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L’éloquence à l’Université : le concours Lysias à Paris 1

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Le somptueux amphi Richelieu de la Sorbonne © Christophe Rabinovici

La profession d’avocat fait à juste titre rêver les étudiants en droit, dont beaucoup expliquent, en première année, leur souhait de devenir un grand pénaliste ou un avocat d’affaires international. A l’avocat est attachée l’image de l’éloquence, de l’art oratoire tourné vers la persuasion, et de l’argumentation. Les facultés de droit doivent ici rendre grâce à la littérature, au cinéma et aux séries, françaises (« Engrenages ») et américaines (de « La loi de Los Angeles » à « Suits »).

L’avocat, dans l’image la plus répandue, est celui qui plaide. Dans la réalité, l’activité d’avocat plaidant n’est sans doute pas la plus importante du point de vue économique, mais même l’avocat qui ne plaide jamais doit savoir convaincre son client ou les partenaires économiques de la justesse de son analyse. C’est également un talent qui servira beaucoup au juriste d’entreprise, à l’heure de faire valoir son point de vue devant les « opérationnels » de l’entreprise, c’est-à-dire devant les non-juristes.

Où apprend-on l’éloquence à la Faculté de droit ? Des cours d’expression orale apparaissent ici et là, mais si l’on apprend à « bien parler » pendant ses études de droit, c’est davantage incidemment qu’autre chose, encore aujourd’hui. Celui qui doit présenter lors de la séance de travaux dirigés (TD) son plan détaillé de commentaire d’arrêt peut expérimenter les joies et les peines du discours public, mais il se cantonnera généralement à l’exercice demandé, plus qu’il ne « plaidera » son plan de commentaire. Il est d’ailleurs possible qu’on ne laisse pas l’étudiant haranguer les foules, et qu’on lui demande de donner son plan sans exorde ni péroraison!

Je souhaiterais pour ma part que les TD, les séminaires et même pourquoi pas les cours magistraux, soient plus souvent l’occasion pour les étudiants de s’exercer à présenter oralement des arguments de manière efficace et à convaincre un auditoire.

L’étudiant qui souhaite, dès la première année, se soumettre aux rigueurs et aux plaisirs de l’art oratoire dispose dans plusieurs universités de France et notamment à Paris 1, d’associations de passionnés qui l’accueilleront bien volontiers. La finale du concours de plaidoirie organisé par l’association Lysias Paris 1 avait lieu samedi 14 mars dans l’amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne.

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Un orateur haut perché © Christophe Rabinovici

Six candidats avaient surmonté les épreuves, et s’affrontaient pour la dernière phase. Victorieux de nombreuses joutes, ils étaient tous très bons : Andrey AKSENOFF et Eva BIBAL (L1), Adrien ROUGIER et Julia D’AVOUT (L2) et Alex CHARAUDEAU et Ferdinand de VAREILLES (L3/M).

 Chaque candidat était présenté de manière irrésistible par un parrain, plaideur étudiant mais chevronné de l’association Lysias Paris 1. Je suppose qu’il fallait beaucoup de concentration pour pouvoir encore plaider efficacement après avoir vu son CV tourné en ridicule (de manière drôlissime) devant 450 personnes, ou après avoir été comparé à un oisillon et reçu l’invitation à devenir un aigle ou un albatros…

 Le sel de la soirée venait aussi beaucoup de la présence dans le jury de quatre avocats tous excellents orateurs, en la personne d’Olivier SCHNERB, Zoé ROYAUX, Benjamin MATHIEU, tous trois anciens secrétaires de la Conférence des avocats du Barreau de Paris, et de Stephan BALLER, avocat fiscaliste mais néanmoins éloquent ! Le jury était complété de l’auteur de ces lignes.

Le jury en action © Christophe Rabinovici

Le jury en action
© Christophe Rabinovici

Les prestations des candidats étaient commentées par les membres du jury, ce qui donnait lieu à de savoureux échanges entre ces derniers, échanges qu’il n’est cependant pas nécessaire de restituer ici, l’humour vache s’exprimant mieux à l’oral qu’à l’écrit!

Dernière observation, émanant du professeur: les étudiants en droit, même ceux qui aiment le moins parler en public, et surtout ceux qui aiment le moins parler en public, auraient grand intérêt à s’inscrire, et même à se forcer à s’inscrire, à ce genre de concours.

Bruno DONDERO

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MOOC : Université libre en droit et défense de la culture juridique française

Qu’est-ce qu’un MOOC?

Il est difficile depuis un an et demi d’échapper à la déferlante des MOOCs (Massive Open Online Courses), qui sont des enseignements accessibles par internet, normalement gratuits et ouverts à tous. Une de leurs particularités, mais il n’y a pas de règle universelle dans ce domaine, c’est l’interactivité, avec les enseignants et avec les autres participants. Voilà pourquoi les MOOCs recourent beaucoup aux réseaux sociaux, Facebook et twitter notamment. Cela différencie aussi un MOOC du fait de mettre en ligne une vidéo ou un document. Cela ne fait pas un MOOC, mais si cela sert de support à des échanges entre les enseignants et les participants, de manière encadrée, on va vers le MOOC.

Un enseignant canadien a créé une vidéo (en anglais) qui explique bien les MOOCs:

http://www.youtube.com/watch?v=eW3gMGqcZQc

 

Un MOOC en droit des entreprises.

Cela fait plus d’un an qu’avec plusieurs personnes, à l’Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne, nous avons entrepris un travail sur un MOOC consacré au droit des entreprises, et particulièrement aux règles juridiques applicables aux sociétés: comment les constituer, comment fonctionnent-elles, quelles sont les grandes formes de sociétés, etc. Ce MOOC est aujourd’hui accessible sur la plate-forme du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche: https://www.france-universite-numerique-mooc.fr/courses/Paris1/16001/Trimestre_2_2014/about

Ce MOOC est bien évidemment gratuit et compte plusieurs milliers d’inscrits au jour où j’écris.

 

Les utilités des MOOCs juridiques.

Les utilités des MOOCs juridiques, tel que celui que nous proposons, sont nombreuses.

Tout d’abord, les MOOC constituent un enseignement ouvert à tous, comme les « universités libres » et les « universités de tous les savoirs ». Ils permettent donc de toucher un public qui n’est pas celui des seuls étudiants inscrits à l’Université, mais potentiellement toute la population. On perçoit une première utilité des MOOCs, qui permettront de faire connaître à nos concitoyens tel ou tel aspect de notre système juridique. On peut imaginer toutes les déclinaisons : un MOOC consacré au Code de la route, un autre aux contrats, un troisième aux élections, un autre encore au droit du travail, et ainsi de suite. Alors que nous baignons tous dans le système juridique, nous ne recevons pas tous une formation juridique de base. Les MOOCs juridiques pourraient assurer une telle formation.

Ensuite, ceux qui connaissent déjà le droit ou voudraient le connaître pourront participer avec profit à un MOOC juridique: les lycéens qui se demandent ce qu’est le droit, les étudiants qui veulent réviser ou s’avancer, les professionnels qui veulent approfondir un point de droit ou actualiser leurs connaissances, sont parmi les publics privilégiés d’un MOOC juridique. 

Enfin les MOOCs ont un rôle essentiel à jouer dans la diffusion du droit français, de la culture juridique française et de la francophonie, plus largement. Les MOOCs sont surtout anglophones, aujourd’hui. Les universités américaines ont compris depuis longtemps l’intérêt qu’il y avait à rendre visibles leurs enseignants et leurs cours sur internet par le biais de MOOCs. Parce qu’ils sont gratuits, ouverts à tous et très facilement accessibles, les MOOCs sont un formidable instrument de diffusion du savoir, mais aussi un moyen de diffuser des modèles, en l’occurrence des modèles juridiques. Le MOOC est aussi un instrument de « soft power ». Il permet de faire connaître à la planète entière tel ou tel aspect particulièrement performant de notre système juridique, telle ou telle solution de nos tribunaux, etc.

Il faut préciser un point important. Même si un MOOC est consacré au droit français, il peut servir de support de travail à des participants basés dans un autre pays que la France. Ils pourront constituer des communautés de travail, par les réseaux sociaux, et échanger précisément sur les aspects particuliers de leur système juridique par rapport à ce qu’évoque le MOOC de droit français. Des enseignants de chaque pays pourraient relayer la formation en se servant des supports du MOOC de droit français et en les adaptant. Cela sera d’autant plus facile que le pays en question aura un droit proche du droit français.

Voilà pourquoi il est important de s’intéresser, même à titre expérimental, aux MOOCs et particulièrement aux MOOCs juridiques !

Bruno DONDERO

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