Le droit des sociétés cotées prend son autonomie! (ordonnance n°2020-1142 du 16 septembre 2020)

L’ordonnance qui était présentée hier en conseil des ministres est donc parue au Journal officiel: on la trouve ici, et le rapport qui l’accompagne est ici.

Rappelons que la loi PACTE, loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, avait donné au Gouvernement un certain nombre d’habilitations pour statuer par voie d’ordonnances, et que la période pour adopter une partie des ordonnances concernées avait été prorogée par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 jusqu’au 21 septembre 2020.

Au delà de ce qu’on trouve dans l’ordonnance (I), il est intéressant de relever ce que l’on n’y trouve pas et les ordonnances que l’on attendait (II).

I – Ce qu’on trouve dans l’ordonnance.

Première observation: son entrée en vigueur est différée, puisqu’elle ne prend effet que le 1er janvier 2021, et le compte-rendu du Conseil des ministres d’hier annonce un décret « pour réaliser la même recodification dans les dispositions réglementaires du Code de commerce« .

Sur le fond, l’ordonnance est présentée comme intervenant à droit constant. Elle modifie le Code de commerce (et coordonne les modifications du Code de commerce avec huit autres codes), pour (1) extraire des dispositions sur les sociétés commerciales celles qui concernent les sociétés dont les actions ou les titres sont cotés sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation ou les abroger et (2) créer un chapitre propre aux sociétés cotées où l’on retrouve les dispositions qui les concernent. Ce chapitre comporte les articles L. 22-10-1 et suivants.

On comprend que cela doit permettre de rendre plus clair le « droit commun » des sociétés commerciales, et aussi le préserver des évolutions à venir lorsqu’elles ne concerneront que les sociétés cotées.

On pourra regretter (mais c’est le problème du « droit constant ») que les dispositions rassemblées dans le nouveau chapitre visent pour certaines les sociétés dont les titres sont cotés (incluant celles dont seules des obligations sont cotées), tandis que d’autres font référence aux actions ou aux titres de capital.

II – Ce qu’on ne trouve pas dans l’ordonnance, et les ordonnances qu’on attendait… (démarchage bancaire et financier?)

Trois observations ici.

1) Tout d’abord, l’ordonnance n’a pas utilisé complètement l’habilitation législative qui avait été donnée par la loi PACTE, et qui prévoyait une « adaptation » « le cas échéant, des règles applicables aux sociétés en fonction des catégories de titres cotés et des types de plates-formes de négociation sur lesquels les titres sont cotés ». Cela n’a pas été utilisé.

2) Ensuite, et surtout, la loi PACTE prévoyait une habilitation pour transférer du Code de commerce au Code monétaire et financier « tout ou partie des dispositions relatives aux matières régies par les livres II et IV du code monétaire et financier, notamment les dispositions relatives au statut de l’intermédiaire inscrit, aux obligations de déclaration des franchissements de seuils et aux offres publiques ».

Il est probable que l’on n’aura pas d’ordonnance en ce sens, déjà parce qu’il reste quatre jours pour l’adopter, et qu’il ne semble pas qu’un Conseil des Ministres soit prévu dans ce délai.

Ensuite, de manière assez intéressante, le rapport de l’ordonnance parue ce matin indique : « Dans le même objectif de lisibilité, le rapport du HCJP estimait utile de transférer certaines dispositions du code de commerce vers le code monétaire et financier. Il s’agissait des dispositions concernant le régime de l’intermédiaire inscrit, les franchissements de seuils et les offres au public. La présente ordonnance ne retient pas ces propositions de transferts et maintient l’ensemble des dispositions dans le code de commerce. Il est en effet apparu que chacune de ces trois thématiques, malgré leurs implications importantes sur le droit des marchés financiers, entretenait des liens directs et importants avec le droit des sociétés, que les obligations pèsent directement sur les sociétés et leurs organes, ou que les dispositions renvoient directement à des notions de droit des sociétés. Leur transfert aurait ainsi conduit à des dispersions ou aurait nécessité des duplications supplémentaires de certaines dispositions dans les deux codes, ce qui aurait nuit à l’objectif de lisibilité de la réforme et à la cohérence du code de commerce ».

On parle ici d’offres publiques et là d’offres au public (ce ne désigne pas du tout la même chose), mais on comprend que l’habilitation qui avait été donnée par la loi PACTE et prorogée en mars dernier ne va pas être utilisée.

En clair, les auteurs de l’ordonnance disent expressément qu’ils refusent d’utiliser l’habilitation qui leur a été donnée par le législateur.

3) Dernière observation: la loi PACTE avait habilité le Gouvernement à réformer par ordonnance le droit du démarchage bancaire et financier, et cette habilitation avait elle aussi bénéficié de la prorogation opérée par la loi du 23 mars 2020. Pour autant, sauf surprise, il semble que cette réforme-là devra attendre…

« Bonjour Madame, je viens pour la réforme du démarchage bancaire et fi… »
– « Ah non, on a déjà notre ordonnance! »

Bruno DONDERO

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