bulletin (n° 06-15137) avait jugé que « le législateur n’a pas entendu que l’obligation de non-concurrence soit indemnisée lorsque la clause qui la stipule est conforme aux dispositions de l’article L. 134-14 du Code de commerce ». Pour mémoire, cet article dispose que la clause de non-concurrence pesant sur l’agent commercial « doit être établie par écrit et concerner le secteur géographique et, le cas échéant, le groupe de personnes confiés à l’agent commercial ainsi que le type de biens ou de services pour lesquels il exerce la représentation aux termes du contrat » et qu’elle « n’est valable que pour une période maximale de deux ans après la cessation d’un contrat ».

La clause ne respectant pas ces prescriptions ne serait donc pas valable… à moins d’être rémunérée.

Pour les clauses conformes à l’article L. 134-14, il n’est en revanche pas besoin d’une contrepartie financière spécifique, en l’état actuel de la jurisprudence.

Bruno DONDERO

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Un recours pour excès de pouvoir et une QPC visent la loi Hamon et son décret (information préalable des salariés en cas de cession d’entreprise) !

C’est un double recours qui a été formé par la SARL Holding Désile, agissant par le biais de son avocat Maître Yves Sexer, contre le dispositif d’information des salariés préalablement à la cession de leur entreprise, dispositif résultant de la loi dite Hamon, du 31 juillet 2014 et de son décret d’application en date du 28 octobre 2014, dispositif dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises sur ce blog.

Le 29 décembre 2014, un recours pour excès de pouvoir a été formé devant le Conseil d’Etat, visant à obtenir l’annulation des articles D. 23-10-1 et D. 23-10-2 du Code de commerce, créés par le décret du 28 octobre, et l’article 2 du décret lui-même. Ce sont notamment les modalités d’application dans le temps du dispositif prévues par le décret qui sont contestées, ainsi que la contradiction existant entre la loi, qui prévoit que soit notifiée aux salariés l’intention du propriétaire d’une participation de la céder, et le décret qui considère que la date de la cession est celle du transfert de propriété de la participation, ce qui permet en théorie de conclure un accord définitif de cession, de procéder au paiement du prix, et de n’informer les salariés que lorsque toute l’opération est bouclée, alors que le but du dispositif légal est de leur permettre de présenter une offre de reprise.

Le 2 mars 2015, c’est une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) qui a par ailleurs été soulevée par le même requérant devant le Conseil d’Etat, et portant sur les articles 20 et 98 de la loi. Il est notamment reproché au législateur d’avoir porté une atteinte grave au droit de propriété en prévoyant une sanction d’annulation de la cession en cas de non-respect du dispositif d’information des salariés, et de ne pas avoir épuisé sa compétence en omettant de définir dans la loi le terme de cession.

S’agissant des délais dans lesquels les décisions attendues seront rendues, le seul dont on ait la certitude est celui du 2 juin 2015, date à laquelle le Conseil d’Etat devra avoir décidé s’il transmet ou non la QPC au Conseil constitutionnel.

Détails à suivre…

Bruno DONDERO

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