Archives mensuelles : juillet 2015

Droit d’information des salariés en cas de cession d’entreprise et loi Macron: nouveau mic-mac en perspective ?

Permettre aux salariés de reprendre leur entreprise est une excellente chose. La loi relative à l’économie sociale et solidaire (L. n° 2014-856 du 31 juillet 2014) a voulu favoriser cette reprise. Il est toutefois dommage que pour ce faire, le législateur ait mis en place un dispositif à la fois complexe et imprécis, et assorti d’une sanction de nullité des cessions réalisées, de nature à nourrir les angoisses des parties à une cession d’entreprise et de leurs conseils.

Bien que fondé sur une bonne idée, ce dispositif a très certainement plus fait pour entraver les cessions pour lesquelles un repreneur avait été trouvé qu’il n’a empêché d’entreprises de fermer.

L’article 204 de la loi Macron, dont la promulgation est attendue, après son passage devant le Conseil constitutionnel, vient remplacer la nullité par une sanction différente, d’amende civile égale à 2% du prix de la vente, lorsque cette vente a été faite sans respecter le droit d’information des salariés. C’en est donc fini du risque d’annulation des cessions, à cet égard.

Mais la situation n’est pas si simple que cela…


I – Une redoutable question a été évitée…

Nous avions évoqué sur ce blog la saisine du Conseil constitutionnel par une QPC. Répondant à celle-ci, le Conseil constitutionnel a estimé que la sanction de nullité était inconstitutionnelle (décision n° 2015-476 QPC). Il a ainsi anticipé l’application de la loi Macron quant à la suppression de la possibilité d’annuler une cession pour non-respect du droit d’information des salariés.

Le Conseil constitutionnel avait été saisi d’une demande portant sur l’intégralité du dispositif, reprochant notamment à celui-ci une atteinte excessive au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre. Il aurait donc été concevable que le droit d’information des salariés soit supprimé en son entier.

Si cela avait été le cas, la situation aurait été particulièrement délicate, puisque la loi Macron serait venue apporter des modifications à des textes entre-temps supprimés. Quelle valeur aurait eu cette construction faite sur un fondement inexistant ? La loi Macron aurait-elle été dépourvue de valeur normative en ce qu’ayant été établie sur du vide ? Ou bien les dispositions modificatives auraient-elles rendu sa force au texte abrogé ? Cette seconde solution aurait eu pour elle un argument tenant au contenu de la loi Macron, qui procède à la suppression de la sanction de nullité, honnie par le Conseil constitutionnel. Mais peut-on pour autant considérer que la loi qui modifie un texte supprimé rend à celui-ci la vie juridique qui lui manque ?

II – … Mais évitée seulement partiellement.

Cette redoutable question n’a été en réalité que partiellement évitée.

La décision n° 2015-476 QPC dispose en effet que « les quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 23-10-1 et les troisième et quatrième alinéas de l’article L. 23-10-7 du Code de commerce issus de l’article 20 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire sont contraires à la Constitution ». Or, lorsque la loi Macron vient substituer à la nullité la sanction de l’amende civile, elle le fait en remplaçant par un nouvel alinéa les deux derniers alinéas de l’article L. 23-10-1 du Code de commerce, d’une part, et les troisième et avant-dernier alinéas de l’article L. 23-10-7, d’autre part, qui sont précisément les alinéas déclarés contraires à la Constitution.

La déclaration d’inconstitutionnalité emportant abrogation des dispositions visées à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par sa décision, aux termes de l’article 62 de la Constitution, la loi Macron a dans une certaine mesure modifié des textes qui avaient entre-temps été supprimés.

La question se pose donc de savoir si la loi ESS est encore pourvue d’une sanction. Si la sanction d’amende civile édictée par la loi Macron n’a pu être valablement adoptée, cela signifie que ce n’est plus la sanction de la nullité initialement prévue, ni la nouvelle sanction, qui sont applicables. Que reste-t-il ? On n’ose suggérer l’application d’une sanction de nullité, à des conditions différentes de celles initialement prévues par la loi ESS. C’est donc vers une action en responsabilité civile soumise aux conditions de droit commun que l’on se tournera et vers elle seule… si la sanction de l’amende civile est effectivement écartée.

En conclusion, la grande saga du droit d’information des salariés continue, pour le plaisir de… mais de qui au fait ?

 Bruno DONDERO

1 commentaire

Classé dans Actualité juridique, Droit des sociétés, Loi ESS, Loi Hamon, Loi Macron

Loi Macron: feu vert au crédit inter-entreprises, oui, mais en respectant pas moins de 13 conditions!

La loi Macron, dont on attend la promulgation après son passage devant le Conseil constitutionnel, aborde tellement de sujets différents et passionnants que l’on pourrait passer à côté de certaines des mesures du nouveau texte, qui ne sont pas celles dont on a le plus parlé.

Nous avions évoqué dans les colonnes de ce blog la question du crédit inter-entreprises, sujet abordé par le projet de loi.

Pour rappeler le sujet en quelques mots, le prêt d’argent fait à titre onéreux et habituel (c’es-à-dire à plus d’une seule personne) ne peut en principe être fait que par un établissement de crédit ou une société de financement, et ce sous peine de sanctions lourdes (3 ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende, en premier lieu).

La loi Macron a vu monter à son bord, au cours des travaux parlementaires et contre l’avis du Gouvernement, un amendement proposant d’autoriser le crédit entre les entreprises, ce qui aurait permis à une entreprise de mettre son excédent de trésorerie à la disposition d’une autre, sans courir le risque de violer le monopole bancaire. L’amendement était rédigé de manière assez peu rigoureuse, mais il allait dans le sens de l’ouverture d’une brèche assez large dans le monopole bancaire.

Le texte voté au final est moins généreux à cet égard, puisque le crédit inter-entreprises se trouve soumis au respect de pas moins de 13 conditions différentes, en attendant d’ailleurs de connaître le décret qui encadrera cette forme de crédit et édictera peut-être encore des conditions supplémentaires.

Concrètement, l’article L. 511-6 du Code monétaire et financier, texte qui édictait déjà plusieurs exceptions au monopole bancaire, se voit ajouter un nouveau paragraphe, qui énonce différentes conditions, résumées ci-après:

Conditions relatives à la société prêteuse : il doit s’agir 1) d’une société par actions (société anonyme, en commandite par actions, par actions simplifiée, société européenne) ou d’une SARL 2) dont les comptes font l’objet d’une certification par un commissaire aux comptes.

Conditions relatives au prêt : le prêt doit être consenti 3) à titre accessoire à l’activité principale de la société prêteuse, 4) être à moins de deux ans, et 5) l’octroi de ce prêt ne peut avoir pour effet d’imposer à un partenaire commercial des délais de paiement ne respectant pas les plafonds légaux définis aux articles L. 441-6 et L. 443-1 du Code de commerce. Le prêt doit en outre être 6) formalisé dans un contrat et 7) soumis à la procédure des conventions réglementées (les textes visés sont uniquement ceux des SARL et une partie de ceux applicables aux sociétés anonymes, mais pas ceux applicables aux SAS, ce qui résulte dans doute d’une erreur du rédacteur du texte).

Conditions relatives à l’emprunteur : l’emprunteur doit 8) relever de la catégorie des micro-entreprises, des PME ou des entreprises de taille intermédiaire et 9) il doit entretenir avec la société prêteuse des liens économiques justifiant le prêt.

Conditions supplémentaires : 10) un décret en Conseil d’État à intervenir fixera les conditions et les limites dans lesquelles les sociétés par actions et SARL pourront octroyer des prêts. 11) Le montant des prêts consentis sera communiqué dans le rapport de gestion (au moins de la société prêteuse, faut-il penser) et 12) fera l’objet d’une attestation du commissaire aux comptes selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État. Il est encore prévu que 13) nonobstant toute disposition ou stipulation contraire, les créances détenues par le prêteur ne pourront, à peine de nullité, être acquises par un organisme de titrisation, un fonds professionnel spécialisé ou faire l’objet de contrats constituant des instruments financiers à terme ou transférant des risques d’assurance à ces mêmes organismes ou fonds.

Bruno DONDERO

1 commentaire

Classé dans Actualité juridique

QPC sur la loi Hamon: inconstitutionnalité de la nullité (C. const., décision n° 2015-476 QPC du 17 juil. 2015)

Le Conseil constitutionnel avait été saisi d’une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) visant la loi Hamon du 31 juillet 2014, en sa partie instituant une obligation d’informer les salariés d’une société entrant dans les seuils définis par la loi (les PME, en substance). Nous avons déjà parlé de cette loi, et de ce recours.

Cette obligation d’information a suscité de nombreuses discussions, notamment parce que son champ d’application n’était pas défini avec une grande précision (la cession d’entreprise visée est-elle aussi l’apport ou la donation ?), et aussi parce que la sanction prévue était celle de la nullité de la cession. En clair, qui oubliait d’informer l’un de ses 200 salariés s’exposait à un risque d’annulation de la cession de l’entreprise, avec obligation pour le vendeur de reprendre les parts ou les actions cédées, et de restituer le prix.

La loi Hamon avait fait l’objet d’une QPC, tandis que le décret d’application était visé par un recours pour excès de pouvoir, pendant devant le Conseil d’Etat.

Précisons qu’entre-temps, la loi Macron a été votée, et qu’elle retouche la loi Hamon, en précisant le champ d’application (les seules « ventes ») et en remplaçant la sanction de la nullité par une amende civile de 2% du prix de cession. La loi Macron fait l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel, mais qui ne porte pas semble-t-il sur cette partie de la loi.

Le Conseil constitutionnel vient donc de répondre à la QPC, et il déclare partiellement inconstitutionnel le dispositif Hamon, en son état antérieur à la loi Macron.

I – Inconstitutionnalité.

Sont contraires à la Constitution les textes édictant une sanction de nullité en cas de non-respect du dispositif d’information obligatoire des salariés.

Le Conseil constitutionnel relève notamment que l’action en annulation peut être exercée par un seul salarié, même s’il a été informé du projet de cession et que la loi ne détermine pas les critères en vertu desquels le juge peut prononcer cette annulation. Il en est déduit que, au regard de l’objet de l’obligation dont la méconnaissance est sanctionnée (qui est de garantir au salariés le droit de présenter une offre de reprise sans que celle-ci s’impose au cédant) et des conséquences d’une nullité de la cession, l’action en nullité porte une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d’entreprendre.

Sont en conséquence supprimés les deux alinéas de l’article L. 23-10-1 du Code de commerce et les deux alinéas de l’article L. 23-10-7 édictant la sanction de nullité, étant précisé que la décision du Conseil prend effet à compter de la publication de sa décision, et qu’elle est précisée être applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.

Nous n’avons pas connaissance de décisions rendues en ce domaine à ce jour. Mais si un juge était saisi d’une action en annulation pour non-respect de l’obligation d’information des salariés, il ne peut plus prononcer cette sanction aujourd’hui.

II – Constitutionnalité.

Sont en revanche conformes à la Constitution l’obligation d’information elle-même et les mesures d’application de la loi dans le temps qui avaient été prévues. S’agissant de dispositif d’information lui-même, il est jugé qu’il poursuit un objectif d’intérêt général, qu’il fait l’objet d’un encadrement particulier (obligation de discrétion pesant sur les salariés notamment) et que l’obligation d’information n’interdit pas au propriétaire de céder librement sa participation dans la société à l’acquéreur de son choix et aux conditions qu’il estime les plus conformes à ses intérêts.

L’article 98 de la loi Hamon, qui avait prévu que le dispositif ne s’applique qu’aux cessions intervenues trois mois au moins après la publication de la loi, est par ailleurs jugé conforme à la Constitution en ce qu’il ne porte pas atteinte au droit au maintien des contrats.

 Bruno DONDERO

1 commentaire

Classé dans Actualité juridique, Droit des sociétés, Droit du travail, Loi ESS, Loi Hamon

L’usufruitier de parts sociales et les réserves de la société (Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-16246, P+B+R+I)

Les parts sociales ou les actions d’une société peuvent faire l’objet d’un démembrement de propriété, ce qui conduit à une situation dans laquelle les droits et obligations de l’associé (droit de vote, droit aux bénéfices, notamment) sont réparties entre le nu-propriétaire et l’usufruitier.

Les textes généraux sur l’usufruit, figurant dans le Code civil, et les textes spéciaux du droit des sociétés ne fournissent pas toutes les réponses voulues quant à la répartition que les statuts ou la convention d’usufruit peut opérer. La jurisprudence a précisé que le nu-propriétaire avait la qualité d’associé, mais la même solution n’a jamais été affirmée pour l’usufruitier, ce qui permet de penser qu’il n’a pas la qualité d’associé. Il a cependant le droit d’exercer certaines des prérogatives de l’associé, précisément parce qu’il a un droit d’usage des parts sociales ou des actions.

L’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 27 mai dernier, auquel la publication la plus large (les deux Bulletins, le site internet de la Cour, son rapport annuel) est réservée, apporte une précision importante, mais la décision n’est pas facile à lire.

Est-ce que ce sont des fruits pour l'usufruitier, ou verra-t-on naître un quasi-usufruit ?

Est-ce que ce sont des fruits pour l’usufruitier, ou verra-t-on naître un quasi-usufruit ?

Voyons ensemble la solution (I) puis apportons quelques commentaires (II).

I – La solution.

L’usufruitier des parts d’une société civile étant décédé, ses ayants droit avaient déposé une déclaration de succession rectificative faisant état d’un passif successoral, non pris en compte dans leur déclaration de succession initiale. Le passif que les héritiers entendaient voir pris en compte résultait d’une dette de restitution du défunt, qui avait bénéficié d’une distribution de réserves décidée par une assemblée. Le procès-verbal de l’assemblée mentionnait que, pour les parts sociales dont la propriété était démembrée, le nu-propriétaire aurait droit au dividende distribué mais que l’usufruitier exercerait son droit de quasi-usufruit sur le dividende distribué et que ce dividende lui serait donc payé.

Pour comprendre l’arrêt, il faut savoir ce qu’est le quasi-usufruit.

L’article 587 du Code civil dispose que « Si l’usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution ». Ainsi, lorsque l’usufruit porte sur des choses de genre consomptibles, l’usufruitier peut en disposer, mais à charge pour lui de rendre des choses identiques. Il a donc dans cette situation plus que ses prérogatives d’usage, puisque l’usufruitier se comporte alors comme un véritable propriétaire.

Pour notre cas, la question était donc la suivante : les dividendes perçus par l’usufruitier étaient-ils des fruits, auxquels il avait droit parce qu’il était usufruitier des parts de la société ? Ou bien les sommes reçues l’étaient-elles en vertu d’un quasi-usufruit, ce qui veut dire que, à côté de l’usufruit des parts sociales qui existait déjà, apparaîtrait un second usufruit sur les sommes d’argent reçu, mais qui serait un quasi-usufruit, et qui obligerait donc l’usufruitier à restituer les sommes reçues (ce qui n’est pas le cas du dividende, normalement, si c’est un fruit).

L’administration fiscale et la cour d’appel répondaient, sur le terrain du droit fiscal, que le quasi-usufruit avait une origine conventionnelle, ce qui avait une incidence sur la preuve de l’existence de la dette au regard de l’administration fiscale.

L’arrêt d’appel est cependant cassé pour violation de toute une série de textes (article 587 du Code civil sur le quasi-usufruit, article 1842 du même code, sur la personnalité morale de la société, et articles 768 et 773-2 du Code général des impôts).

Un attendu de principe affirme que « dans le cas où la collectivité des associés décide de distribuer un dividende par prélèvement sur les réserves, le droit de jouissance de l’usufruitier de droits sociaux s’exerce, sauf convention contraire entre celui-ci et le nu-propriétaire, sous la forme d’un quasi-usufruit, sur le produit de cette distribution revenant aux parts sociales grevées d’usufruit, de sorte que l’usufruitier se trouve tenu, en application [de l’article 587 du Code civil], d’une dette de restitution exigible au terme de l’usufruit et qui, prenant sa source dans la loi, est déductible de l’actif successoral lorsque l’usufruit s’éteint par la mort de l’usufruitier ».

Ce qu’il faut surtout retenir, c’est la partie qui affirme que quand le dividende est prélevé sur les réserves, on voit apparaître un quasi-usufruit. Cela veut donc dire qu’il faut distinguer, lorsque l’usufruitier perçoit un dividende, selon que celui-ci est prélevé sur les réserves ou non.

Si c’est sur le produit de l’exercice clos ou, plus largement, sur un poste qui n’est pas une réserve, qu’est prélevé le dividende, alors celui-ci participe de la nature des fruits et il revient à l’usufruitier, sans que cela fasse naître une dette de restitution à sa charge. Il n’y a là que l’application de l’article 582 selon lequel « l’usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l’objet dont il a l’usufruit ». La Cour de cassation qualifie le dividende de fruit, ou, plus précisément, juge que « les dividendes participent de la nature des fruits » (Cass. com., 5 oct. 1999, n° 97-17377, Bull. IV, n° 163). Elle a statué ainsi après quelques nuances et hésitations, comme on le sait, mais cette qualification n’est pas discutée aujourd’hui.

Si en revanche le dividende est constitué d’un bénéfice qui avait été antérieurement mis en réserve, le droit de l’usufruitier sur ce dividende est de nature différente. Il ne s’agit plus d’un fruit auquel il aurait droit par application de l’article 582 du Code civil. Pour une raison qui n’est pas identifiée par l’arrêt, il y a donc un second usufruit, ou une « contamination » de l’usufruit portant sur les parts sociales aux sommes prélevées sur les réserves et attribuées à l’usufruitier.

II – Commentaires.

La question de savoir si l’usufruitier a un droit sur les dividendes prélevés sur les réserves est ancienne, et elle a fait l’objet de travaux doctrinaux importants. On citera notamment l’article du professeur Mortier et de maître Kerambrun, Pourquoi les réserves sont à l’usufruitier et à lui seul !, publié à la Semaine juridique, édition Notariale 2009, 1264.

La solution retenue par la Cour de cassation n’était pas forcément attendue.

Un arrêt du 31 mars 2004 (n°03-16694, Bull. IV, n° 70) de cette même Cour avait affirmé que l’usufruitier avait le droit de voter sur l’affectation du bénéfice, et que ce droit ne pouvait être remis en cause par les statuts, alors pourtant que l’article 1844 du Code civil laissait entendre que les statuts pouvaient déroger à la répartition du droit de vote que ce texte formulait : droit de vote au nu-propriétaire, sauf pour l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier.

L’arrêt du 27 mai 2015 ne remet pas cela en question, mais il revient à dire que lorsque la décision est prise d’affecter le bénéfice à une réserve, cela le fait sortir du périmètre des fruits générés par les parts sociales ou les actions ayant fait l’objet du démembrement de propriété. Il y aurait une sorte de « capitalisation » du bénéfice, qui empêcherait de le qualifier par la suite de fruit, lorsqu’il arrive entre les mains de l’usufruitier sous forme de dividende. Cela est assez étrange.

Dernière question faut-il limiter la solution retenue à la mise en réserve au sens strict ? La formulation de l’arrêt ainsi que le fondement incertain de la « capitalisation » du bénéfice mis en réserve incitent à retenir cette interprétation, et à ne pas assimiler aux réserves le report à nouveau.

Bruno DONDERO

1 commentaire

Classé dans Actualité juridique, Droit des biens, Droit des sociétés