Archives mensuelles : octobre 2019

Droit des sociétés appliqué au métro: métro sans conducteur et SA unipersonnelle à la RATP… avant le coup d’accordéon!

En attendant de nous retrouver demain matin pour le cours de droit des sociétés, dans notre amphithéâtre et sur FacebookLive, je voudrais que nous réfléchissions à une question de droit des sociétés appliqué… au métro!

Un arrêté du 14 octobre 2019 autorise la RATP à « créer et capitaliser les filiales RATP Paris Région et RATP Participation ».

RATP 1

En réalité, lorsqu’on lit cet arrêté ministériel, on ne voit pas où est la « création », car il est question dans ce texte d’autoriser des acquisitions d’actions de sociétés préexistantes, qui sont RATP Paris Région et RATP Participation, et aussi d’autoriser des opérations d’apport, à la fois des apports en numéraire et des apports en nature, portant sur des actions détenues dans d’autres entités.

Il est intéressant de voir que la RATP, qui est un EPIC, établissement public à caractère industriel et commercial, se trouve, à l’issue des opérations autorisées, actionnaire à 100% des deux sociétés anonymes visées.

Cela soulève deux questions intéressantes en droit.

 

I – L’impossible société anonyme unipersonnelle?

On peut tout d’abord se demander si les deux entités dont il est question dans l’arrêté ne courent pas un risque juridique – théorique au moins – du fait de leur qualité de société anonyme unipersonnelle.

Faire rouler un métro sans conducteur, c’est possible. Mais peut-on faire fonctionner une société anonyme avec un seul actionnaire?

L’article L. 225-1 du Code de commerce dispose:

[La société anonyme] est constituée entre deux associés ou plus. Toutefois, pour les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation, le nombre des associés ne peut être inférieur à sept.

En clair, si une société anonyme n’est pas cotée en bourse, il faut au moins deux actionnaires pour la constituer.

Cela pourrait être problématique s’il fallait véritablement créer les deux entités RATP Participations et RATP Paris Région, mais contrairement à ce que laisse entendre l’intitulé de l’arrêté publié au Journal officiel il y a quelques jours, ces deux entités existent déjà. Il est question que la RATP:

(1) rachète les actions de ces sociétés qui existent déjà;

(2) que ces sociétés soient renommées;

(3) qu’elles reçoivent des apports.

Maintenant, il est possible que ces sociétés anonymes unipersonnelles courent un risque juridique, si elles se maintiennent indéfiniment sous la forme de société anonyme détenue par un seul actionnaire.

L’article L. 1844-5 du Code civil dispose:

La réunion de toutes les parts sociales [d’une société] en une seule main n’entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. Tout intéressé peut demander cette dissolution si la situation n’a pas été régularisée dans le délai d’un an. Le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser la situation. Il ne peut prononcer la dissolution si, au jour où il statue sur le fond, cette régularisation a eu lieu.

Il serait donc possible que tout intéressé demande, au bout d’un an, la dissolution des entités dont la RATP est le seul actionnaire… sauf si un texte spécial autorise la détention sans limite de temps de 100% des actions par la RATP.

Mais ce texte spécial existe-t-il ?

Question intéressante que je pose ici.

 

II – Coup d’accordéon dans le métro.

Ensuite, il est question, si on lit bien l’arrêté, de réaliser plusieurs opérations d’apport au profit des deux sociétés RATP Paris Région et RATP Participations. Ces opérations doivent se traduire par des augmentations de capital des sociétés qui reçoivent les apports. Cela nous permet un petit clin d’oeil, car les sociétés pratiquent parfois des opérations de réduction et d’augmentation de capital social, ce que l’on appelle un « coup d’accordéon », opérations qui devraient être familières aux sociétés du groupe RATP…

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Au-delà de cette plaisanterie, si des apports en nature sont faits au bénéfice d’une société unipersonnelle, on se demandera comment cette société, si elle est une société anonyme unipersonnelle, peut faire voter par son assemblée générale extraordinaire la résolution relative à l’évaluation de l’apport en nature.

Cet apport fait intervenir un commissaire aux apports chargé d’apprécier sous sa responsabilité la valeur des apports en nature. Aux termes des articles L. 225-147 et L. 225-10 du Code de commerce, l’apporteur, s’il est actionnaire, ne peut participer au vote de l’assemblée sur l’évaluation de son apport.

On comprend que cela risque d’être problématique si l’apporteur est le seul et unique actionnaire de la société bénéficiaire de l’apport.

Une solution envisageable consisterait à faire désigner en justice un mandataire chargé de voter au lieu et place de l’actionnaire qui se trouve empêché.

La suite demain en amphi et sur FacebookLive!

Bruno DONDERO

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CAPA ou pas CAPA?, DG de Renault SA et programme de la semaine

Chers étudiants et amis juristes,

En attendant d’avoir le plaisir de vous retrouver demain en cours, à la fois en amphi et sur FacebookLive, je voudrais revenir sur un sujet qui n’est pas anodin, parce qu’il concerne beaucoup d’étudiants en droit.

La semaine passée, j’ai eu le plaisir d’animer une table ronde sur l’avocat en entreprise.

M. le député Raphaël GAUVAIN, qui participait, a rédigé un rapport sur la compétitivité des entreprises françaises, et l’une des mesures qu’il prône pour favoriser cette compétitivité passe par l’octroi de la confidentialité aux avis juridiques donnés par la direction juridique de nos entreprises.

En effet, en l’état du droit français, il est possible de saisir les correspondances – mails notamment – adressées dans le cadre de l’entreprise, et de s’en servir contre elle. Une autorité américaine qui reprocherait à une de nos entreprises des faits de concurrence déloyale pouvant produire un effet sur le territoire américain, par exemple, pourrait utiliser les échanges intervenus entre les cadres de l’entreprise française pour établir la preuve que cette entreprise avait conscience de l’illicéité des faits qui lui sont reprochés.

Un moyen envisagé consisterait donc à donner aux juristes de l’entreprise, qui sont des salariés, le même statut que celui dont bénéficie l’avocat lorsqu’il correspond avec un client.

Cette mesure est en discussion depuis des années, et elle rencontre une opposition de la part d’une partie des avocats, avec des arguments plus ou moins fondés. Une partie des avocats craint notamment une concurrence de la part de ces nouveaux avocats…

J’ai filmé l’intégralité de la manifestation et l’ai retransmis en direct sur Facebook, et elle est toujours consultable ici.

 

T’es CAPA ?

Surtout, au cours des discussions, a été évoqué un fait assez étonnant, qui verrait beaucoup de directions juridiques demander aux candidats d’être détenteurs du CAPA – certificat d’aptitude à la profession d’avocat.

Après quelques échanges sur Twitter, j’ai été regarder un certain nombre d’annonces pour des postes de juristes d’entreprise, qui demandent souvent, c’est vrai, la détention du CAPA.

Pour faire le lien avec le sujet de la confidentialité, ce n’est pas aujourd’hui pour bénéficier de cette confidentialité que le CAPA est demandé, puisque le juriste d’entreprise dont on parle ne sera pas un avocat mais bien un juriste d’entreprise salarié. Peut-être que si la loi française change, les avis des juristes d’entreprise seront confidentiels, et peut-être que cet avantage sera réservé aux juristes d’entreprise titulaires du CAPA. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Dans les échanges d’hier, l’AFJE, l’Association Française des Juristes d’Entreprise, a fait savoir qu’une étude sortirait bientôt, faite en collaboration avec le Cercle Montesquieu, qui réunit de nombreux directeurs juridiques, dont il ressort que le quart des juristes d’entreprise est titulaire du CAPA.

Je m’intéresse à la question parce que le CAPA n’est pas juste une étiquette qu’on a ou pas.

Le CAPA est tout d’abord une formation longue (18 mois), destinée à l’exercice d’une profession particulière, celle d’avocat. Il est important que l’étudiant qui s’engage dans un tel parcours soit certain de son utilité. Je peux tout à fait comprendre qu’on suive cette formation sans être sûr de vouloir exercer par la suite, mais je trouve cela plus étonnant qu’on se lance dans ce parcours avec la certitude que l’on ne sera jamais avocat.

C’est ensuite une formation dont l’organisation est nécessairement lourde pour les barreaux qui doivent mettre en place les écoles de formation. Il est important que ces écoles servent à former les avocats avant tout. Si les écoles d’avocats visent à former à d’autres métiers du droit, cela montre sans doute leur qualité, mais il faudrait alors repenser leur organisation et leur financement.

Du point de vue des directions juridiques, enfin, je me demande si c’est une formation qui est réellement utile. Que l’on exige une expérience de plusieurs années en cabinet d’avocats est une chose, mais pourquoi exiger le diplôme qui permettrait de devenir avocat… sans l’expérience qui va avec ? Celui qui est titulaire du CAPA a reçu une formation et a effectué des stages, soit. Mais ce temps n’aurait-il pas été mieux employé à suivre une formation différente, en France ou à l’étranger, à acquérir une expérience internationale, d’autant que les étudiants dont on parle ont généralement tous un master 2 de droit, c’est-à-dire un parcours de 5 années de droit. Est-il utile d’avoir fait 6,5 années d’études très juridiques et généralement très françaises pour intégrer une direction juridique ?

Bref, débat qui n’est pas terminé. Mais je voudrais savoir si ceux qui rédigent les fiches de poste, dans les entreprises, ont réellement en tête l’exigence du CAPA, ou s’ils ne méconnaissent pas les métiers du droit, et pensent que tout bon juriste doit avoir son diplôme d’avocat (ce serait la faute de la série Suits !).

Image associée

Daredevil deviendra-t-il juriste d’entreprise?

 

 

Programme de la semaine.

Nous allons reparler de la société Renault.

L’an passé, nous avions suivi le remplacement de Carlos Ghosn, qui était président-directeur général, par un président du conseil d’administration et un directeur général.

C’est maintenant le directeur général nommé en janvier dernier qui a vu ses fonctions prendre fin. Vous trouverez ici le communiqué de presse du conseil d’administration de Renault SA que nous détaillerons ensemble demain lundi.

Mardi, nous accueillerons dans notre amphi Jacques Lévy Véhel, fondateur et président de la société Case Law Analytics, toujours pour que vous puissiez mieux connaître le monde de la LegalTech, c’est-à-dire ces entreprises qui appliquent aux activités juridiques des technologies: algorithmes, blockchain, évaluation en ligne, etc.

A demain!

Bruno Dondero

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Le programme de la semaine du 7 octobre: LegalTech, Lubrizol et confidentialité des avis juridiques

Chers étudiants du cours de droit des sociétés 1,

On se retrouve demain à 9h30 dans notre amphithéâtre (le « Dark Amphi »), pour terminer l’étude du contrat de société et commencer celle de la personnalité morale. Nous allons en profiter pour évoquer plusieurs thèmes en lien direct ou indirect avec le cours. Nous laissons derrière nous, pour l’instant, la « compagnie aérienne » Skyline Airways et TPMP!

 

LegalTech

Les étudiants en droit ne peuvent ignorer ce que les nouvelles technologies apportent aux différents métiers du droit (« Legal » + « Tech »).

Je prendrai quelques exemples simples. Un cabinet d’avocats peut recourir à un chatbot (logiciel de conversation) pour gérer le premier contact avec les clients. Des modèles d’actes juridiques peuvent être mis à la disposition des clients pour leur permettre de commencer le travail de l’avocat voire de rédiger seuls certains actes simples. Ce n’est pas seulement dans la relation entre le juriste et son client (client est à entendre largement: cela désigne le client de l’avocat, mais aussi, dans l’entreprise, les opérationnels qui s’adressent à la direction juridique) que la LegalTech peut intervenir. Des logiciels permettent de procéder, dans une certaine mesure, à l’identification des clauses présentes dans un contrat et à leur analyse.

Dans le cadre du cours de droit des sociétés, nous aborderons ces thèmes, car je trouve important que les étudiants soient informés de ces évolutions.

Nous aurons des invités, acteurs de la LegalTech. Nous commencerons le mardi 15 octobre avec Jacques Lévy Véhel, fondateur et président de Case Law Analytics, société qui « quantifie le risque judiciaire ». Je compte inviter aussi EasyQuorum, en lien avec le sujet des assemblées générales. Mais nous commencerons dès la semaine qui vient à défricher le sujet.

 

Lubrizol

Difficile d’ignorer encore le nom de cette société. La société Lubrizol France exploite le site dont des produits chimiques ont brûlé dans la nuit du 26 septembre, provoquant un incendie et des fumées très impressionnantes, affectant une très large zone dont les habitants ont reçu la consigne de ne pas s’exposer.

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Rouen et le panache de fumée de l’incendie

Nous allons nous intéresser à la société qui exploite le site. Nous allons voir quelle est sa forme juridique, et nous nous interrogerons sur la manière dont pourrait prendre effet une action en responsabilité qui viendrait à être exercée.

Nous verrons qu’il s’agit d’une SAS avec un seul associé, et nous nous interrogerons sur la manière dont une éventuelle mise en cause de la responsabilité directe de la société prendrait effet sur son patrimoine, sur celui de son associé unique, et éventuellement sur le reste du groupe, puisque la société Lubrizol France n’est que la filiale d’un groupe international.

Lubrizol 1

Extrait de la page Wikipédia « Lubrizol »

On peut déjà se rassurer sur un point: si la filiale française venait à faire faillite parce qu’elle ne peut indemniser les préjudices causés par son activité, en admettant qu’elle soit reconnue responsable, le droit français prévoit un mécanisme de « percée du voile de la personnalité morale » en matière de préjudice environnemental causé par une installation classée, au moins pour les mesures de remise en état des sites concernés et sous certaines conditions strictes.

Depuis 2010, le Code de l’environnement dispose en effet en son article L. 512-7:

« Lorsque l’exploitant est une société filiale au sens de l’article L. 233-1 du code de commerce et qu’une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à son encontre, le liquidateur, le ministère public ou le représentant de l’Etat dans le département peut saisir le tribunal ayant ouvert ou prononcé la liquidation judiciaire pour faire établir l’existence d’une faute caractérisée commise par la société mère qui a contribué à une insuffisance d’actif de la filiale et pour lui demander, lorsqu’une telle faute est établie, de mettre à la charge de la société mère tout ou partie du financement des mesures de remise en état du ou des sites en fin d’activité ».

Ce ne sont pas là les seules possibilités d’extension de la responsabilité à d’autres entités que la société d’exploitation, faut-il préciser.

 

Confidentialité

Nous nous retrouverons par ailleurs jeudi matin 10 octobre à 9h30 en direct de la Défense (en Facebook Live si tout va bien!) pour une table ronde sur la confidentialité des avis juridiques donnés par les juristes de l’entreprise. En l’état du droit français, seuls bénéficient de la confidentialité les échanges entre l’entreprise et son avocat.

On s’interroge depuis plusieurs années sur la possibilité d’une extension de cette confidentialité aux avis donnés par les juristes internes de l’entreprise (directeur juridique et juristes d’entreprise).

Participeront sur la question de la compétitivité des entreprises:

  • M. le député Raphaël GAUVAIN, auteur d’un rapport sur le sujet,
  • Mme Joëlle SIMON, Directrice générale adjointe du MEDEF,
  • Thibault DELORME, Directeur juridique de la société Air Liquide,
  • Anne-Sophie LEPINARD, Avocate et membre du Conseil de l’Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine,
  • Denis MUSSON, ancien Président du Cercle Montesquieu.

Une seconde table ronde traitera des questions de statut des professions juridiques concernées.

Participeront:

  • Yann LECLERC, avocat Counsel, CMS Francis Lefebvre Avocats, Membre du Conseil de l’Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine, Responsable de la commission Legaltech, innovation et développement,
  • Jérôme GAVAUDAN, Président de la Conférence des Bâtonniers ;
  • Delphine GALLIN, Présidente des Avocats Conseils d’Entreprise (ACE) ,
  • Marc MOSSE, Président de l’Association Française des Juristes d’Entreprise (AFJE),
  • Jean-Baptiste BLANC, Président de la Fédération Nationale de l’Union des Jeunes Avocats (FNUJA),
  • Laurence ROQUES, Présidente du Syndicat des Avocats de France (SAF).

Vous pouvez vous inscrire à partir de cette page!

Bruno DONDERO

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Le jeu des 7 curiosités juridiques avec Skyline Airways

Pour mon cours de droit des sociétés à l’Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne, j’ai donc regardé hier soir lundi 30 septembre l’émission de Cyril Hanouna, Touche pas à mon poste. J’ai aussi lu les commentaires et recherches de Vincent Glad, Stéphane Larue et Lustublog.

Y intervenait le « PDG » de Skyline Airways, M. Ryan Squaratti, qui venait expliquer que son entreprise était une « compagnie aérienne » et qu’aucune escroquerie n’avait été commise. Ce moment de télévision était intéressant, et on peut, entre les propos de notre « PDG », les statuts et le site de la société, relever au moins sept « curiosités juridiques ».

 

  1. Vous noterez que je mets des guillemets à « PDG », car M. Squaratti n’est pas « PDG », ou alors pas d’une société française identifiée. La société dont j’ai sorti les statuts, et qui s’appelle « Skyline Airways » est une SARL, société à responsabilité limitée, qui a un gérant. Dire qu’on est « PDG », cela veut dire qu’on est président directeur général, ce qui implique qu’on a constitué une société anonyme, une société avec plusieurs actionnaires et 37.000 euros au moins de capital, pas une SARL au capital d’1 euro et avec un seul associé comme Skyline Airways.

 

2. M. Squaratti, des informations disponibles sur le site http://www.societe.com, n’est d’ailleurs pas le gérant de la société Skyline Airways, puisque le gérant de cette société est une Mme Akrach. Il est donc un peu étonnant qu’il ait été présenté hier par TPMP comme le « PDG de Skyline Airways ».

Skyline 1

 

3. L’objet social de la société Skyline Airways ne lui permet pas d’être une « compagnie aérienne », comme on l’a déjà dit hier.

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Si votre activité est de faire des « conseils et formations » et de la « gestion des uniformes » pour les entreprises de transport aérien, vous ne transportez pas des passagers. Les « entreprises de transport aérien » le font, mais l’activité qui est décrite dans cet objet social est une activité d’auxiliaire des transporteurs aériens. Le code APE de l’activité est d’ailleurs celui-là: « Services auxiliaires des transports aériens ».

Skyline 3

 

4. Mon collègue et ami Didier Valette avait sorti dimanche les conditions générales de l’entreprise Skyline Airways, qui indiquaient que la société française était la représentante en France d’une société irlandaise, et une phrase de M. Squaratti dans l’émission d’hier soir parlait de la « société mère en cours de constitution en Irlande » ou quelque chose comme cela.

Skyline 4.png

« En cours de constitution », cela veut dire que la société irlandaise n’existe pas encore, et ce mardi matin, toujours pas de société Skyline Airways au registre des sociétés irlandais.

On a donc une société filiale, la société française, qui a une société mère qui n’existe pas encore, et qui a un associé mineur, comme on l’a vu hier en cours (une société peut avoir un associé de 17 ans, avec l’autorisation de son représentant légal). Même si par la suite l’associé de 17 ans cède les parts de la SARL à la société irlandaise, il n’y a pas encore de « société mère », et on ne sait pas si cette société pourtant mentionnée dans les conditions générales ci-dessus existera.

 

5. Notre PDG qui n’en est pas un indiquait hier qu’il avait commis des « erreurs de communication » en faisant des montages avec des avions d’une autre compagnie portant le logo Skyline Airways.

Ce qu’il explique, c’est qu’il n’a fait que présenter ce qui sera la réalité, car il compte avoir à disposition des avions, et puis peu importe le logo, car « quand vous êtes dans l’avion, vous ne voyez pas la différence ».

Mais faire croire à l’aide de photomontages que l’on dispose d’une flotte d’avions quand ce n’est pas le cas me semble tout de même assez bien rentrer dans les pratiques commerciales trompeuses visées par l’art. L. 121-2 du Code de la consommation, particulièrement le 2° a), consistant à donner des présentations fausses sur la disponibilité du service.

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Faire croire que l’on propose un service en direct, alors qu’on ne va au mieux qu’aller chercher la prestation auprès d’un transporteur tiers, avec les risques de non-fourniture de la prestation qui en résultent, n’y a-t-il pas là un problème?

 

6. Pour revenir au droit des sociétés, on relève un détail curieux dans les statuts de la SARL. Il est indiqué dans l’annexe 2 des statuts de la société Skyline Airways qu’un compte bancaire a été ouvert auprès de la « banque Sogexia ». C’est normal, puisque les fonds provenant de la libération des parts doivent être déposés auprès de la Caisse des dépôts et consignations, chez un notaire ou auprès d’un établissement de crédit, donc une banque.

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Problème que relevait Didier Valette: Sogexia n’est pas une banque, mais un intermédiaire en services de paiement.

Du coup, ce n’est pas un « établissement de crédit » au sens de l’art. R. 223-3 du Code de commerce.

 

7. Dernier point et ce sera tout pour aujourd’hui: le site de la société Skyline Airways est en maintenance, mais il comporte une mention que je reproduis pour le plaisir:

Skyline 8

Il est dit que « les activités reprendront lundi à 20h, mais pas de mouvement ce mardi matin.

« Après contrôles et vérifications, Skyline Airways est bien légalement en règle ».

Toute entreprise aimerait pouvoir affirmer avec certitude qu’elle est « légalement en règle »… même si on ne sait pas au regard de quelle règle légale ce certificat a été décerné.

Illustration de la défense par l’attaque, en termes de stratégie juridique et de communication: l’entreprise qui fait des photomontages présentant des avions qu’elle n’a pas mais revêtus de son logo menace de poursuites ceux qui critiqueraient ses pratiques…

Bruno Dondero

 

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