Archives mensuelles : octobre 2016

New technologies and legal practice – a French professor’s perspective (1/4)

NB: this is an English expanded version of a previous post.

The sector of legal practice is teeming with technological innovations. What we call “the Uberization of lawyers” is on. Everyday we read about a new app, a new algorithm, a new way to enhance our activity as legal practitioners or researchers. At the same time it is disturbing to hear about the coming changes, and exciting for lawyers and all those that evolve in the legal sphere to think about the new possibilities, the new opportunities offered by the use of technology. This affects both practice and teaching of law. For instance, the MOOCs can be used for basic training in law but also to update a practicing lawyer’s skills, or to pass legal information to his/her clients.

There is for the lawyers a key issue in any new application of technology to the legal activities. That risk is to loose sight of the contribution of lawyers, of the value they add, of the knowledge they convey. If new technologies allow legal information to flow more freely than ever, are lawyers still useful?

Cynics will say: have lawyers ever been useful? Couldn’t we say that the lawyers’ role is to create problems, where there would otherwise only be interesting projects? The geek who has a great idea for a new application for iPhone and questions a lawyer may hear some refraining words: the lawyer will talk to him about third parties’ rights, the need to protect the geek’s creation, and so on. In short, the lawyer will remind his/her creative-minded friend that the law is made of rules, and that they are, by definition, binding … But lawyers have to assume that. Our society cannot function if it is not regulated by the law. Therefore, it is necessary to have a category of people, the lawyers, dedicating their lives to understand the law and explain to others how to move through the legal system. Yes, the law could be simpler, could change less often, but that’s another story.

ROSS

Let’s return to new technologies. In recent months, several earth-shattering announcements were made about the application of artificial intelligence (AI) to the field of legal practice. Maybe the most striking announcement was about BakerHostetler, a US law firm, « recruiting » ROSS as a new lawyer. The thing is: ROSS isn’t exactly a lawyer (I’m not sure it’s even related to the Suits TV show!). Actually, ROSS is no lawyer at all. It is only a legal software.

The announcement is repeated again and again: the robot is going to be recruited by a law firm. It would have been less selling to merely tell that the firm was going to acquire the rights to use a new efficient legal software. But the word « recruit » appears quite pertinent when it is told at the same time that ROSS will replace in the BakerHostetler firm not less than fifty lawyers, which have therefore to find a new job. If ROSS is not « recruited » in a strict labour law meaning, jobs are all the same suppressed as a consequence of its integration in the BakerHostetler firm.

But what is ROSS exactly?

We understand from reading the website http://www.rossintelligence.com/ that ROSS is a legal data processing software, which answers legal questions directed to it in everyday language. The site takes the example of the question: “Can a bankrupt company still engage in an activity?”, to which it should be able to answer. ROSS also has other functions such as legal monitoring: if new court decisions are affecting the branch of law that interests me, then I will be informed by ROSS. But there is the hope that ROSS will operate in a selective way, in other words, in a intelligent fashion, instead of burrowing its users with tons of raw legal information.

In addition, ROSS, which is based on the IBM Watson technology is expected to become increasingly efficient as it will be used for legal research. In short, while giving the requested answers, ROSS will learn and become more and more proficient. Such a use of a legal software leads to the question of how far human intervention is replaceable. In the field of insolvency law, for instance, how many of the following tasks can be “machine-sourced”: ensuring that the creditor’s rights are taken into account by the receiver, that a collateral remains effective, negotiating with the debtor and the receiver, ensuring that the scheme of arrangement is satisfactory, that alternative solutions are provided for? If the authorities supervising the insolvency proceedings (in France, mainly the commercial court and various insolvency authorities: receiver, insolvency judge, etc.) were themselves automated and paperless entity, maybe that would speed up the replacement of the human intervention?

In the future, will the various creditors of a bankrupt company turn to the Android Sophia to negociate payment extensions or discounts, in order to save the company while ensuring the creditors get partially paid ?

Coming next: Peter

Bruno DONDERO

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Les cours filmés en amphi: premier bilan et création d’une chaîne YouTube

Je continue en amphi mon expérimentation qui consiste à filmer le cours de droit des sociétés 1 et à le diffuser en direct sur ma page Facebook.

Comme je le pensais, cela est utilisé à la fois par les étudiants présents en amphi, qui posent des questions pendant le cours (ce que nous faisions l’année dernière par Twitter) et qui peuvent revoir une séance, mais aussi par des personnes hors amphi, et hors université plus largement, qui peuvent suivre un cours et échanger sur ce cours, en posant des questions, en faisant des remarques, ou en ajoutant des informations. Des avocats peuvent ainsi donner leur point de vue de praticien sur mes propos.

Si tout va bien, je filmerai l’intégralité des 36 heures de cours.

Comme je le précise sur la première vidéo, il ne s’agit pas de vidéos spécifiques, mais bien de mon cours en amphi, filmé. Vous ne verrez donc que le cours, comme si vous étiez en amphi, mais rien de plus.

J’ai créé hier une chaîne YouTube, qui permettra de voir les cours sans passer par une page Facebook. Sur Facebook, vous bénéficiez des commentaires des participants, que vous n’avez pas sur la vidéo YouTube.

Je profite de l’occasion pour remercier les auteurs des très nombreux messages, observations, commentaires que j’ai reçus.

Bruno Dondero

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L’usufruitier de droits sociaux, quel statut ? (Cass. civ. 3ème, 15 sept. 2016, n° 15-15172, Bull.)

L’arrêt rendu par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation le 15 septembre 2016, destiné à publication au Bulletin, est important à la fois d’un point de vue pratique et du point de vue des notions fondamentales. Il est un nouvel élément dans le débat sur la reconnaissance ou non de la qualité d’associé à celui qui n’est pas pleinement propriétaire mais seulement usufruitier de parts sociales ou d’actions, lorsque ces droits sociaux ont fait l’objet d’un démembrement de propriété.

Etaient en cause en l’occurrence les parts d’une société civile immobilière (SCI), qui étaient détenues par une usufruitière et un nu-propriétaire. L’usufruitière n’ayant pas été convoquée à une assemblée générale de la SCI, le nu-propriétaire demandait en justice l’annulation de l’assemblée concernée. Précisons que l’assemblée en question avait statué sur la vente de l’immeuble de la SCI, question sur laquelle l’usufruitier n’est généralement pas appelé à voter.

Tant les juges du premier degré de juridiction que la cour d’appel rejetaient la demande d’annulation formée par le nu-propriétaire. Celui-ci s’étant pourvu en cassation, cet ultime recours n’est pas davantage couronné de succès.

Reprenons successivement la motivation de la décision attaquée (I), l’argumentation du demandeur au pourvoi (II) et la solution de la Cour de cassation (III). Nous verrons aussi la possible évolution des textes sur le sujet (IV).

I – La motivation de l’arrêt d’appel.

L’arrêt rendu par la Cour de cassation ne dit pas expressément que l’usufruitier a ou n’a pas la qualité d’associé.

Mais la cour d’appel saisie du litige s’était quant à elle clairement prononcée sur cette question, ainsi qu’on le comprend à la lecture des moyens de cassation, qui reprenait les motifs de l’arrêt attaqué. Les juges du fond avaient en effet retenu qu’il résultait de la lecture de l’article 1844-5 du Code civil que l’usufruitier n’a pas la qualité d’associé, et ils avaient ajouté que cette interprétation est confirmée par l’analyse des débats parlementaires qui révèlent que dans l’esprit du législateur l’usufruitier n’a pas la qualité d’associé.

L’article 1844-5 du Code civil est un texte relatif à la dissolution des sociétés, et il prévoit que si, en principe, la réunion de toutes les parts sociales permet à tout intéressé de demander en justice la dissolution de la société si la situation n’a pas été régularisée dans le délai d’un an, « L’appartenance de l’usufruit de toutes les parts sociales à la même personne est sans conséquence sur l’existence de la société ». On peut donc en déduire que l’usufruitier n’est pas un associé.

La cour d’appel avait en tous les cas pleinement pris parti.

Rappelons que cette question, qui a divisé la doctrine, n’a jamais reçu de réponse parfaitement claire de la part de la Cour de cassation. Le fait qu’il n’ait jamais été affirmé que l’usufruitier avait la qualité d’associé, alors que la reconnaissance de cette qualité a été faite depuis longtemps pour le nu-propriétaire (v. infra), pourrait sembler suffisant pour dire que l’usufruitier n’est pas un associé. Mais il exerce tout de même des droits d’associé…

II – L’argumentation du demandeur au pourvoi.

L’argumentation du demandeur au pourvoi était la suivante. Il plaidait que l’usufruitier a le droit, en application de l’article 1844 du Code civil, de participer aux décisions collectives. De ce fait, quand bien même l’usufruitière des parts de la SCI n’était pas appelée à voter à l’assemblée générale, elle aurait dû être convoquée, ce qui lui aurait permis de participer aux discussions précédant le vote, vote auquel elle n’aurait pas pris part.

Le demandeur au pourvoi n’affirmait pas de manière absolument explicite (du moins si l’on s’en tient à la synthèse de son argumentation faite par l’arrêt commenté) que l’usufruitier de parts sociales a la qualité d’associé. Mais en invoquant une violation de l’article 1844 du Code civil, qui dispose que « Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives », et en reprochant à l’arrêt d’appel de ne pas avoir pris en compte « le droit qu’a l’usufruitier de participer aux décisions collectives », il faisait clairement comprendre son point de vue sur la question.

III – La solution de la Cour de cassation.

Notons tout d’abord que c’est la troisième Chambre civile de la Cour de cassation qui se prononce, et qu’elle n’est donc pas la formation de la Cour de cassation « normalement » compétente pour le droit des sociétés. Mais ce n’est pas la première fois que cette formation de la Cour rend des décisions importantes sur des questions de droit fondamental des sociétés. On se souvient ainsi notamment de l’arrêt rendu le 8 juillet 2015, par lequel la troisième Chambre civile avait jugé que seuls les associés ont le droit de participer aux décisions collectives (n° 13-27248, publié au Bulletin).

Les deux arrêts les plus importants rendus à ce jour à propos du statut et des prérogatives du nu-propriétaire et de l’usufruitier de droits sociaux étaient cependant l’œuvre de la Chambre commerciale.

L’arrêt de Gaste, en date du 4 janvier 1994, avait reconnu la qualité d’associé au nu-propriétaire, interdisant de ce fait de porter atteinte à son droit de participer aux décisions collectives.

Plus surprenant au regard des textes, l’arrêt Hénaux n’avait pas reconnu à l’usufruitier la qualité d’associé, mais il avait interdit qu’on le prive du droit de voter sur l’affectation des bénéfices de la société (Cass. com., 31 mars 2004). L’article 1844 du Code civil, après avoir affirmé le droit de l’associé de participer aux décisions collectives, prévoit une répartition des pouvoirs entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, mais en indiquant que les statuts peuvent y déroger. L’arrêt Hénaux avait donc un peu surpris en venant juger que l’on ne pouvait dessaisir l’usufruitier du droit de se prononcer sur l’affectation des bénéfices.

L’arrêt rendu le 15 septembre 2016 approuve fermement la cour d’appel (elle a « exactement retenu ») d’avoir jugé « que l’assemblée générale du 14 janvier 2005, ayant pour objet des décisions collectives autres que celles qui concernent l’affectation des bénéfices, ne saurait être annulée au motif que Marie-Thérèse X…, usufruitière des parts sociales, n’avait pas été convoquée pour y participer ».

C’est donc, sans doute, que l’usufruitier de droits sociaux n’a pas la qualité d’associé. Mais pourquoi ne pas l’avoir dit clairement, si c’est le cas ?

Par les termes employés, l’arrêt se prête à une interprétation qui permettra à ceux qui défendent encore la qualité d’associé de l’usufruitier de poursuivre la lutte, même si leur territoire se réduit.

L’usufruitier ne serait-il pas en effet un associé particulier, si particulier qu’il ne serait pas nécessaire de le convoquer aux assemblées qui statuent sur des questions qui ne sont pas de sa compétence ? Il est vrai qu’il est toujours troublant de voir un non-associé pouvoir exercer le droit de vote, et l’usufruitier peut effectivement voter sur les questions qui sont de sa compétence. S’il peut voter sur l’affectation des bénéfices (il le doit même, nous dit l’arrêt Hénaux) et sur d’autres questions, ainsi que cela aura été défini par les statuts, alors, n’est-il pas un « associé à géométrie variable », dont le droit de participer aux décisions collectives porte sur les seules questions sur lesquelles il est appelé à voter, le nu-propriétaire jouissant quant à lui ce droit en toutes circonstances ?

La réticence de la Cour de cassation à dire expressément que l’usufruitier n’est pas un associé conforte une telle lecture.

IV – Vers une évolution des textes ?

La loi Sapin 2 (Projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) est en cours d’adoption par le Parlement. Mais on sait que l’Assemblée et le Sénat s’opposent sur plusieurs points. Le Sénat avait prévu de modifier l’article 1844 du Code civil (art. 41 bis du projet de loi modifié, adopté par le Sénat le 8 juillet 2016).

Le troisième alinéa du texte, qui dispose aujourd’hui :

« Si une part est grevée d’un usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier. »

deviendrait :

« Si une part est grevée d’un usufruit, le nu-propriétaire et l’usufruitier ont le droit de participer aux délibérations. Le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier, et sauf dans les cas où le nu-propriétaire a délégué son droit de vote à l’usufruitier. »

Il serait dit en outre que l’on ne peut pas déroger par les statuts au droit de participer aux délibérations de l’usufruitier et du nu-propriétaire.

Cet article a cependant été supprimé par l’Assemblée nationale lors de sa dernière lecture du texte (projet modifié adopté le 29 septembre 2016 et transmis au Sénat le 30).

On sait qu’en dernier lieu, c’est la position de l’Assemblée qui est appelée à prévaloir, mais il sera intéressant de voir si le Sénat reprend son texte initial ou en propose une version différente.

Affaire à suivre, donc, et qui plus est aussi bien au Parlement qu’au Palais…

Bruno DONDERO

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