Le journal Les Echos avait diffusé au début de l’année un texte présenté comme un projet d’ordonnance réformant le droit des contrats, des quasi-contrats, le régime général de l’obligation et le droit de la preuve. Signalons que quelques pages manquent (p. 4 à 6).
Ce texte a été commenté par Daniel Mainguy : http://www.daniel-mainguy.fr/article-la-reforme-du-droit-des-contrats-et-des-obligations-en-2014-122087833.html
Pour mémoire, la réforme du droit des contrats a, au cours des dix dernières années, fait l’objet de trois textes distincts. Deux sont d’origine doctrinale, et sont l’avant-projet Catala (http://www.justice.gouv.fr/art_pix/RAPPORTCATALASEPTEMBRE2005.pdf) et l’avant-projet Terré. La Chancellerie a diffusé pour sa part en 2008 un avant-projet, qui a connu des évolutions.
Aujourd’hui, on ne sait pas encore avec certitude si les matières en question, et particulièrement le droit des contrats, feront l’objet d’une réforme par voie d’ordonnance. Une commission mixte paritaire doit réunir des députés et des sénateurs, les premiers s’étant prononcés favorablement à une telle méthode de réforme, au contraire des seconds (v. notre post précédent: https://brunodondero.wordpress.com/2014/04/21/reforme-du-droit-des-contrats-par-ordonnance-le-retour/ ).
Le texte présenté traite du droit des contrats dans ses pages 2 à 34, étant précisé que c’est le régime général du contrat qui est réformé. Le mot de réforme recouvre plusieurs mouvements différents, en réalité.
De grands principes sont affirmés :
– Liberté de contracter et de ne pas contracter, du choix du cocontractant, du contenu et de la forme du contrat (art. 2) ;
– Formation et exécution des contrats de bonne foi (disposition autonome – art. 3) ;
– Principe du consensualisme (art. 79) ;
– Parallélisme des formes (art. 81) ;
– Affirmation d’un devoir général d’information (art. 37) ;
– Principe du droit à l’exécution en nature (art. 129).
Des notions et des solutions dégagées par la doctrine ou la jurisprudence sont consacrées :
– Contrat consensuel, solennel, d’adhésion, de gré à gré, qui sont définis ;
– Offre et acceptation (art. 19 et s.) ;
– Conditions générales (art. 20) ;
– Réticence dolosive (art. 44, à relier au devoir d’information de l’art. 37) ;
– Violence résultant de l’abus d’un état de nécessité ou de dépendance (art. 50) ;
– Fixation unilatérale du prix par une partie (art. 71 et 72) ;
– Prohibition des engagements perpétuels et règles relatives à la durée des contrats (art. 119 à 124).
Des solutions jurisprudentielles sont au contraire remises en cause ou modifiées :
– La promesse unilatérale voit son efficacité renforcée, la révocation de la promesse ne pouvant empêcher la formation du contrat promis (art. 24) ;
– Renforcement également de l’efficacité du pacte de préférence, les sanctions de nullité et de substitution étant introduites lorsqu’un contrat a été conclu en violation du pacte avec un tiers qui en connaissait l’existence (art. 25) ;
– La théorie de l’imprévision est reconnue (art. 104) : si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend son exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’a pas accepté d’en assumer le risque, cette partie peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Si la renégociation n’aboutit pas, les parties peuvent demander d’un commun accord au juge de procéder à l’adaptation du contrat, ou bien une partie seule peut lui demander de mettre fin au contrat.
La cause disparaît des conditions de validité du contrat (art. 35) mais les solutions fondées sur cette notion sont maintenues : le contrat dont le but déroge à l’ordre public est nul (art. 69), de même que le contrat à titre onéreux en cas de contrepartie illusoire ou dérisoire (art. 75). La clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite (art. 76).
Une théorie générale de la représentation est instituée (art. 60 à 68). Des règles issues de la théorie du mandat sont reprises, et un article consacré aux conflits d’intérêts apparaît (art. 68).
Une théorie générale de la nullité et de la caducité est établie (art. 86 à 95).
La notion de clause abusive, qui est celle qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, est introduite dans le droit général des contrats ; une telle clause peut être supprimée par le juge (art. 77).
Quelques innovations encore sont à signaler en cas d’inexécution, comme la possibilité reconnue au créancier de réduire proportionnellement le prix en cas d’exécution imparfaite du contrat (art. 131) ou la consécration du droit pour le créancier de résoudre le contrat par voie de notification à son cocontractant après une inexécution ayant donné lieu à une mise en demeure infructueuse (art. 134) et l’affirmation du fait que la résolution n’affecte pas les clauses relatives au règlement des différends (art. 138).
Bruno Dondero