Archives mensuelles : décembre 2019

Apprendre le droit avec Jack Lang: costumes de luxe et « réclame financière »

Il est bien normal que mon éminent collègue Jack Lang, en sa qualité de professeur de droit, contribue à l’enseignement des matières juridiques. Il le fait toutefois actuellement de manière un peu involontaire, en étant associé à une délicate histoire de costumes qui lui auraient été offerts au fil des ans par le couturier italien Smalto.

Ce n’est pas à la situation de M. Lang lui-même que nous allons nous intéresser ici mais à celle des grands couturiers qui ont volé à son secours, expliquant qu’il était bénéfique pour les grands couturiers que Jack Lang porte leurs créations… ce qui pourrait soulever une question au regard d’un texte rarement appliqué de notre Code pénal!

M. Thierry Mugler publie ainsi la lettre suivante:

Cher Jack,

J’apprends que la décision de Smalto de vous habiller provoquerait quelques réactions négatives.

Je m’en étonne ! Ceux qui s’offusquent oublient le rôle historique que vous avez joué et continué à exercer en faveur des arts et de la mode. J’ai encore en mémoire l’installation de la semaine de présentation de la mode dans la Cour Carrée du Louvres mais aussi l’organisation des Oscars de la mode au sein du Palais Garnier ou encore l’aménagement d’espaces dédiés à la mode du Grand Louvre.

Je me souviens également qu’avec Pierre Bergé, vous avez créé l’Institut de la Mode mais également le premier musée de la mode aux Arts Décoratifs. Au-delà de ces réalisations concrètes, c’est votre autorité morale que nous a donné confiance et visibilité et l’envie de créer.

Vous faites pleinement partie de la maison « Mode » dont vous êtes l’un des plus brillants fleurons. C’est une des raisons pour lesquelles les stylistes de mode souhaitent vous demander de porter certaines de leurs créations. C’est pour eux un honneur et une fierté.

Puis-je ajouter une considération toute personnelle ? Votre élégance naturelle, votre silhouette, modèle de qualité et de modernité faite de vous le parfait ambassadeur pour notre marque.

Je vous remercie encore et toujours d’avoir porté cette fameuse veste au col « Mao » que j’avais dessiné pour vous en 1985 et que vous n’avez pas hésité à porter au conseil des ministres et à l’Assemblée nationale. Vous l’avez ensuite offerte au Musée de la mode et cette veste iconique fait désormais partie des collections.

Je suis fier de vous avoir habillé pendant plusieurs années.

Cher Jack, soyez heureux de ce que vous êtes, la communauté des femmes et des hommes créateurs de mode vous sont éternellement reconnaissants.

Paris, le 7 juin 2019.

Manfred Thierry Mugler

Cette lettre aura sans doute réchauffé le cœur du professeur de droit et ancien ministre.

L’objectif est de faire savoir que si des costumes ont été offerts à Jack Lang, ce n’était pas sans contrepartie pour les sociétés ayant offert les costumes. On retrouve ici la question du délit d’abus de biens sociaux (ABS) que nous avons déjà croisé à plusieurs reprises, notamment à propos de l’affaire Riwal. Une enquête préliminaire a été ouverte pour ABS, et l’on comprend que le fait de recevoir des costumes coûteux à titre de cadeaux pourrait constituer le délit de recel (d’ABS).

En clair, si un ministre accepte des cadeaux de la part du dirigeant d’une société, sans contrepartie, le dirigeant commet un ABS et le ministre qui en recueille sciemment le fruit commet le délit de recel.

Si le ministre, en échange de cadeaux, rend un service à la société, la situation est tout aussi grave, puisque c’est le délit de corruption qui pourrait avoir été commis.

Mais le seul fait de demander à un ministre d’être l’image de la marque en portant publiquement un costume reconnaissable n’est-il pas déjà constitutif d’une infraction?

Le journal Libération écrit:

Lang, figure emblématique de la gauche au pouvoir en tant qu’ancien ministre de la Culture puis de l’Education nationale, désormais en retrait de la vie politique quoique conservant un rond de serviette dans les allées du pouvoir en tant que président de l’Institut du monde arabe (IMA), est loin d’être à l’abri du besoin. Et, donc, toujours bien sapé. Son cas, moralement douteux, est toutefois pénalement défendable. En mars 2019, le parquet de Paris ouvrait une enquête préliminaire pour «abus de biens sociaux». A priori, libre au couturier Smalto de faire du placement de produit (plus ou moins masqué), fût-ce via un Jack Lang : si c’est un délit, alors plus d’un blogueur ou instagrameur mériterait d’être également poursuivi. A ce stade, aucun des protagonistes n’a encore été formellement entendu.

Mais il n’est pas sûr qu’un ministre ou un ancien ministre soit dans la même situation qu’un « blogueur ou un instagrameur » quand il s’agit de faire du placement de produit!

Le Code pénal comporte en effet un texte qui n’est pas souvent appliqué, mais qui pourrait jouer un rôle dans notre situation. On parle parfois de « délit de réclame financière ».

L’article 433-18 du Code pénal dispose ainsi:

Est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende le fait, par le fondateur ou le dirigeant de droit ou de fait d’une entreprise qui poursuit un but lucratif, de faire figurer ou de laisser figurer, dans une publicité réalisée dans l’intérêt de l’entreprise qu’il se propose de fonder ou qu’il dirige :
1° Le nom, avec mention de sa qualité, d’un membre ou d’un ancien membre du Gouvernement, du Parlement, du Parlement européen, d’une assemblée délibérante d’une collectivité territoriale, du Conseil constitutionnel, du Conseil d’Etat, du Conseil économique, social et environnemental, du Conseil supérieur de la magistrature, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes, de l’Institut de France, du conseil de direction de la Banque de France ou d’un organisme collégial investi par la loi d’une mission de contrôle ou de conseil ;
2° Le nom, avec mention de sa fonction, d’un magistrat ou d’un ancien magistrat, d’un fonctionnaire ou d’un ancien fonctionnaire ou d’un officier public ou ministériel ;
3° Le nom d’une personne avec mention de la décoration réglementée par l’autorité publique qui lui a été décernée.
Est puni des mêmes peines le fait, par un banquier ou un démarcheur, de faire usage de la publicité visée à l’alinéa qui précède.

Le texte vise une « publicité réalisée dans l’intérêt de l’entreprise » dans laquelle « figure » « le nom, avec mention de sa qualité, d’un membre ou d’un ancien membre du Gouvernement ». Ce sont sans doute les publicités écrites qui sont visées, implicitement, davantage que les apparitions publiques en costume, mais  on comprend tout de même que le placement de produit ne doit pas être vu de la même manière pour un ancien ministre et un blogueur!

Bruno DONDERO

 

 

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Cours de droit des sociétés 1: cours en ligne demain sur Facebook à partir de 9h30!

Chers étudiants du cours de Droit des sociétés 1,

Ne tentez pas de venir jusqu’à l’Université demain, jour où les transports seront très perturbés (grève RATP / SNCF).

Je ferai le cours de chez moi et vous pourrez assister au cours sur Facebook comme d’habitude.

On se retrouve donc demain, à partir de 9h30, comme d’habitude… ou presque!

Nous continuerons l’étude du régime des dirigeants sociaux.

A demain!

Bruno DONDERO

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Cours de droit des sociétés 1: commentaire guidé

Commentaire guidé

Lisez la décision reproduite ci-dessous et répondez aux questions posées en utilisant au besoin votre documentation.

Les citations éventuelles doivent se faire en indiquant visiblement la citation et son origine et en évitant le plagiat.

Durée : 1h30 (le sujet est mis en ligne samedi 7 décembre à 13h30, vous adressez par mail à votre chargé de TD votre copie sous format Word, PDF ou en photos de copie manuscrite entre 15h et 15h05 ce même jour.

Etudiants bénéficiant d’un tiers-temps : l’heure limite de remise est 15h35.

 

Cass. civ. 3ème, 27 juin 2019, P+B+I

Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu en référé, que la société civile immobilière BCT (la SCI) a été constituée entre B… X… et son épouse, C… Y… ; que B… X… est décédé, en laissant pour lui succéder C… Y… et leur fils, M. D… X…, ainsi que deux enfants, issus d’une première union, MM. E… et A… X… ; que la SCI et M. D… X… ont assigné MM. A… et E… X… et C… Y… aux fins de voir désigner un mandataire chargé de représenter l’indivision successorale ; que MM. A… et E… X… ont sollicité, reconventionnellement, la condamnation de la SCI et de son gérant à leur communiquer les bilans et comptes d’exploitation de la SCI à compter de l’année 2006 et l’ensemble des relevés de comptes s’y rapportant ; que C… Y… est décédée en cours d’instance ;

Attendu que la SCI et M. D… X… font grief à l’arrêt de déclarer les demandes reconventionnelles recevables et de les condamner, sous astreinte, à communiquer à MM. A… et E… X… les relevés de comptes de la SCI depuis l’année 2006, et tous les documents comptables établis au cours de ces mêmes années alors, selon le moyen :

1°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motif ; qu’en l’espèce, la SCI BCT et M. D… X… faisaient régulièrement valoir dans leurs écritures que, selon les articles 11, alinéa 5, et 15, alinéa 7, des statuts de la SCI, il était prévu que les indivisaires doivent être représentés pour l’exercice de leurs droits, ce qui les prive du droit d’agir individuellement ; qu’en ne répondant pas à ce moyen opérant, de nature rendre irrecevables les demandes isolées des indivisaires A… et E… X…, la cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;

2°/ que les indivisaires de parts sociales ne peuvent, malgré leur qualité individuelle d’associé, exercer leurs droits que par le truchement de leur mandataire lorsque l’existence d’un désaccord entre eux a rendu sa désignation nécessaire ; qu’en jugeant que les deux indivisaires A… et E… X… étaient en droit d’obtenir seuls communication des livres et documents sociaux quand un mandataire de l’indivision avait pourtant été désigné pour exercer les droits des associés indivisaires, la cour d’appel a violé les articles 1844 et 1855 du Code civil ;

Mais attendu qu’ayant retenu à bon droit que la représentation des indivisaires par un mandataire ne privait pas les copropriétaires indivis de parts sociales, qui ont la qualité d’associé, du droit d’obtenir la communication de documents en application de l’article 1855 du Code civil, la cour d’appel, répondant aux conclusions prétendument délaissées, en a exactement déduit que la demande de MM. A… et E… X… était recevable ;

(…)

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Question 1 : réalisez la fiche d’arrêt et identifiez la ou les question(s) de droit des sociétés posée à la Cour de cassation et la ou les réponse(s) apportée(s). (3 points)

Question 2 : la solution retenue était-elle prévisible ? (6 points)

Question 3 : comment définiriez-vous le rôle du mandataire des indivisaires de parts sociales, au vu de cet arrêt ? (5 points)

Question 4 : quelle est la portée de cet arrêt ? (2 points)

Question 5 : la solution aurait-elle été la même en présence d’un usufruitier de droits sociaux ? (4 points)

 

 

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Blagues de juriste

Droit commercial

Que dit un commerçant à sa femme quand il rentre le soir, après avoir négocié durement avec ses créanciers et avoir donné un nantissement sur son fonds de commerce?

« Chérie, je suis complètement grevé! »

Droit public

Pourquoi le publiciste est-il resté en bas de l’immeuble toute la soirée ?

Parce qu’il n’avait pas le code!

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