Quelques mots sur un arrêt daté d’hier, 20 septembre 2017, rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, et relatif à l’établissement de la qualité d’entrepreneur indépendant.
L’URSSAF avait demandé l’ouverture d’un redressement judiciaire d’une personne physique, prise en qualité de travailleur indépendant. Cette personne estimait que l’on ne pouvait la viser par une telle procédure puisqu’elle n’exerçait pas à titre individuel, mais dans le cadre d’une SARL dont elle était le gérant et l’associé majoritaire.
Les procédures collectives prévues par le Code de commerce (redressement judiciaire, liquidation judiciaire, etc.) s’appliquent, aux termes de l’article L. 620-2, à des personnes désignées précisément: « à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante (…) ainsi qu’à toute personne morale de droit privé« .
Ainsi, la procédure de redressement peut s’appliquer à un entrepreneur indépendant, à une SARL, mais pas à l’associé d’une SARL pris en cette seule qualité. Dans le cas d’une SARL, seule la société exerce une activité de nature à donner lieu, en cas de difficultés économiques, à une procédure collective, à moins qu’on puisse établir que son associé est en même temps un entrepreneur indépendant.
L’enjeu est de taille, parce que si l’on peut ouvrir une procédure de redressement judiciaire visant l’associé personne physique, il peut être dessaisi des pouvoirs de gestion et de disposition de ses biens, et ses biens personnels peuvent être saisis par les créanciers. En revanche, si c’est la SARL qui est placée en redressement ou en liquidation judiciaire, l’associé continue à gérer son patrimoine personnel comme il l’entend. Les parts qu’il détient dans la société pourront disparaître si la société est placée en liquidation judiciaire et est dissoute, mais les conséquences sont beaucoup plus réduites (si l’associé est gérant, sa responsabilité peut être engagée dans différentes hypothèses).
Pour qu’une procédure de redressement judiciaire soit ouverte, il fallait que soit rapportée la preuve que la personne visée était bien un entrepreneur indépendant.
La cour d’appel saisie du litige avait considéré que cette preuve était rapportée du fait de l’inscription de la personne physique au répertoire SIRENE de l’INSEE dans la catégorie des entrepreneurs individuels.
Cette position est cependant condamnée par la Cour de cassation, qui juge qu’il aurait fallu « caractériser l’exercice effectif (…) d’une activité professionnelle indépendante, distincte de celle exercée pour le compte et au nom de la société« , exercice effectif qui ne pouvait se déduire de la seule inscription au répertoire SIRENE.
Petite curiosité de la décision dans la version mise en ligne sur le site de la Cour de cassation: l’arrêt d’appel est censuré pour défaut de base légale, mais il n’y a pas d’indication du texte fondant la cassation. Il devrait s’agir de l’article L. 620-2 du Code de commerce.
Indépendamment de ce détail, on retiendra que celui qui demande l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire (ou de liquidation judiciaire) visant son débiteur entrepreneur indépendant doit être en mesure de prouver que ce débiteur exerçait effectivement une telle activité, ce qui suppose de pouvoir produire des témoignages, des publicités, des écrits, etc. établissant l’exercice de cette activité.
Rappelons à titre de comparaison qu’aux termes de l’article L. 123-7 du Code de commerce, l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés emporte quant à elle présomption de la qualité de commerçant.
Bruno Dondero