Archives mensuelles : septembre 2020

Les assemblées à huis clos: pendant combien de temps encore?

Au mois de mars dernier, quelques jours après le début du confinement, une des « 25 du 25 », c’est-à-dire une des 25 ordonnances datées du 25 mars 2020, avait mis en place le dispositif permettant que les différents groupements (sociétés, mais aussi associations, fondations, entre autres) tiennent leurs assemblées sans que celles-ci constituent des clusters à base légale. Cette ordonnance était la n° 2020-321, que j’avais analysée sur le blog du Club des Juristes.

I – Le dispositif « AG à huis clos »

Concrètement, l’ordonnance a prévu dans son article 4:

Lorsqu’une assemblée est convoquée en un lieu affecté à la date de la convocation ou à celle de la réunion par une mesure administrative limitant ou interdisant les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires, l’organe compétent pour la convoquer ou le représentant légal agissant sur délégation de cet organe peut décider qu’elle se tient sans que les membres et les autres personnes ayant le droit d’y assister ne soient présents physiquement ou par conférence téléphonique ou audiovisuelle.

Dans ce cas, les membres participent ou votent à l’assemblée selon les autres modalités prévues par les textes qui la régissent tels qu’aménagés et complétés le cas échéant pas la présente ordonnance. Les décisions sont alors régulièrement prises.

Les membres de l’assemblée et les autres personnes ayant le droit d’y assister sont avisés par tout moyen permettant d’assurer leur information effective de la date et de l’heure de l’assemblée ainsi que des conditions dans lesquelles ils pourront exercer l’ensemble des droits attachés à leur qualité de membre ou de personne ayant le droit d’y assister.

Il est donc possible à l’organe qui convoque l’assemblée d’une société (ou au représentant légal agissant sur délégation) de décider que l’assemblée se tiendra sans la présence physique des associés, et sans participation par conférence téléphonique ou audiovisuelle.

« Mesdames et Messieurs les actionnaires, avez-vous bien compris que cette AG a été convoquée à huis clos?? »
Photo de ICSA sur Pexels.com

Les associés participent alors par « les autres modalités » que sont, pour les assemblées des sociétés, le vote par correspondance ou le vote par mandat donné à un représentant. Il est en outre possible aux sociétés de « rouvrir » l’assemblée en recourant à la visio-conférence ou à l’audio-conférence (art. 5).

II – La durée de vie du dispositif

Une question délicate qui se pose depuis le déconfinement aux sociétés qui veulent tenir des AG à huis clos est celle de savoir si les conditions prévues par l’article 4 (l’assemblée doit être « convoquée en un lieu affecté à la date de la convocation ou à celle de la réunion par une mesure administrative limitant ou interdisant les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires« ) sont remplies.

Une autre question, plus simple, est celle de la durée de vie du dispositif.

Si l’on consulte le site Légifrance, on voit que l’article 11 de l’ordonnance dispose: « La présente ordonnance est applicable aux assemblées et aux réunions des organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction tenues à compter du 12 mars 2020 et jusqu’au 31 juillet 2020, sauf prorogation de ce délai jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard le 30 novembre 2020« .

Il est dommage que le site Légifrance ne l’indique pas directement sous l’article 11: le décret de prorogation est intervenu le 29 juillet 2020, et il a effectivement prorogé l’ordonnance jusqu’au 30 novembre.

Une prorogation supplémentaire du dispositif avait été demandée par le groupe parlementaire LREM, par voie d’amendement, qui conduisait à insérer un texte dans la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite « loi ASAP », et l’on se demande qui trouve les noms des lois! 😉

L’idée de l’amendement était de permettre une prorogation du dispositif des AG à huis clos jusqu’à la fin de l’année, et d’ouvrir la voie à une prorogation supplémentaire par décret jusqu’au 31 juillet 2021.

Au vu de la situation sanitaire, l’idée était justifiée. Cependant, l’amendement n’a pas été examiné, car il a été jugé irrecevable, la référence à l’article 98 du règlement de l’Assemblée nationale traduisant le fait que l’amendement a été vu comme un cavalier législatif, c’est-à-dire trop éloigné de la loi dans laquelle il devait s’insérer.

Ce n’est sans doute que partie remise, car il y a encore du temps pour trouver un « véhicule législatif » comme on dit, mais si la prorogation n’est pas décidée, la possibilité du huis clos ne sera plus accessible pour les AG qui se tiendront à compter du 1er décembre prochain.

Observation supplémentaire: on pourrait réfléchir à pérenniser certaines des mesures contenues dans l’ordonnance n° 2020-321, et notamment la possibilité généralisée prévue par l’article 8 de participer par visio-conférence ou audio-conférence « aux réunions des organes collégiaux d’administration, de surveillance ou de direction« .

Bruno DONDERO

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Cours de droit des sociétés 1, #2

Le cours sera diffusé en direct sur YouTube: https://youtu.be/beNX5L6Hno4

On se retrouve dans quelques minutes!

Bruno DONDERO

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Cours de droit des sociétés 1, #1

La vidéo du premier cours de droit des sociétés est accessible sur la chaîne YouTube du cours.

« Chers étudiants, entrez et installez-vous… sur la chaîne YouTube! »
Photo de Pixabay sur Pexels.com

Le cours de ce mardi 29 septembre 2020 sera diffusé exclusivement en distanciel, ce qui permettra aux étudiants qui étaient présents en amphi ce matin de comparer les mérites du présentiel masqué et du distanciel sans masque.

Je suis tenté de maintenir la formule du tout-distanciel tant que les conditions sanitaires ne seront pas plus satisfaisantes. Ce matin, tous les étudiants sans exception portaient un masque, mais l’amphi était bien trop plein pour que la distanciation puisse être respectée.

D’un point de vue pédagogique, je ne suis pas sûr que les étudiants profitent véritablement à suivre, masqués, le cours d’un professeur lui-même masqué.

N’hésitez pas à utiliser la chaîne YouTube et ce blog comme forums de discussion pour me faire connaître vos impressions et votre opinion sur ces questions importantes.

Nous nous retrouvons demain à 11h30 en direct sur YouTube!

Bruno DONDERO

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Cours de droit des sociétés 1 2020-2021 (sur YouTube)

C’est la rentrée ! Le cours de droit des sociétés 1 reprend, à partir de demain matin, 9h30.

Pour la 5ème année consécutive, le cours est ouvert à tous !

Pour la cinquième année consécutive, ce cours (le lundi de 9h30 à 11h et le mardi de 11h30 à 13h) est accessible à toute personne qui souhaite le suivre.

Que vous soyez :

  • étudiant inscrit dans mon cours ;
  • étudiant de toute autre formation, en France ou à l’étranger, qui voulez apprendre le droit des sociétés ;
  • lycéen qui vous demandez si le droit est une matière intéressante ;
  • avocat, juriste d’entreprise ou tout autre professionnel qui voulez actualiser vos connaissances ;
  • entrepreneur qui envisagez d’entrer en société ;
  • demandeur d’emploi qui voulez élargir votre socle de compétences ;
  • ou toute autre personne qui veut suivre un cours à la Sorbonne,

Ce cours est là pour vous !

Simplement cette année, nous abandonnons Facebook pour revenir à la chaîne YouTube sur laquelle je mettais les vidéos du cours. Le direct se fera donc à partir de la chaîne YouTube consacrée au cours.

Bienvenue sur la Chaîne du Cours de droit des sociétés!

Le cours commence à 9h30 dans l’amphi du centre Lourcine de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (en présentiel) et sur la chaîne Youtube dédiée (à distance).

Une rentrée compliquée par la crise sanitaire

Je l’ai écrit ici ou là : je considère qu’il est irresponsable d’effectuer avec un effectif de plusieurs centaines d’étudiants une rentrée en plein présentiel, même avec les masques, si l’on n’est pas en mesure de respecter la distanciation sociale et le minimum d’aération.

Concrètement, si je constate demain que les conditions ne sont pas réunies pour que le cours puisse se dérouler sans risque pour les étudiants et les personnels de l’université et leurs familles, notamment parce que la distanciation physique ne peut être respectée dans l’amphithéâtre, alors je ferai le cours en seul distanciel.

J’ai prévu une solution de repli, et le cours continuera sur la chaîne YouTube, après une interruption de quelques minutes pour que je puisse rejoindre la salle d’où je diffuserai mon cours.

Plus de collaboration entre les étudiants!

C’est ce que je vais essayer de mettre en place. Le semestre précédent a été compliqué, entre le confinement et les nombreuses contraintes qu’il a fallu respecter, notamment lors de la session d’examens.

Ce virus est terrible, car s’il peut nous rendre physiquement malades, il affecte aussi fortement notre vie sociale. Il est tentant de se cloîtrer chez soi et de ne plus communiquer que par mail et éventuellement par visio-conférence. Il n’est pas exclu que les cours et les séances de travaux dirigés doivent se faire à distance.

Pour éviter que les étudiants soient trop isolés, nous avons réfléchi avec l’équipe pédagogique à des exercices d’un genre nouveau, avec davantage de travail en équipes, et la production collaborative de ressources – notamment des SAJ, synthèses de l’acquis jurisprudentiel – qui pourront être mises en ligne et enrichies par des interventions extérieures, à la manière d’une page Wikipedia!

Nous allons aussi, comme les années précédentes, prendre des exemples tirés de la réalité, et aussi de la fiction (films, romans, séries, musique, etc.)

Le coronavirus veut détruire aussi notre vie sociale ? Nous ne nous laisserons pas faire!

A demain en amphi et sur YouTube!

Bruno DONDERO

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Obsolescence programmée des codes rouges et bleus

Le Ministère de la Justice a mis en ligne hier mardi 22 septembre 2020 une table de concordance pour retrouver les textes ou les portions de texte qui ont été intégrés dans le nouveau chapitre consacré aux sociétés cotées par l’ordonnance n° 2020-1142 du 16 septembre 2020 dont nous avons parlé récemment. La table est accessible ici avec un texte de présentation, illustré par… une photo de vieux codes.

Ce que le petit texte appelle « réforme » tout en précisant qu’elle opère « à droit constant », c’est-à-dire sans modifier l’état du droit sur le fond, a dû être vécu comme un mauvais coup par les éditeurs de codes. La publication de l’ordonnance, qui était attendue quelques mois plus tôt, a été retardée, et entre-temps les éditeurs ont publié leurs codes – Code de commerce et Code des sociétés. Or, l’ordonnance a rendu obsolètes les Codes de commerce et les Codes des sociétés publiés par les éditeurs pour cette rentrée. Le fait que les codes soient publiés sous l’appellation « Code 2021 » (on aime bien prendre de l’avance dans l’édition des codes!) ne les a pas protégés.

Mais en réalité, ce n’est pas si grave que cela, rassurons MM. Dalloz le Rouge et LexisNexis le Bleu, car l’ordonnance a vu son entrée en vigueur différée au 1er janvier 2021! Donc, pour le moment, le Code de commerce ou le Code des sociétés, rouge ou bleu, sont encore conformes au droit positif. On notera tout de même le petit clin d’œil ministériel qui consiste à avoir retenu des codes manifestement un peu anciens (et au passage on note qu’un éditeur juridique est davantage représenté 😉).

« Vous m’avez traité de vieux code? »

Profitons enfin de l’occasion pour rappeler aux étudiants que le Code des sociétés est un « code d’éditeur », c’est-à-dire qu’il n’a pas d’existence officielle, mais que des éditeurs ont rassemblé dans un ouvrage différentes sources (des extraits du Code civil, du Code de commerce, etc.) qui constituent l’essentiel des textes et de la jurisprudence du droit des sociétés. Mais il ne faut pas citer un article du Code des sociétés, car ce code n’existe pas… même si la Cour de cassation a pu l’oublier!

Bruno DONDERO

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Le droit des sociétés cotées prend son autonomie! (ordonnance n°2020-1142 du 16 septembre 2020)

L’ordonnance qui était présentée hier en conseil des ministres est donc parue au Journal officiel: on la trouve ici, et le rapport qui l’accompagne est ici.

Rappelons que la loi PACTE, loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, avait donné au Gouvernement un certain nombre d’habilitations pour statuer par voie d’ordonnances, et que la période pour adopter une partie des ordonnances concernées avait été prorogée par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 jusqu’au 21 septembre 2020.

Au delà de ce qu’on trouve dans l’ordonnance (I), il est intéressant de relever ce que l’on n’y trouve pas et les ordonnances que l’on attendait (II).

I – Ce qu’on trouve dans l’ordonnance.

Première observation: son entrée en vigueur est différée, puisqu’elle ne prend effet que le 1er janvier 2021, et le compte-rendu du Conseil des ministres d’hier annonce un décret « pour réaliser la même recodification dans les dispositions réglementaires du Code de commerce« .

Sur le fond, l’ordonnance est présentée comme intervenant à droit constant. Elle modifie le Code de commerce (et coordonne les modifications du Code de commerce avec huit autres codes), pour (1) extraire des dispositions sur les sociétés commerciales celles qui concernent les sociétés dont les actions ou les titres sont cotés sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation ou les abroger et (2) créer un chapitre propre aux sociétés cotées où l’on retrouve les dispositions qui les concernent. Ce chapitre comporte les articles L. 22-10-1 et suivants.

On comprend que cela doit permettre de rendre plus clair le « droit commun » des sociétés commerciales, et aussi le préserver des évolutions à venir lorsqu’elles ne concerneront que les sociétés cotées.

On pourra regretter (mais c’est le problème du « droit constant ») que les dispositions rassemblées dans le nouveau chapitre visent pour certaines les sociétés dont les titres sont cotés (incluant celles dont seules des obligations sont cotées), tandis que d’autres font référence aux actions ou aux titres de capital.

II – Ce qu’on ne trouve pas dans l’ordonnance, et les ordonnances qu’on attendait… (démarchage bancaire et financier?)

Trois observations ici.

1) Tout d’abord, l’ordonnance n’a pas utilisé complètement l’habilitation législative qui avait été donnée par la loi PACTE, et qui prévoyait une « adaptation » « le cas échéant, des règles applicables aux sociétés en fonction des catégories de titres cotés et des types de plates-formes de négociation sur lesquels les titres sont cotés ». Cela n’a pas été utilisé.

2) Ensuite, et surtout, la loi PACTE prévoyait une habilitation pour transférer du Code de commerce au Code monétaire et financier « tout ou partie des dispositions relatives aux matières régies par les livres II et IV du code monétaire et financier, notamment les dispositions relatives au statut de l’intermédiaire inscrit, aux obligations de déclaration des franchissements de seuils et aux offres publiques ».

Il est probable que l’on n’aura pas d’ordonnance en ce sens, déjà parce qu’il reste quatre jours pour l’adopter, et qu’il ne semble pas qu’un Conseil des Ministres soit prévu dans ce délai.

Ensuite, de manière assez intéressante, le rapport de l’ordonnance parue ce matin indique : « Dans le même objectif de lisibilité, le rapport du HCJP estimait utile de transférer certaines dispositions du code de commerce vers le code monétaire et financier. Il s’agissait des dispositions concernant le régime de l’intermédiaire inscrit, les franchissements de seuils et les offres au public. La présente ordonnance ne retient pas ces propositions de transferts et maintient l’ensemble des dispositions dans le code de commerce. Il est en effet apparu que chacune de ces trois thématiques, malgré leurs implications importantes sur le droit des marchés financiers, entretenait des liens directs et importants avec le droit des sociétés, que les obligations pèsent directement sur les sociétés et leurs organes, ou que les dispositions renvoient directement à des notions de droit des sociétés. Leur transfert aurait ainsi conduit à des dispersions ou aurait nécessité des duplications supplémentaires de certaines dispositions dans les deux codes, ce qui aurait nuit à l’objectif de lisibilité de la réforme et à la cohérence du code de commerce ».

On parle ici d’offres publiques et là d’offres au public (ce ne désigne pas du tout la même chose), mais on comprend que l’habilitation qui avait été donnée par la loi PACTE et prorogée en mars dernier ne va pas être utilisée.

En clair, les auteurs de l’ordonnance disent expressément qu’ils refusent d’utiliser l’habilitation qui leur a été donnée par le législateur.

3) Dernière observation: la loi PACTE avait habilité le Gouvernement à réformer par ordonnance le droit du démarchage bancaire et financier, et cette habilitation avait elle aussi bénéficié de la prorogation opérée par la loi du 23 mars 2020. Pour autant, sauf surprise, il semble que cette réforme-là devra attendre…

« Bonjour Madame, je viens pour la réforme du démarchage bancaire et fi… »
– « Ah non, on a déjà notre ordonnance! »

Bruno DONDERO

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Publication imminente d’une ordonnance de droit des sociétés…

Le Conseil des Ministres de ce matin, mercredi 16 septembre, vient d’examiner un projet d’ordonnance touchant au droit des sociétés. L’intitulé de cette ordonnance, qui est présentée sur proposition de M. Le Garde des Sceaux, est: « Ordonnance portant création, au sein du Code de commerce, d’un chapitre relatif aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation ».

« Et voici une première ordonnance! »

Pour rappel, la loi PACTE du 22 mai 2019 disposait en son article 75:

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi pour :
1o Regrouper, au sein d’une division spécifique, les dispositions du code de commerce propres aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation et procéder aux mesures de coordination, d’harmonisation et de simplification nécessaires, en adaptant, le cas échéant, les règles applicables aux sociétés en fonction des catégories de titres cotés et des types de plates-formes de négociation sur lesquels les titres sont cotés ;

L’habilitation n’a pas donné lieu à l’adoption d’une ordonnance dans le délai de douze mois imparti par la loi PACTE. Une prorogation du délai d’adoption du texte a cependant été décidée par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, dont l’article 14 a opéré une prorogation de quatre mois des délais qui n’ont pas expiré à la date de publication de ladite loi dans lesquels le Gouvernement a été autorisé à prendre par ordonnances, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, des mesures relevant du domaine de la loi.

Au final, il est probable que de nombreux articles du Code de commerce sont en passe d’être modifiés, l’habilitation étant au surplus un peu difficile à lire: on part d’une mesure qui semble impliquer une intervention à droit constant, mais il est question ensuite de procéder aux mesures de simplification nécessaires, et surtout, d’adapter les règles applicables aux sociétés en fonction des catégories de titres et des plates-formes concerné(e)s…

Les modifications de textes ne sont pas terminées, puisque parmi les ordonnances attendues, une autre devrait déplacer des textes du Code de commerce au Code monétaire et financier.

L’habilitation prévue par l’article prévoyait sur ce point:

2o Transférer du code de commerce au code monétaire et financier tout ou partie des dispositions relatives aux matières régies par les livres II et IV du code monétaire et financier, notamment les dispositions relatives au statut de l’intermédiaire inscrit, aux obligations de déclaration des franchissements de seuils et aux offres publiques ;

Reste à savoir si cette ordonnance-là sera adoptée avant l’expiration du délai prorogé…

En attendant, on peut guetter le Journal Officiel (peut-être demain matin?) pour voir ce qu’il en est des modifications apportées au Code de commerce par cette première ordonnance.

Bruno DONDERO

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Quatre colloques et un enterrement (mise à jour)

Il y a quelque temps, j’avais publié le billet ci-dessous. Je le republie avec quelques retouches, car je trouve qu’on a vraiment besoin de sourire en cette période anxiogène, et aussi parce que l’agence de legal design Your Comics m’a proposé d’illustrer ce billet, ce que je fais bien volontiers.

Comme les chanteurs, les chercheurs et les universitaires meurent, mais leurs œuvres leur survivent. Ce qui fait que l’on ne sait pas toujours, au moment où l’on consulte les travaux d’un professeur, si celui-ci est encore de ce monde. On dispose certes de moyens d’information, pour connaître le décès d’une personne, mais ils ne sont pas toujours fiables.

La rubrique nécrologique du journal Le Monde est une source d’information importante s’agissant des disparitions d’universitaires, mais il est des homonymies qui peuvent donner lieu à des confusions fâcheuses, et tout décès dans la communauté universitaire ne donne pas lieu à une notice.

Celui qui est mort n’est – c’est somme toute assez logique – plus invité dans les colloques. Mais certains collègues ne sont pas invités dans les colloques alors qu’ils sont pourtant bien vivants.

On peut donc en conclure que ne pas être invité à un colloque ne prouve pas que l’on est mort (heureusement). Pour autant, est-il si certain que, a contrario, l’invitation à un colloque permette de prouver incontestablement que le destinataire de l’invitation est bien vivant?

Il faut évoquer deux situations dans lesquelles la mort d’un universitaire, réelle ou supposée, peut avoir des conséquences inattendues dans sa vie professionnelle: celle du professeur dont on ne sait pas qu’il est mort (I), et celle du professeur dont on croit à tort qu’il est mort (II).

I – Le professeur dont on ne sait pas qu’il est mort.

Première situation : un professeur meurt, mais on ne le sait pas.

Il y a quelques années, des avocats me contactèrent pour me demander les coordonnées d’un professeur de droit des affaires, dont ils voulaient absolument qu’ils rédigent pour eux une consultation. Malheureusement, ces avocats ne parvenaient pas, en dépit de nombreuses tentatives, à entrer en contact avec l’universitaire. Je ne pouvais pas arrêter mes interlocuteurs dans leur description de l’utilité que ne manquerait pas d’avoir l’intervention de ce grand professeur de droit pour l’affaire de leur client. Au bout d’un moment, je leur assénai la terrible vérité : le professeur V… était décédé dix ans plus tôt. Silence à l’autre bout du fil. Puis un rire nerveux et cette remarque de bon sens: « Voilà pourquoi il ne répondait pas à nos mails! ».

Les morts ne sont pas, il faut le reconnaître, des correspondants très actifs. Quoique. Les réponses automatiques des boites mail ne pourraient-elles prolonger nos existences ? « Je suis dans l’au-delà et n’ai qu’un accès limité à mes mails. Pour toute demande urgente, vous pouvez contacter mon successeur au numéro suivant… ».

Ne pas savoir qu’un universitaire est mort peut d’ailleurs être à l’origine de terribles querelles. De manière étonnante, à une époque où nous sommes pourtant submergés chaque jour sous une avalanche de mails et où les fonctions « spam » font disparaître certains envois dans les tréfonds de nos messageries, on croise parfois des personnes qui sont scandalisées de ne jamais avoir reçu de réponse à un mail. Pourtant, si le destinataire ne répond pas parce qu’il est décédé, ne peut-on faire preuve d’un tout petit peu d’indulgence?

Le problème tient à ce qu’entre l’envoi d’un mail et la découverte de la mort de son destinataire, des mois peuvent s’écouler, pendant lesquels la colère de l’auteur du mail resté sans réponse croîtra inexorablement. De colloque en soutenance de thèse, il fera part à tous ceux qu’il rencontrera de sa profonde déception. Pouvait-on imaginer qu’un collègue aussi admirable que X…, dont les ouvrages sont d’une exceptionnelle qualité, puisse faire preuve d’autant de mépris à son égard, qu’il ne daigne pas même accuser réception de son message ? A force de répandre le fiel à chaque nouvelle rencontre, quelqu’un finira peut-être par révéler à la victime du silence qu’elle n’est pas prête de recevoir une réponse.

II – Le professeur qu’on croit mort alors qu’il est vivant.

L’autre situation que l’on peut rencontrer est celle où un universitaire est encore vivant, mais on le croit mort. Cette version ESR (Enseignement Supérieur et Recherche) du Colonel Chabert peut donner naissance à des querelles encore plus terribles que la précédente hypothèse.

Cette illustration a été réalisée par Your-Comics, agence legal design à Paris

Il faut savoir qu’il existe, dans le monde de la recherche, des manières particulières de citer les auteurs morts. Notamment, on ne cite pas le prénom de l’auteur décédé. En outre, le nom de l’auteur est parfois accompagné, notamment sur les ouvrages auxquels il a participé, d’une petite croix. On peut imaginer la surprise d’un auteur bien vivant qui découvre que la nouvelle édition d’un ouvrage auquel il a participé l’expédie dans le monde des morts.

Autre situation : vous êtes le professeur Z…, vous lisez un article de votre discipline préférée, et vous voyez que l’auteur cite vos travaux en évoquant « l’idée mise en avant dans ses travaux par notre regretté collègue Z… ». En dépit du respect dont fait preuve celui qui a écrit ces mots, il est à parier que leur destinataire ne les accueillera pas avec plaisir.

A rebours des différents hommages qui peuvent être rendus au défunt, le « professeur Chabert » ne devrait plus être invité à participer aux colloques, soutenances de thèses et autres réjouissances universitaires. Quel soulagement de découvrir que si vous étiez blacklisté depuis de nombreuses années, c’est qu’on pensait que vous aviez tragiquement péri il y a longtemps! Inversement, quel avantage d’échapper à toute sorte de corvées de la fonction universitaire en se prétendant trépassé!

Finissons enfin en imaginant l’effroi que suscitera, dans un colloque universitaire, l’apparition d’un collègue que l’on pensait mort depuis longtemps. Lorsque le professeur descendra à pas lents les marches de l’amphithéâtre pour aller s’asseoir dans les travées, l’assemblée pétrifiée se demandera si c’est un fantôme qui vient assister aux travaux du colloque. Et imaginons le moment où le revenant prendra la parole pour critiquer les interventions. Qui osera lui répondre? David Lodge pourrait placer ce type de situation dans l’un de ses ouvrages!

Bruno DONDERO

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