Archives mensuelles : mars 2014

La loi Florange en partie invalidée par le Conseil constitutionnel (décision n° 2014-692 DC du 27 mars 2014)

La loi dite « Florange » a pour nom officiel « loi visant à reconquérir l’économie réelle ». Ce n’est pas un modèle de modestie et de sobriété, mais on peut être législateur et faire preuve de lyrisme ! De manière plus terre-à-terre, ce texte, issu comme l’on s’en souviendra d’une proposition de loi, avait fait l’objet de deux recours, l’un émanant de députés, l’autre de sénateurs.

 

Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision ce jeudi 27 mars 2014 (http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2014/2014-692-dc/decision-n-2014-692-dc-du-27-mars-2014.140367.html). Et le moins que l’on puisse dire est que le travail du législateur n’est pas ressorti indemne de son passage devant le Conseil constitutionnel !

 

En substance, les dispositions instituant des pénalités en cas de non-respect de l’obligation de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d’un établissement, ou en cas de refus d’une offre de reprise sérieuse, sont remises en cause par le Conseil constitutionnel.

 

 

I – Le dispositif de sanction remis en cause.

 

Dans des dispositions qui sont maintenues, la loi nouvelle impose aux entreprises d’au moins mille salariés, ou appartenant à un groupe d’au moins mille salariés, et qui ne sont pas placées en procédure de conciliation, sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire, de nouvelles obligations lorsqu’est envisagée la fermeture d’un établissement qui aurait pour conséquence un projet de licenciement collectif.

 

L’entreprise doit procéder à une information de ses salariés et a l’obligation de rechercher un repreneur. A ce titre, la loi lui impose des obligations particulières : information, réalisation d’un document de présentation de l’établissement, bilan environnemental, examen des offres de reprise, et fourniture d’une réponse motivée à chacune desdites offres.

 

Ces nouvelles obligations sont validées par le Conseil constitutionnel, qui considère que le législateur a entendu maintenir l’activité et préserver l’emploi en favorisant la reprise des établissements dont la fermeture est envisagée lorsqu’elle aurait pour conséquence un projet de licenciement collectif, sans atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre.

 

En revanche, les pénalités prévues en cas de non-respect des obligations de recherche d’un repreneur, c’est-à-dire lorsque l’employeur ne respecte pas ces obligations ou refuse une offre de reprise sérieuse sans motif légitime sont déclarées partiellement inconstitutionnelles.

 

Le tribunal de commerce peut, même après la censure du Conseil constitutionnel, être saisi quand l’entreprise ne respecte pas les obligations susvisées ou rejette une offre sérieuse de reprise. Et il pourra rechercher si le dirigeant de l’entreprise a bien respecté les nouvelles obligations que lui impose la loi. Mais il ne pourra pas examiner, comme cela était prévu dans le texte voté au Parlement, « le caractère sérieux des offres de reprise, au regard notamment de la capacité de leur auteur à garantir la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement » et « l’existence d’un motif légitime de refus de cession, à savoir la mise en péril de la poursuite de l’ensemble de l’activité de l’entreprise ». Et les juges ne pourront pas condamner l’entreprise au versement de la pénalité qui était prévue et qui pouvait atteindre vingt fois la valeur mensuelle du SMIC par emploi supprimé dans le cadre du licenciement collectif consécutif à la fermeture de l’établissement, dans la limite de 2 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise.

 

Le Conseil constitutionnel retient notamment que les dispositions contestées conduisaient le juge à substituer son appréciation à celle du chef d’entreprise et il relève une atteinte au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. Ayant supprimé une partie du dispositif de sanction, le Conseil constitutionnel constate que la partie restante, qui ne prévoyait plus, du coup, les lourdes pénalités précitées qu’en cas de non-respect des obligations de consultation, est manifestement hors de proportion avec la gravité du manquement réprimé.

 

Par voie de conséquence, tombent également les dispositions qui prévoyaient que le montant des pénalités serait affecté à l’établissement public BPI-Groupe, pour financier des projets créateurs d’activité et d’emplois sur le territoire en cause ou de promotion des filières industrielles.

 

En conclusion, c’est sans doute par des actions en responsabilité civile que des sommes pourront être obtenues de l’employeur qui n’aura pas respecté les nouvelles obligations prévues à sa charge.

 

 

II – Les dispositions maintenues.

 

Le Conseil constitutionnel était par ailleurs saisi de critiques visant l’article 8 de la loi Florange, relatif à l’information et à la consultation du comité d’entreprise lors d’une OPA. Les membres élus du CE peuvent, lorsqu’ils estiment ne pas disposer d’éléments suffisants, saisir le juge pour qu’il ordonne la communication, par la société faisant l’objet de l’offre et par l’auteur de l’offre, des éléments utiles pour l’appréciation à donner sur l’OPA. Le juge doit statuer dans un délai de huit jours sans prolongation du délai d’un mois (à compter du dépôt du projet d’offre) dont dispose le CE pour rendre son avis. Le juge peut cependant décider la prolongation du délai d’un mois en cas de « difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation de l’avis du comité d’entreprise », sauf au cas où le juge estime que les difficultés proviennent « d’une volonté manifeste de retenir ces informations de la part de la société faisant l’objet de l’offre ». Le Conseil constitutionnel estime que ces dispositions ne sont entachées d’aucune inintelligibilité.

 

Quant à l’article 9, qui retouche le régime des attributions d’actions gratuites en modifiant le maximum, exprimé en pourcentage du capital social, d’actions pouvant être attribuées gratuitement au personnel salarié de la société, il est également validé, le Conseil fournissant des explications sur la manière dont le texte nouveau (art. L. 225-197-1 du Code de commerce modifié) doit être lu.

 

Les autres parties de la loi qui n’étaient pas contestées devant le Conseil constitutionnel, relatives à la réforme du droit des offres publiques et à la généralisation du droit de vote double, entreront donc en vigueur très prochainement, comme les dispositions expressément déclarées constitutionnelles par la décision du 27 mars 2014.

Bruno Dondero

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La cession de parts de SARL consentie en violation d’une clause statutaire de préemption (Cass. com., 11 mars 2014)

 

Cet arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 11 mars 2014 est destiné à publication au Bulletin (n° 13-10366, http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028730238&fastReqId=1238616491&fastPos=1 ). Le rappel qu’il fait, à propos de la sanction d’une clause statutaire de préemption, dans une SARL, est utile : en principe, la cession faite sans respecter cette clause n’est pas nulle.

 

La décision.

Dans une SARL réunissant trois associés, les statuts stipulaient qu’en cas de cession, les parts devraient être proposées par priorité aux autres associés, au prorata de leur participation. L’un des associés, Paul Y, cédait ses parts (il en détenait semble-t-il trois) à un autre associé, M. X, par acte en date du 21 avril 2009. Le troisième associé, Moïse Y, invoquait la violation de la clause et obtenait en justice l’annulation de la cession, la décision des premiers juges ayant accueilli cette demande étant assortie de l’exécution provisoire. La cession ayant été annulée, Paul Y, qui avait retrouvé la propriété de ses parts sociales, en cédait deux à Moïse Y, par acte du 14 janvier 2011. Cette cession était alors contestée par M. X, qui dans le même temps tentait de remettre en cause l’annulation de la cession de 2009.

 La cour d’appel saisie du litige confirmait l’annulation de la cession de 2009 et refusait d’annuler la cession de 2011, ce qui incitait M. X à se pourvoir en cassation. Son recours est partiellement accueilli. La Chambre commerciale refuse de reconnaître comme nulle la cession de 2011, mais elle censure dans le même temps l’arrêt d’appel attaqué en ce qu’il avait annulé la cession de 2009, ce qui devrait conduire à une solution curieuse (v. infra).

En ce qu’il rejette le pourvoi formé par M. X, l’arrêt rendu par la Cour de cassation retient peu l’attention du commentateur, car c’est essentiellement pour des raisons procédurales ou de cohérence (l’arrêt d’appel n’a pas méconnu les conséquences légales de ses constatations ; l’argument invoqué par M. X est incompatible avec l’argumentation développée devant les juges du fond) que l’arrêt d’appel maintient la solution des juges du fond, tant sur la cession de 2011 que sur celle de 2009.

Cependant, concernant la plus ancienne des deux cessions, la Chambre commerciale casse pour violation des articles 1134 et 1142 du Code civil l’arrêt attaqué en ce qu’il a annulé la cession de parts du 21 avril 2009 et rejeté la demande de M. Moïse Y… en paiement de dommages-intérêts.

 La Chambre commerciale énonce un attendu de principe selon lequel « la violation d’une clause de préemption figurant dans les statuts d’une société à responsabilité limitée n’emporte pas par elle-même nullité de la cession de parts conclue entre deux associés ». 

 

Analyse.

Observons tout d’abord que la clause de préemption n’est pas la clause d’agrément. Les deux clauses sont proches, car la clause de préemption oblige à proposer la cession de ses parts en priorité au(x) bénéficiaire(s) de la clause, tandis que la clause d’agrément conduit à demander l’autorisation des associés avant de réaliser une cession, et leur refus peut conduire à ce qu’ils rachètent les parts du cédant. Mais les deux clauses se distinguent par la sanction applicable à la cession conclue sans les respecter. La Cour de cassation écarte la nullité comme sanction du non-respect de la clause de préemption statutaire, et la solution vaut a fortiori pour la clause extrastatutaire. En revanche, la cession qui ne respecte pas la clause d’agrément prévue dans les statuts de la SARL est nulle (v. not. Cass. com., 21 janv. 2014, n° 12-29221, à paraître au Bull., http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028514915&fastReqId=568317446&fastPos=2 ).

Ensuite, la SARL n’est pas la SAS. Dans cette dernière forme sociale, l’article L. 227-15 du Code de commerce dispose que « toute cession effectuée en violation des clauses statutaires est nulle ». Le régime légal de la SARL ne comporte pas de disposition similaire. C’est donc au droit commun qu’il appartient de déterminer la sanction applicable à la cession ne respectant pas la clause de préemption statutaire. Le principe est que le non-respect de la clause n’est pas sanctionné par la nullité, sauf s’il est établi que le cédant et le cessionnaire se sont entendus pour que la clause ne soit pas respectée (hypothèse de la collusion frauduleuse, déjà retenue par certains arrêts, comme Cass. com., 7 mars 1989, n° 87-17212, Bull. IV, n° 79, et reprise par la présente décision) ou que celui qui acquiert les parts de SARL (la solution vaudrait aussi pour les actions de SA, ou pour un autre bien que les actions de SAS) avait connaissance (i) de l’existence de la clause et (ii) de l’intention de son bénéficiaire de s’en prévaloir (v. Ch. Mixte, 26 mai 2006, Bull. n° 4).

Enfin, on observera que si la cour d’appel de renvoi confirme la validité de la cession de 2009, on aboutira à une solution assez étonnante, puisque Paul Y aura valablement cédé ses trois parts à M. X en 2009, puis la cession de 2011 l’aura vu céder à nouveau deux de ces mêmes parts à Moïse Y ! Ce n’est que si la cession de 2011 est remise en cause du fait de la reconnaissance de celle de 2009 que l’on retrouvera la cohérence voulue, étant tout de même précisé que l’arrêt commenté refuse de constater la nullité de la cession de 2011.

Bruno DONDERO

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MOOC : Université libre en droit et défense de la culture juridique française

Qu’est-ce qu’un MOOC?

Il est difficile depuis un an et demi d’échapper à la déferlante des MOOCs (Massive Open Online Courses), qui sont des enseignements accessibles par internet, normalement gratuits et ouverts à tous. Une de leurs particularités, mais il n’y a pas de règle universelle dans ce domaine, c’est l’interactivité, avec les enseignants et avec les autres participants. Voilà pourquoi les MOOCs recourent beaucoup aux réseaux sociaux, Facebook et twitter notamment. Cela différencie aussi un MOOC du fait de mettre en ligne une vidéo ou un document. Cela ne fait pas un MOOC, mais si cela sert de support à des échanges entre les enseignants et les participants, de manière encadrée, on va vers le MOOC.

Un enseignant canadien a créé une vidéo (en anglais) qui explique bien les MOOCs:

http://www.youtube.com/watch?v=eW3gMGqcZQc

 

Un MOOC en droit des entreprises.

Cela fait plus d’un an qu’avec plusieurs personnes, à l’Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne, nous avons entrepris un travail sur un MOOC consacré au droit des entreprises, et particulièrement aux règles juridiques applicables aux sociétés: comment les constituer, comment fonctionnent-elles, quelles sont les grandes formes de sociétés, etc. Ce MOOC est aujourd’hui accessible sur la plate-forme du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche: https://www.france-universite-numerique-mooc.fr/courses/Paris1/16001/Trimestre_2_2014/about

Ce MOOC est bien évidemment gratuit et compte plusieurs milliers d’inscrits au jour où j’écris.

 

Les utilités des MOOCs juridiques.

Les utilités des MOOCs juridiques, tel que celui que nous proposons, sont nombreuses.

Tout d’abord, les MOOC constituent un enseignement ouvert à tous, comme les « universités libres » et les « universités de tous les savoirs ». Ils permettent donc de toucher un public qui n’est pas celui des seuls étudiants inscrits à l’Université, mais potentiellement toute la population. On perçoit une première utilité des MOOCs, qui permettront de faire connaître à nos concitoyens tel ou tel aspect de notre système juridique. On peut imaginer toutes les déclinaisons : un MOOC consacré au Code de la route, un autre aux contrats, un troisième aux élections, un autre encore au droit du travail, et ainsi de suite. Alors que nous baignons tous dans le système juridique, nous ne recevons pas tous une formation juridique de base. Les MOOCs juridiques pourraient assurer une telle formation.

Ensuite, ceux qui connaissent déjà le droit ou voudraient le connaître pourront participer avec profit à un MOOC juridique: les lycéens qui se demandent ce qu’est le droit, les étudiants qui veulent réviser ou s’avancer, les professionnels qui veulent approfondir un point de droit ou actualiser leurs connaissances, sont parmi les publics privilégiés d’un MOOC juridique. 

Enfin les MOOCs ont un rôle essentiel à jouer dans la diffusion du droit français, de la culture juridique française et de la francophonie, plus largement. Les MOOCs sont surtout anglophones, aujourd’hui. Les universités américaines ont compris depuis longtemps l’intérêt qu’il y avait à rendre visibles leurs enseignants et leurs cours sur internet par le biais de MOOCs. Parce qu’ils sont gratuits, ouverts à tous et très facilement accessibles, les MOOCs sont un formidable instrument de diffusion du savoir, mais aussi un moyen de diffuser des modèles, en l’occurrence des modèles juridiques. Le MOOC est aussi un instrument de « soft power ». Il permet de faire connaître à la planète entière tel ou tel aspect particulièrement performant de notre système juridique, telle ou telle solution de nos tribunaux, etc.

Il faut préciser un point important. Même si un MOOC est consacré au droit français, il peut servir de support de travail à des participants basés dans un autre pays que la France. Ils pourront constituer des communautés de travail, par les réseaux sociaux, et échanger précisément sur les aspects particuliers de leur système juridique par rapport à ce qu’évoque le MOOC de droit français. Des enseignants de chaque pays pourraient relayer la formation en se servant des supports du MOOC de droit français et en les adaptant. Cela sera d’autant plus facile que le pays en question aura un droit proche du droit français.

Voilà pourquoi il est important de s’intéresser, même à titre expérimental, aux MOOCs et particulièrement aux MOOCs juridiques !

Bruno DONDERO

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Réussir son commentaire d’arrêt

Parce que c’est un exercice qui continue à faire souffrir les étudiants année après année, j’avais réalisé il y a quelque temps une vidéo de conseils sur les choses à faire et à ne pas faire. Cette vidéo est sur youtube: https://www.youtube.com/watch?v=3My8Iv3-xKs

Je trouve que c’est un exercice redoutable pour les étudiants (et pas nécessairement simple pour celui qui n’est plus étudiant), mais qu’il est moins compliqué quand on a compris le but de l’exercice: exposer ce que dit l’arrêt, comment la solution s’intègre au droit positif, et si elle est conforme au reste du droit positif ou non…

Bruno Dondero

 

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L’acte juridique d’expert-comptable rejeté par le Conseil constitutionnel (décision n° 2014-691 du 20 mars 2014)

Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision relative à la loi ALUR (loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové).

Il a déclaré conformes à la constitution la plupart des dispositions de la loi, mais il a censuré l’article 153, relatif à « l’acte juridique contresigné par expert-comptable », par ses considérants n° 74 à 76.

La décision est consultable sur le site du Conseil constitutionnel: http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2014/2014-691-dc/decision-n-2014-691-dc-du-20-mars-2014.140310.html .

Nous avions évoqué la saisine du Conseil constitutionnel ici: https://brunodondero.wordpress.com/2014/02/25/acte-juridique-contresigne-par-expert-comptable-la-loi-alur-devant-le-conseil-constitutionnel/ et nous avions commenté l’art. 153 là: https://brunodondero.wordpress.com/2014/02/20/quand-le-legislateur-invente-lacte-juridique-contresigne-par-expert-comptable-loi-alur-et-cession-de-parts-de-sci/

 

Cet article 153 disparaît donc, ce qui est une bonne chose mais n’épargnera pas une discussion sur le périmètre du droit et l’exercice du droit (nous soulignons le passage pertinent):

« 74. Considérant que l’article 153 complète l’article 1861 du code civil pour imposer que la cession de la majorité des parts sociales d’une société civile immobilière remplissant certaines conditions soit constatée par un acte reçu en la forme authentique ou par un acte sous seing privé contresigné par un avocat ou par un professionnel de l’expertise comptable ; 

75. Considérant que, selon les sénateurs requérants, ces dispositions, en confondant l’acte sous seing privé contresigné par un avocat et celui contresigné par un professionnel de l’expertise comptable, méconnaissent l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi et portent atteinte à la sécurité juridique ; qu’en renvoyant aux conditions prévues au chapitre Ier bis du titre II de la loi du 31 décembre 1971, applicable aux avocats, pour définir l’acte sous seing privé contresigné par un professionnel de l’expertise comptable, le législateur aurait également méconnu l’étendue de sa compétence ; 

76. Considérant que l’article 153 a été introduit par amendement en première lecture à l’Assemblée nationale ; qu’il modifie des dispositions relatives aux actes qui doivent être accomplis par des officiers publics ou des membres des professions réglementées ; que ces dispositions ne présentent pas de lien avec les dispositions du projet de loi initial ; qu’elles ont donc été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution ; que, sans qu’il soit besoin d’examiner les griefs soulevés par les sénateurs requérants, l’article 153 doit être déclaré contraire à la Constitution « .

Bruno DONDERO

 

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Condamnation pénale confirmée pour Jérôme Kerviel, mais cassation sur le volet civil (Cass. crim., 19 mars 2014)

La Chambre criminelle de la Cour de cassation vient de rendre sa décision dans l’affaire opposant Jérôme Kerviel et la Société générale (arrêt du 19 mars 2014) : http://www.courdecassation.fr/IMG///CC_crim_arret1193_140319.pdf, avec un communiqué explicatif http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/arret_n_28730.html .

 En substance, la Chambre criminelle confirme la condamnation pénale de Jérôme Kerviel, mais elle casse la décision de la Cour d’appel de Paris en ce qu’elle avait condamné le trader à verser 4,9 milliards d’euros de dommages-intérêts à son ancien employeur.

 Le volet pénal de l’affaire est donc définitivement tranché, mais une autre juridiction (en l’occurrence la Cour d’appel de Versailles) devra statuer à nouveau sur l’indemnisation à laquelle peut prétendre la Société générale.

  

I – Sur les condamnations pénales : confirmation de l’arrêt d’appel.

 La Cour d’appel de Paris avait condamné le trader à une peine de prison (cinq ans dont deux avec sursis) pour la commission de différents délits.

 Il était reproché à Jérôme Kerviel d’avoir commis un abus de confiance, consistant à avoir utilisé les moyens remis par la banque pour réaliser des opérations à haut risque dépourvues de couverture et au-delà de la limite autorisée fixée à 125 millions d’euros. Les positions spéculatives prises par le trader portaient sur plusieurs dizaines de milliards d’euros.

 M. Kerviel avait plaidé que la banque avait eu connaissance de ses activités, ou aurait dû en connaître l’existence, ce qui n’avait pas été retenu par la cour d’appel, qui avait estimé au contraire que la Société générale n’avait pas eu connaissance des activités de son salarié.

 La question était centrale, car l’abus de confiance consiste à utiliser un bien remis à une fin particulière à une fin autre, notamment dans son intérêt personnel (l’ABS est un délit proche d’ailleurs). S’il avait été établi que la banque laissait faire consciemment le trader, le délit n’aurait pas été constitué.

 La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel.

 Jérôme Kerviel avait également été déclaré coupable d’introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé (le système mis à sa disposition pour passer ses ordres, et dans lequel il avait saisi ou fait saisir des opérations fictives par centaines pour masquer ses opérations non autorisées).

 Le pourvoi en cassation portait non sur la situation particulière de Jérôme Kerviel ou sur la manière dont la cour d’appel avait statué, mais sur la conformité du délit concerné au principe de légalité des peines et à l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif à ce même principe, selon lequel on ne peut être condamné pénalement si, au moment où les faits sont commis, la loi ne définit pas avec précision le comportement pénalement sanctionné. Il était soutenu que ni le « système de traitement automatisé de données », ni la finalité de l’atteinte frauduleuse au système n’étaient définis par le législateur.

 La Cour de cassation considère cependant que le texte concerné (article 323-3 du Code pénal) est suffisamment clair et précis.

 Jérôme Kerviel avait été enfin condamné pour faux et usage de faux, précisément pour avoir créé des courriers électroniques transférés aux organes de contrôle interne de la banque, condamnation que la Cour de cassation ne remet pas en cause.

 

 

II – Sur les condamnations civiles : cassation.

 En revanche, la Chambre criminelle de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en ce qu’il avait condamné Jérôme Kerviel à une somme de 4,9 milliards d’euros de dommages-intérêts (précisément 4.915.610.154 euros), au titre du préjudice subi par la Société générale du fait du « débouclage impératif » des positions prises par le trader. En clair, la banque avait dû liquider les positions prises par M. Kerviel très vite et donc dans des conditions préjudiciables, pour se mettre en conformité avec la réglementation bancaire, notamment relative aux ratios de solvabilité.

 La cassation est fondée sur les articles 2 du Code de procédure pénale et 1382 du Code civil, relatifs à l’indemnisation de la victime d’une fait dommageable, en l’occurrence d’une infraction pénale.

 La question posée à la Cour de cassation était relative à la faute commise par la banque elle-même. La Commission bancaire, qui était alors l’autorité de régulation du secteur bancaire, avait constaté et sanctionné une « défaillance certaine des systèmes de contrôle de la Société générale », qui avait été condamnée à une amende de 4 millions d’euros.

 En droit français, la faute de la victime réduit en principe son droit à réparation. Dès lors, la faute de la banque, qui avait fait preuve de négligence dans la surveillance des opérations faites pour son compte, doit réduire son droit à réparation.

 

La cour d’appel avait cependant fait application d’une solution jurisprudentielle de la Chambre criminelle de la Cour de cassation selon laquelle le droit à réparation de la victime ne peut pas être réduit par sa faute lorsque son dommage lui est causé par une infraction intentionnelle contre les biens. La raison de cette solution est que si on admettait que l’auteur d’une infraction contre les biens (vol ou escroquerie, par exemple) ne doive pas indemniser la victime pour le tout, du fait de la faute de celle-ci, alors l’auteur du délit pourrait conserver une partie du profit tiré de sa faute pénale. Pour une application, v. Cass. crim., 4 oct. 1990, n° 89-85392, http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007067538&fastReqId=68031230&fastPos=1).

 La Chambre criminelle se refuse à appliquer cette solution ici, ce que l’on peut expliquer de deux manières.

 1. Elle se rallie à la position des autres Chambres de la Cour de cassation, et on peut le penser en lisant l’attendu de principe de l’arrêt selon lequel « lorsque plusieurs fautes ont concouru à la production du dommage, la responsabilité de leurs auteurs se trouve engagée dans une mesure dont l’appréciation appartient souverainement aux juges du fond ». La Chambre criminelle ne reprend donc pas sa jurisprudence précédente.

 2. Une autre explication possible est que la Cour de cassation considère que la banque a commis des négligences telles qu’elle aurait quasiment participé à la commission de l’infraction. L’arrêt relève que la cour d’appel avait relevé « l‘existence de fautes commises par la Société générale, ayant concouru au développement de la fraude et à ses conséquences financières ». Or quand la victime participe à la commission de l’infraction, la solution précédemment évoquée ne s’applique plus (v. Cass. crim., 4 oct. 1990, préc.).

 

Bruno DONDERO

 

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Article 1843-4: qu’apporte l’arrêt du 11 mars 2014 ?

 

La Cour de cassation a rendu une décision importante le 11 mars 2014 (n° 11-26915, http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechExpJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028730333&fastReqId=414336376&fastPos=1), relative à l’application de l’article 1843-4 du Code civil, texte qui prévoit que « Dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ».

 

Cette décision, que je commenterai prochainement au Recueil Dalloz (v. également les observations de Me Samuel SCHMIDT, http://lecercle.lesechos.fr/entrepreneur/juridique/221193322/determination-prix-promesses-revirement-on-attendait-plus), fait l’objet de la plus importante diffusion possible (publication aux deux Bulletins, au Rapport annuel et diffusion sur le site internet de la Cour). La Chambre commerciale limite de manière inédite le champ d’application de l’article 1843-4, en en excluant la promesse de vente librement consentie par un associé, ce qui constitue selon moi un revirement.

 

Le contexte.

La question est comme on le sait très importante, car jusqu’à présent, la situation, fort gênante pour la pratique, était la suivante. Un associé prenait l’engagement de céder ses parts ou ses actions, en signant une promesse. Cette promesse prévoyait un prix, déterminable ou déterminé, et qui pouvait être intentionnellement surévalué ou au contraire sous-évalué, en fonction des circonstances. Le dirigeant et associé qui cédait ses titres après s’être maintenu dans la société pendant une certaine période pouvait ainsi percevoir un prix plus important, ou être pénalisé en cas de cession intervenant avant l’expiration de cette période (clauses de good leaver / bad leaver, déjà abordées dans ce blog : https://brunodondero.wordpress.com/2013/05/11/le-respect-de-la-procedure-prevue-par-le-pacte-clause-good-leaver-bad-leaver-c-a-paris-19-mars-2013-n-rg-1203448/). Le prix pouvait aussi être d’un montant tel qu’il garantisse à un associé investisseur une possibilité de sortir de la société pour un prix en rapport avec son investissement. Or, depuis quelques années, les prévisions des parties en ce domaine pouvaient se trouver bouleversées du fait de l’application que les juges faisaient de l’article 1843-4, puisque, alors que les parties s’étaient accordées sur un prix, il était possible à l’une d’elles d’obtenir la désignation d’un expert (qui n’est pas un expert au sens traditionnel du terme, mais un tiers qui va donner le prix de cession de droits sociaux et lier le juge et les parties par son évaluation, sauf erreur grossière) et que celui-ci n’est aucunement tenu par les stipulations des parties.

 

L’arrêt rendu par la Cour de cassation intervient dans un contexte particulier, car la solution qu’il remet en cause avait été critiquée au point que le législateur se saisisse de la question… pas personnellement, à vrai dire : c’est à une ordonnance, non encore publiée, que la mission de régler le problème a été confiée. La loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 a en effet habilité le gouvernement à réformer l’article 1843-4 par voie d’ordonnance, « pour assurer le respect par l’expert des règles de valorisation des droits sociaux prévues par les parties ». La Cour de cassation procède ici différemment, puisqu’elle limite le champ d’intervention de l’expert, plutôt que de le contraindre à respecter la volonté des parties. Les rédacteurs de l’ordonnance devront tenir compte du nouvel élément que fournit l’arrêt du 11 mars 2014.

 

Que dit cet arrêt ?

 

Un actionnaire avait signé un pacte aux termes duquel, en cas de cessation de ses fonctions de direction, il promettait de céder à la société une partie de ses actions pour un prix égal à leur valeur nominale. La société prétendait faire jouer la clause du pacte, mais l’associé se prévalait de l’article 1843-4 et obtenait gain de cause devant la cour d’appel saisie du litige.

 

L’arrêt d’appel est cependant cassé pour violation de l’article 1843-4 du Code civil, au motif que « les dispositions de ce texte, qui ont pour finalité la protection des intérêts de l’associé cédant, sont sans application à la cession de droits sociaux ou à leur rachat par la société résultant de la mise en œuvre d’une promesse unilatérale de vente librement consentie par un associé ».

 

La situation du droit positif est donc aujourd’hui, me semble-t-il, la suivante :

–                     la promesse prévoyant un prix ou une méthode de détermination du prix, figurant dans un pacte ou dans un autre contrat, est clairement exclue du champ d’application de l’article 1843-4, puisque l’associé y aura consenti ;

–                     lorsque les statuts prévoient une cession ou un rachat de droits sociaux, et même si l’arrêt ne vise pas cette hypothèse, je pense qu’il convient de s’assurer que l’associé à qui on impose de céder ses parts ou ses actions a consenti à leur valorisation et que la clause statutaire ne lui a pas été imposée par un vote majoritaire. De même que certaines clauses doivent toujours être adoptées à l’unanimité (les clauses d’exclusion, d’inaliénabilité ou d’agrément dans les SAS, par exemple, comme le prévoit l’art. L. 227-19 C. com.), il convient que les clauses statutaires – les seules pour lesquelles la question se pose vraiment – relatives à la détermination du prix aient été acceptées par tous ceux auxquels on prétend les appliquer ;

–                     une question demeure, qui est celle du cas où c’est la loi qui prévoit la cession ou le rachat. Dans ce cas, l’article 1843-4 est applicable (le législateur le prévoit souvent expressément, d’ailleurs). Une valorisation à laquelle l’associé aurait consenti est-elle alors de nature à écarter l’intervention de l’expert ? C’est une question à laquelle nous n’avons pas encore de réponse certaine. L’arrêt du 11 mars 2014 ne vise pas ce cas, et la jurisprudence antérieure laisse penser que l’expert peut écarter la méthode de fixation du prix ou le prix prévu par les parties. Mais la loi du 2 janvier 2014 veut voir l’expert respecter les règles de valorisation prévues par les parties!

 

La solution retenue par la Cour de cassation n’est pas véritablement coordonnée avec la réforme annoncée par la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014. Puisque, ainsi qu’on l’a dit, l’ordonnance à intervenir devrait réformer l’article 1843-4 « pour assurer le respect par l’expert des règles de valorisation des droits sociaux prévues par les parties », la Cour de cassation fait autre chose que d’anticiper cette solution, puisqu’elle limite le champ d’intervention de l’expert, plutôt que de le contraindre à respecter la volonté des parties. La solution retenue par l’arrêt du 11 mars 2014 est néanmoins très opportune, car elle revient à dire que l’on ne peut revenir sur un prix ou une méthode de détermination du prix auquel on a consenti dans une promesse de vente, y compris figurant dans un pacte.

 

En conclusion, ce ne serait que (i) la valorisation à laquelle n’a pas consenti l’associé dont les titres doivent être cédés qui pourrait être remise en cause par l’intervention de l’expert de l’article 1843-4 et (ii), mais la solution est aujourd’hui incertaine, la valorisation convenue par avance en cas de cession ou de rachat prévu par la loi. Reste à voir ce que l’ordonnance à intervenir fera dans ce contexte renouvelé !

 

Bruno DONDERO

PS: le projet d’ordonnance est consultable en ligne: http://bit.ly/1pb1Urt
La solution qu’il propose (limiter l’application de l’article 1843-4 aux seules cessions prévues par la loi) ne correspond pas vraiment à ce que demandait le législateur (faire en sorte que l’expert respecte les méthodes de valorisation des parties), sans recouper parfaitement la solution de la Cour de cassation…

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A quick introduction to French Contract Law (4): Revision project, conclusion

French Contract Law is a quite old field of law, considerably rich from an intellectual standpoint. It is interesting to point out some of its basic features to non-French lawyers, students and scholars.

 

Revision project and conclusion

A revision project of the French Contract Law has been in discussion for some years now, specifically in order to integrate case law solutions. Case law solutions are generally known, but it would be useful to bring them to the general knowledge in a clearer way through inserting them into the articles of the Code civil.

It is interesting to see how French Law, which is a continental system of law traditionally seen as based on Codes, gives in fact great authority to case law in the field of Contract Law.

It must also be said that Contract Law, as it results from the Code civil, is the general legislation that applies to parties in a situation of equality. Specific bodies of Law also apply to particular situations. For instance, a contract concluded between a consumer or a non-professional and a professional will also be regulated by specific rules included the Code de la consommation.

 

By Bruno DONDERO,

professor at Paris 1 Panthéon – Sorbonne University

bruno.dondero@univ-paris1.fr

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A quick introduction to French Contract Law (3): enforceability, role of the judge

French Contract Law is a quite old field of law, considerably rich from an intellectual standpoint. It is interesting to point out some of its basic features to non-French lawyers, students and scholars.

 

Enforceability

The contract is binding upon the parties, by the mere fact that it exists. However, the contracting parties may strengthen their commitments with some specific clauses. For instance, a penalty clause or a cancellation clause can be inserted in the contract.

The penalty clause provides for an amount of money to be paid by the debtor when he/she doesn’t perform its obligations, or when he/she does it improperly. This amount of money corresponds to the compensation for the damage caused by said non-performance. In case such provision is not inserted, the judge shall assess the damage by himself/herself. In case a penalty clause is provided, the judge can reduce the amount when it appears to be clearly excessive – this remains an exceptional situation where the judge can modify the contract.

The cancellation clause provides that the contract will be terminated in the event that one of the parties doesn’t perform its obligations, of if another event takes place, as set forth by the parties.

Role of the judge

The French judge can be requested by one of the parties to enforce the contract. In doing so, the judge frequently has to interpret the contract. Interpretation can lead the judge to add some obligations into it.

The judge can also be requested to cancel the contract, or to declare one or several clauses invalid. In the case of partial cancellation, the contract can still be valid, apart from the invalid clauses, or it can be totally cancelled.

As a rule, the judge cannot modify the contract to restore balance in the contractual relationship.

 

By Bruno DONDERO,

professor at Paris 1 Panthéon – Sorbonne University

bruno.dondero@univ-paris1.fr

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A quick introduction to French Contract Law (2): autonomy of willingness, creation of the contract, proof, cancellation

French Contract Law is a quite old field of law, considerably rich from an intellectual standpoint. It is interesting to point out some of its basic features to non-French lawyers, students and scholars.

 

 

 

Autonomy of willingness

Among French Contract Law principles, a very important one is the principle of autonomy of willingness (théorie de l’autonomie de la volonté). Basically, it means that it is through their willingness that the contracting parties are bound to a contract. Even if the Law also matters, the Civil code provides that the “agreements lawfully entered into take the place of the law for those who have made them” (article 1134, one of the most important provisions of French Law. Therefore, as a rule, contracting parties cannot terminate a contract unless they all agree to its termination.

Creation of the contract and proof

Several important rules are deduced from the principle of autonomy of willingness. One of them is the principle of consensualisme. It means that as a rule, it is enough to agree on the essential points of the contract to consider it as legally constituted. For instance, a sale contract is achieved by means of the sole agreement on the identity of the good and the price. The delivery of the good and the payment of the price are obligations arising from the contract, which therefore comes into being before the delivery of the good to the buyer and the payment of the price.

That said, in practice, we quite often put an act in writing, for two reasons.

First, the French law requires a written act for certain contracts to be legally constituted.

Secondly, a written act is frequently requested in order to comply with proof issues. Indeed, above 1,500 euros, French law requires as a rule a written document signed by the contracting parties. In case there is no written document, it is generally not possible to prove the existence of the contract, except if special circumstances exist, as for instance: moral impossibility as a justification for not requiring a written document (for instance a contract concluded between members of the same family, etc.) or an incomplete written contract.

There is also the peculiar situation where one of the contracting parties is a merchant or a commercial legal person (partnership or corporation), and the contract is related to the business of that party. In that case, the principle is the freedom of proof. That is to say that the existence of the contract can be established in court even without a written document from the contracting parties; when making its decision about the existence of the contract, the judge will make up his/her mind on the basis of factual elements brought by the contracting parties, such as letters or e-mails.

 

Importance of consent and cancellation

The willingness of the contracting parties and their consent to the contract are particularly important under French Contract Law. This explains why the contract can be canceled if the consent was irregularly granted. If a party deceives the other or behaves with violence in order to oblige the other to sign the contract, and even when a contracting party got it wrong on his/her own about the deal, the contract can be canceled. It shall be noted that French Law requires the judge’s intervention to cancel a contract.

When a contract is canceled, it is deprived of effect for the future. As for the past, the ex-contracting parties shall be put back in the position they were in before concluding the contract, which may imply refunds.

By Bruno DONDERO,

professor at Paris 1 Panthéon – Sorbonne University

bruno.dondero@univ-paris1.fr

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A quick introduction to French Contract Law (1): Code civil and case law

 

French Contract Law is a quite old field of law, considerably rich from an intellectual standpoint.

It is interesting to point out some of its basic features to non-French lawyers, students and scholars.

 

Code civil and case law

The general principles governing French Contract Law were established by the 1804 civil code, the Code civil (http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20140315 – you have access to an English version of it, even if not perfectly up-to-date at http://www.legifrance.gouv.fr/Traductions/en-English/Legifrance-translations). These articles (among the most important are articles 1101 to 1233) were very neatly written, and have been hardly modified over the past two centuries.

However, they have been largely completed by case law, in particular by decision making of the French Supreme Court’s (Cour de cassation), and by the work of the legal doctrine, i.e. law professors and lawyers who study legal provisions and case law and come up with interpretations, suggestions and solutions.

 

By Bruno DONDERO,

professor at Paris 1 Panthéon – Sorbonne University

bruno.dondero@univ-paris1.fr

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Arrêt de la Cour de cassation important sur l’art. 1843-4

Cass com. 11 mars 2014 n11-26915

Attendu,  selon  l’arrêt  attaqué,  que  la  société  Crocus Technology (la
société)  a  été  constituée  le  7  avril  2004,  M.  X…, l’un des trois
principaux  actionnaires, étant nommé administrateur et directeur général ;
que  le  même jour, une “convention d’actionnaires” a été conclue, pour une
durée  de  trois  ans,  par  l’ensemble  de ceux-ci ; qu’il était notamment
stipulé  que  la  démission  de  ses  fonctions  par  l’un  quelconque  des
dirigeants  dans  ce  délai entraînerait de plein droit promesse « ferme et
irrévocable  »  de  sa  part  de  céder à la société une partie des actions
détenues  par  lui  pour  leur  valeur nominale, cet achat d’actions devant
s’effectuer en vue d’une réduction du capital non motivée par des pertes ou
d’une  attribution  à  des  salariés ; qu’il était également stipulé que la
société  disposerait  d’un délai de six mois à compter de la démission pour
exercer  l’option  d’achat  et  que dans le cas où le dirigeant concerné ne
remettrait  pas  les  ordres  de  mouvement constatant la réalisation de la
cession,  cette constatation résulterait de la consignation du prix ; qu’il
était  encore  convenu  que  la société aurait la faculté de se substituer,
dans  le  bénéfice  de  la  promesse,  toute  personne  physique  appelée à
remplacer   le   dirigeant  concerné  et  que  pour  l’application  de  ces
stipulations,  la  révocation  d’un dirigeant pour une faute équivalente en
droit  social à une faute grave serait assimilable à une démission ; que le
8  juillet  2004, M. X… a conclu avec la société une convention prévoyant
notamment  qu’il  bénéficierait  d’une  indemnité  de rupture de son mandat
social,  en  l’absence de faute grave ou lourde, et qu’il serait tenu d’une
obligation  de  non-concurrence  pendant  une  durée  de  deux ans après la
cessation   de   ses  fonctions  ;  que  le  4  octobre  2004,  le  conseil
d’administration  a  révoqué  M. X… de ses fonctions de directeur général
pour  faute  grave  ;  que  le  24  mars  2005,  l’assemblée  générale  des
actionnaires  a  révoqué M. X… de ses fonctions d’administrateur ; que la
société  s’est  ensuite  prévalue de la promesse de cession d’une partie de
ses  actions  souscrite  par  ce  dernier  et a, à la suite de son refus de
l’exécuter,  consigné  une  certaine  somme  correspondant  au prix d’achat
convenu ; que, faisant notamment valoir qu’il avait été abusivement révoqué
de  ses mandats sociaux et que le transfert de la propriété d’une partie de
ses  actions  était irrégulier, M. X… a fait assigner la société aux fins
d’annulation des décisions prises par les organes sociaux postérieurement à
ce  transfert  et  en paiement de diverses sommes au titre du rachat de ses
actions  et  à  titre de dommages-intérêts ; que par un premier arrêt du 12
mai  2010,  la cour d’appel, après avoir dit que c’était en exécution d’une
clause  licite  et  régulièrement mise en oeuvre qu’il avait été procédé au
rachat  de  la moitié de la participation de M. X…, a rejeté les demandes
indemnitaires formées par ce dernier pour révocation abusive de ses mandats
sociaux  et en contrepartie de son obligation de non-concurrence, ainsi que
sa  demande en nullité des actes et délibérations des organes de la société
intervenus depuis le 25 avril 2005 et a, avant dire droit sur la demande en
paiement  du  prix  des  actions,  invité  les  parties  à  présenter leurs
observations sur l’application de l’article 1843-4 du code civil ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu  que M. X… fait grief à l’arrêt de le déclarer irrecevable en ses
demandes  tendant à la constatation du caractère irrégulier du transfert de
la  moitié  de  ses  actions,  en nullité des actes et des délibérations de
l’assemblée  générale  des  actionnaires  et  en  paiement  de  l’indemnité
contractuelle  de rupture ainsi que de dommages-intérêts en contrepartie de
son obligation de non-concurrence, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Grenoble le 12
mai  2010  emportera,  par  voie  de  conséquence  et  par applications des
dispositions  de l’article 625 du code de procédure civile, l’annulation de
l’arrêt attaqué ;
2°/  que,  dans  tous  les  cas, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à
l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement, la chose demandée devant être
la  même  et  la demande fondée sur la même cause ; qu’en déclarant M. X…
irrecevable  en  ses  demandes  en  constatation du caractère irrégulier du
transfert  de  la moitié de ses actions, en nullité des actes du conseil et
en   paiement  de  l’indemnité  contractuelle  de  rupture,  ainsi  que  de
dommages-intérêts  en contrepartie de son obligation de non concurrence, au
motif  que,  dans  son précédent arrêt du 12 mai 2010, elle avait notamment
retenu  que  la révocation pour faute grave de M. X… était justifiée, que
c’était  en exécution d’une clause licite qu’il avait été procédé au rachat
forcé de la moitié de sa participation dans le capital de la société Crocus
Technology  et que l’intéressé n’était pas fondé à solliciter une indemnité
en  contrepartie  de  son  obligation de non-concurrence, cependant que les
demandes de M. X… formulées après réouverture des débats avaient un autre
fondement   juridique,   délictuel   s’agissant   du  rachat  forcé  de  sa
participation,  et  textuel  s’agissant de la clause de non-concurrence, la
cour  d’appel, qui en présence de demandes fondées sur une cause différente
ne  pouvait  opposer  à  X…  l’autorité  de  la  chose  jugée tirée de sa
précédente décision, a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code
de procédure civile ;
Mais  attendu,  d’une part, que le pourvoi formé contre l’arrêt rendu le 12
mai  2010  par la cour d’appel de Grenoble ayant été rejeté par arrêt de ce
jour, la première branche est inopérante ;
Et  attendu,  d’autre  part,  qu’il  incombe au demandeur de présenter, dès
l’instance  relative  aux  premières  demandes, l’ensemble des moyens qu’il
estime  de nature à fonder celles-ci ; qu’ayant retenu qu’il avait déjà été
statué  sur  la  régularité  du  transfert  de  la  propriété  des  actions
litigieuses,  sur  la validité des actes du conseil d’administration et des
assemblées  générales  de  la  société,  sur  la  demande  en  paiement  de
l’indemnité  contractuelle  de  rupture  ainsi  que  sur  celle  tendant  à
l’allocation  de  dommages-intérêts  en  contrepartie  de  l’obligation  de
non-concurrence,  la  cour  d’appel en a exactement déduit que les demandes
réitérées  par  M.  X…  après  la  réouverture des débats se heurtaient à
l’autorité   de  la  chose  précédemment  jugée  entre  les  mêmes  parties
relativement aux mêmes contestations ;
D’où  il  suit  que  le  moyen,  qui  ne peut être accueilli en sa première
branche, n’est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l’article 1843-4 du code civil ;
Attendu  que  les  dispositions  de  ce  texte,  qui  ont  pour finalité la
protection  des  intérêts  de  l’associé cédant, sont sans application à la
cession  de  droits sociaux ou à leur rachat par la société résultant de la
mise  en oeuvre d’une promesse unilatérale de vente librement consentie par
un associé ;
Attendu  que  pour décider que la valeur des actions cédées par M. X…, en
application   de   la   promesse  de  vente  contenue  dans  la  convention
d’actionnaires  du  7  avril 2004, doit être fixée à dire d’expert selon la
procédure instituée par l’article 1843-4 du code civil, l’arrêt retient que
ce  texte,  d’ordre public, est d’application générale en cas de cession ou
de  rachat  forcé  prévu  par la loi ou les statuts, mais également par des
pactes extra-statutaires ; que l’arrêt ajoute qu’il a donc vocation à régir
la  situation créée par l’article 3 de la convention d’actionnaires conclue
par  l’ensemble  des  associés le jour même de l’adoption des statuts, avec
lesquels  elle  fait  corps  ; qu’il retient encore qu’en vertu de la règle
impérative  posée  par  l’article 1843-4 du code civil, nul associé ne peut
être  contraint  de  céder  ses droits sociaux sans une juste indemnisation
arbitrée  à  dire  d’expert  ; qu’il en déduit que la clause des statuts ou
d’un pacte extra-statutaire, qui fixe par avance la valeur des parts ou des
actions  rachetées, ne peut prévaloir sur la règle légale lorsque, comme en
l’espèce, l’associé évincé en conteste l’application ;
Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal ;
Et sur le pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a dit que la valeur des actions
cédées  en  application  de  la « clause de rachat forcé » contenue dans la
convention d’actionnaires du 7 avril 2004 devait être fixée à dire d’expert
selon  la  procédure  instituée par l’article 1843-4 du code civil et en ce
qu’il  a  sursis  à  statuer sur la demande en fixation du prix des actions
dans  l’attente de l’estimation expertale, l’arrêt rendu entre les parties,
le 12 mai 2011, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, sur ces points, la
cause  et  les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt
et,  pour  être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble,
autrement composée

Président : M. Espel
Rapporteur : M. Le Dauphin
Avocat général : M. Mollard, avocat général référendaire
Avocat(s) : Me Balat ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

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La faute séparable des prérogatives de l’associé (Cass. com., 18 févr. 2014)

 

La Cour de cassation a rendu récemment un arrêt (n° 12-29752, à paraître au Bulletin, http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028642268&fastReqId=1897137026&fastPos=1) qu’il faut connaître car il dit clairement ce que d’autres décisions avaient laissé seulement deviner: lorsqu’il exerce ses prérogatives d’associé, notamment en votant lors d’une assemblée, l’associé n’engage en principe pas sa responsabilité, sauf à démontrer qu’il commis « une faute intentionnelle d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal des prérogatives attachées à la qualité d’associé, de nature à engager sa responsabilité personnelle envers le tiers cocontractant de la société ».

On retrouve ici une transposition de la définition de la faute séparable des fonctions énoncée par la Cour de cassation dans son arrêt bien connu du 20 mai 2003 (Cass. com., 20 mai 2003, Bull. IV, n° 84 ; D. 2003, AJ, p. 1502, obs. A. Lienhard ; ibid., jur., p. 2623, note B. Dondero ; Rev. sociétés 2003, p. 479, note J.-F. Barbièri ; BJS 2003, p. 786, note H. Le Nabasque).

La solution était assez prévisible. La Cour de cassation avait déjà jugé que les associés d’une SARL qui révoquaient le gérant par une décision inspirée par une intention vexatoire et contraire à l’intérêt social engageaient leur responsabilité (Cass. com., 13 mars 2001, Bull. IV, n° 60; Rev. Sociétés 2001, p. 818), ou que le dirigeant associé qui décidait une distribution de dividendes, ce qui empêchait la société de payer un créancier, n’engageait par principe pas sa responsabilité (Cass. com., 12 mars 2013, n° 12-11514, Rev. Sociétés 2013, p. 346).

Commentant ce dernier arrêt, j’écrivais: « Cette question [de la responsabilité de l’associé à l’égard des tiers] doit se résoudre en termes identiques pour l’associé et le dirigeant : l’associé n’engage pas sa responsabilité personnelle, lorsqu’il participe à la prise d’une décision en assemblée, sauf à montrer qu’il a commis une faute séparable de ses « fonctions d’associé », même si l’expression n’est pas très heureuse ». La Cour de cassation confirme la solution et apporte le bon terme en évoquant les « prérogatives » de l’associé.

Bruno DONDERO

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Quelques mesures importantes de la loi du 6 décembre 2013 (lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière)

 La loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 (http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=14AF05711C3360B51B38245768816F9C.tpdjo11v_3?cidTexte=JORFTEXT000028278976&dateTexte=20140309 ) avait déjà été évoquée dans le cadre de ce blog, à propos de ses dispositions qui avaient été écartées par le Conseil constitutionnel (décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013, https://brunodondero.wordpress.com/2013/12/04/les-amendes-applicables-aux-personnes-morales-ne-vont-pas-senvoler/ et https://brunodondero.wordpress.com/2013/12/04/110/).

 Parce qu’elle est une de ces lois qui touchent à de nombreux secteurs de la vie des affaires, il est utile de reprendre quelques mesures de ce texte récent, parmi les plus importantes, que les entreprises et les professionnels qui les assistent doivent connaître.

  

1° Allongement de la durée maximum de l’interdiction d’exercer une activité commerciale.

 L’article 131-27 du Code pénal est modifié par l’article 2 de la loi LFFGDEF. La durée maximum de l’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale, lorsque cette interdiction est temporaire, peut être désormais d’une durée de quinze ans, contre dix précédemment.

 

 2° Réduction ou exemption de peine pour les repentis.

La nouvelle loi réduit ou supprime la peine de celui qui permet de faire cesser certaines infractions ou d’identifier les autres auteurs ou les complices, en avertissant l’autorité judiciaire ou administrative (article 5 de la loi). Sont concernées les infractions de blanchiment, corruption, et trafic d’influence.

Pour prendre un exemple, l’article 434-9 du Code pénal, qui est l’une des dispositions concernées par le nouveau dispositif, sanctionne le trafic d’influence actif et passif en matière de justice. Sont ainsi sanctionnés le fait qu’un juge, un greffier, un arbitre, notamment, reçoive ou demande de l’argent ou un autre bien pour exercer ses fonctions de manière orientée. Est également punissable la personne qui propose ce type d’avantage. Simplement, il est désormais possible que les peines prévues par le texte, qui sont d’ailleurs aggravées par la loi LFFGDEF, soient réduites de moitié si le juge qui a perçu un avantage illicite le signale aux autorités et permet de faire cesser l’infraction et d’identifier les personnes lui ayant remis les sommes.

 

3° Aggravation des peines encourues en cas de corruption et de trafic d’influence.

 La loi LFFGDEF augmente substantiellement le montant des amendes prévues pour les infractions de corruption et de trafic d’influence (article 6 de la loi). Là où était prévue antérieurement une peine d’amende, le législateur augmente le montant (par exemple l’amende prévue en cas de versement de sommes à un magistrat pour qu’il statue de manière orientée passe de 150.000 euros à 1 million) et « déplafonne » le montant maximum en permettant de porter celui-ci au double du produit tiré de l’infraction.

 

4° Création d’un délit d’ABS aggravé.

 L’abus de biens sociaux (ABS) consiste pour un dirigeant de droit ou de fait d’une SARL ou d’une société par actions à utiliser les biens de la personne morale dans son intérêt personnel (ou pour favoriser une autre société ou entreprise « dans laquelle il est intéressé ») et contrairement à l’intérêt social. Il est sanctionné de 5 ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende.

 La loi LFFGDEF crée un délit aggravé d’ABS (art. 30 de la loi, modifiant les art. L. 241-3 et L. 242-6 du Code de commerce), afin de sanctionner la pratique consistant à recourir à des comptes ouverts à l’étranger ou à des sociétés étrangères, dans le but de rendre plus difficile la détection de l’ABS ou l’établissement de sa preuve. Précisément, lorsque l’ABS a été réalisé ou facilité soit au moyen de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger, soit au moyen de l’interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l’étranger, alors les peines encourues sont de sept ans d’emprisonnement et 500.000 euros d’amende.

 Ce nouveau délit est par ailleurs susceptible, au plan procédural, de permettre le recours à certains moyens (interceptions téléphoniques, captation de données informatiques, etc., selon l’art. 706-1-2 du Code de procédure pénale, en sa rédaction résultant de l’art. 66 de la loi LFFGDEF).

  

5° Autres mesures.

 Parmi les autres mesures de la loi, et sans exhaustivité, on relèvera que les sanctions encourues par les personnes morales en cas de récidive sont déterminées différemment (art. 4 de la loi), le non-paiement de l’impôt est sanctionné pénalement de manière plus lourde dans un certain nombre d’hypothèses (art. 9 de la loi), un registre public des trusts placé sous la responsabilité du ministre de l’économie et des finances est institué (art. 11), un procureur de la République financier est institué, qui a une compétence exclusive pour les délits prévus aux articles L. 465-1 et L. 465-2 du Code monétaire et financier (titre V de la loi – v. les observations de R. Salomon, in Droit des sociétés 2014, comm. n° 37).

 

                                                                                   Bruno DONDERO

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Un travail sur la finance islamique (Finance islamique et immobilier au Maroc)

Ces quelques lignes pour signaler aux lecteurs de ce blog la soutenance de la thèse de M. Zakaria Meliani, intervenue le 4 mars 2014, sur un sujet très intéressant: « Finance islamique et immobilier au Maroc ».

Ce travail, qui était dirigé par le professeur Renaud Mortier, de l’Université de Rennes 1, également directeur du Centre de droit des affaires de cette université, s’inscrivait dans le domaine de recherche sur la finance islamique, qui a déjà fait l’objet de nombreux travaux. Le thème précis traité par M. Meliani ne l’avait pas été, et la lecture de sa thèse, qui évoque un certain nombre d’institutions déjà connues et les rapproche des opérations immobilières, sera particulièrement apprécié de ceux qui étudient la finance islamique.

Parmi les institutions évoquées, on signalera notamment, au-delà de la prohibition bien connue du Riba, c’est-à-dire de l’intérêt, les contrats de Mourabaha (contrat d’achat-revente), de Moucharaka (contrat de société), d’Ijara wa iqtina (contrat de bail), ainsi que les Sukuk (titres obligataires islamiques). 

Au-delà du travail du doctorant, désormais docteur, la soutenance était particulièrement riche, et était assez proche d’un colloque sur la finance islamique, tout en ne perdant pas de vue le travail du candidat!  Le jury réunissait, outre le professeur Mortier, directeur des travaux, et l’auteur de ces lignes, rapporteur, le professeur Driss Khoudry, de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Casablanca, Ain Chok, également rapporteur, le professeur Omar Ech-Cherif El Kettani, de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Rabat, Agdal et le professeur Mohamed Naciri, de l’Etablissement Dar Al Hadith El Hassania, de Rabat.

Le candidat ayant eu la bonne idée de faire filmer l’intégralité de la soutenance, j’espère pouvoir insérer prochainement un lien vers la vidéo de ces « entretiens de la finance islamique », en attendant de pouvoir annoncer la publication de cet intéressant travail. 

Bruno Dondero

 

 

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La mention « société en formation » est importante!

En droit français, une société devient une personne morale lorsqu’elle a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés. Cette immatriculation fait de la société un sujet de droit, qui peut conclure des contrats et qui dispose d’un patrimoine propre. Tant que la société n’est pas immatriculée, elle est un contrat entre ses associés (et même moins que cela lorsque la société est une EURL ou une SASU).

En principe, la société ne peut donc conclure aucun acte juridique valable avant son immatriculation.

Le Code civil et le Code de commerce prévoient toutefois, respectivement en leurs articles 1843 et L. 210-6, un dispositif permettant aux sociétés de conclure des actes juridiques avant leur immatriculation. Une personne, agissant « au nom d’une société en formation », est ainsi autorisée à conclure des contrats qui seront éventuellement repris par la société, une fois celle-ci immatriculée, et ce de manière rétroactive, la convention étant réputée avoir été contractée dès l’origine par la société. Si la société n’est pas immatriculée, ou que le contrat n’est pas repris par elle, c’est sur le signataire, ou sur les personnes qu’il représentait (les associés de la société en cours de constitution), que pèsent les conséquences du contrat.

Le dispositif est indéniablement utile pour les sociétés en cours de constitution. De cette manière, le bail commercial, les contrats de travail, les premiers contrats avec les fournisseurs, la convention de compte bancaire, c’est-à-dire les contrats nécessaires à la préparation de l’activité de la société, vont pouvoir être signés, sans qu’il faille tout reporter à une date postérieure à l’immatriculation. La société pourra donc commencer son activité à plein régime dès qu’elle aura été immatriculée. A défaut d’un tel dispositif, la société se trouverait contrainte, après son immatriculation, de passer plusieurs semaines ou plusieurs mois à quêter à droite et à gauche la signature des contrats négociés, mais non conclus, pendant la période de constitution. Ou alors, il conviendrait que les contrats soient conclus par les fondateurs puis cédés, avec l’accord du cocontractant, à la société immatriculée. La solution serait compliquée, parce qu’il faudrait que chaque cocontractant accepte la possibilité d’une transmission. Le changement de contractant (du fondateur à la société, une fois celle-ci immatriculée) pourrait aussi entraîner des conséquences, notamment fiscales, peu souhaitables.

Notons que, si l’on se place du point de vue des cocontractants, ils ont intérêt à ne pas accepter l’utilisation du dispositif légal en l’état. Celui qui signe un bail commercial avec « M. X, agissant au nom de la société en formation Y », s’expose à ce que la société Y reprenne le bail à son nom, libérant M. X de toute obligation. Il conviendra donc que le bailleur demande des garanties sur ce que sera la société Y : quel sera sa forme juridique, quel sera son capital social, etc. Il sera même concevable que le tiers qui contracte avec une personne agissant au nom d’une société en formation demande des engagements particuliers aux fondateurs sur la société qui pourra devenir son partenaire.

Un point pratique mérite surtout d’être rappelé aux personnes qui participent à la constitution d’une entreprise. La jurisprudence sanctionne régulièrement des actes faits pour le compte d’une société antérieurement à son immatriculation, sans que les mots « société en formation » aient été mentionnés dans l’acte. Les juges distinguent ainsi le contrat fait dans le cadre du dispositif légal des articles 1843 ou L. 210-6 (par exception, une convention est faite pour une société en formation) et le contrat qui a été conclu au nom d’une société qui n’a aucune existence légale. Signer un contrat au nom de « la SARL X », avant son immatriculation, c’est signer une convention nulle, de nullité absolue; signer un contrat au nom de « la SARL en formation X », c’est se placer dans le dispositif légal qui permettra la reprise du contrat.

Il est donc très important, lorsqu’une société n’est pas encore immatriculée, que les contrats conclus pour cette société indiquent que la société est « en formation ». Les juges sont particulièrement rigoureux de ce point de vue, car une décision récente de la Cour de cassation (Cass. com., 13 nov. 2013, n° 12-26158, http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028208379&fastReqId=98711131&fastPos=1, commenté au Bulletin Joly Sociétés 2014, p. 67 par le professeur Alexis Constantin) estime que le fait que le contrat conclu par la société en formation était « en cours d’enregistrement » n’était pas suffisant pour satisfaire aux conditions du dispositif légal de reprise des actes. Certes, « en cours d’enregistrement » n’indique pas précisément que la société va acquérir la personnalité morale, mais on aurait pu s’en contenter. La signature des statuts étant en principe suivie dans le délai d’un mois de leur enregistrement (art. 635 du CGI), indiquer dans le contrat que la société est « en cours d’enregistrement » peut donner une indication sur le fait qu’elle est en formation, d’autant que les dispositions légales ne disent pas précisément quelle mention il faut faire figurer dans le contrat fait avant l’immatriculation de la société !

Bruno DONDERO

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