Archives mensuelles : septembre 2018

Cours de droit des sociétés: clause n° 4 (pacte d’actionnaires, sortie des investisseurs)

Nous allons explorer en détail la question de la prohibition des clauses léonines (art. 1844-1 du Code civil). Comme je l’ai dit en cours, les clauses pour lesquelles la question de l’application du texte s’est posé ne sont pas tant les clauses des statuts que les promesses faites par des associés à un autre de lui racheter ses parts/actions.

Pourquoi ce type de promesse serait-il consenti ? Après tout, les associés ne sont-ils pas tous dans le même navire ?

Mais c’est qu’en réalité certains associés ne sont là que parce que leur métier est d’être précisément associé: ils pratiquent le financement en capital des sociétés. Ces associés sont les sociétés ou fonds de capital-investissement.

Leur projet n’est pas de rester associés toute leur vie durant, mais d’accompagner la société pendant une période donnée, qui est généralement de quelques années. Juridiquement, il leur appartient de créer le cadre de leur investissement, et notamment de se créer la porte de sortie qu’ils souhaitent utiliser. Cela passe plutôt par des clauses présentes dans un pacte d’actionnaires – on en parlera en cours.

J’ai pris sur un site internet une clause de pacte. Le site est celui de la plate-forme d’investissement Anaxago.

La clause est la suivante:

Art. 14 Pacte Anaxago

Cette clause est intéressante, puisqu’elle prévoit ce qui se passera si, à une date donnée, la société n’a pas été soit cédée, soit introduite en bourse, avec enrichissement dans les deux cas des associés présents, dont les associés « investisseurs ». Ceux-ci pourront alors déclencher une procédure qui doit permettre aux investisseurs soit de racheter la participation des autres associés, soit de vendre à ces associés les actions qu’ils détiennent.

La clause qui est reproduite est d’ailleurs à rapprocher de ce que l’on appelle « clause buy or sell », ou clause d’achat et de vente, ou clause de roulette russe, à distinguer encore de la « clause texane« .

Il est intéressant aussi, puisque nous parlerons bientôt dans le cours de la notion d’affectio societatis, de lire que la société Anaxago a un « manifeste », une suite de principes fondamentaux qui gouvernent son activité, si l’on veut, et que l’un de ces principes, le 8ème sur 8, est précisément consacré à cette notion:

Manifeste Anaxago

 

A lundi chers étudiants et participants à ce cours!

Bruno DONDERO

 

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Cours de droit des sociétés: clauses n° 2 et 3 (PSG et Google France: apports, capital social)

En prévision du cours de lundi 24 septembre, vous consulterez les clauses reproduites ci-dessous: articles 6, 7, 8 et 9 des statuts de la société Google France, qui est une SARL au capital social de 7.500 euros, et au chiffre d’affaires de… 325 millions d’euros en 2017.

Art. 6 Google

 

Art. 7 à 9 Google

Vous consulterez également les statuts d’une autre société, de forme différente celle-là, puisqu’il s’agit de la société anonyme sportive professionnelle Paris Saint-Germain Football. Elle réalise en 2017 un chiffre d’affaires de 458 millions d’euros, mais son capital social est loin d’être symbolique, puisqu’il est de 340 millions d’euros.

Art. 6 PSG

Art. 7 à 9 PSG

On en parle lundi en amphi… et sur Facebook!

Bruno DONDERO

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Responsabilité des dirigeants et loi PACTE: rejet de l’amendement « Crédit martiniquais »… pour le moment

Au cours des travaux relatifs au projet de loi PACTE, il avait été suggéré de consacrer dans la loi une règle qui a été créée par la jurisprudence, et qui est relative à la responsabilité des dirigeants de société qui participent à un organe collégial, comme un conseil d’administration ou un directoire (ce sont les seuls visés par la Cour de cassation dans l’arrêt Crédit martiniquais). Cette consécration d’une solution jurisprudentielle n’a pour le moment pas été faite par le Parlement, puisque l’amendement qui y procédait a été rejeté en commission.

 

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« Bonjour, c’est la Cour de cassation, je suis venue en vélo! »

La solution de l’arrêt Crédit martiniquais.

Cet arrêt a été rendu par la Chambre commerciale le 30 mars 2010, et il a été publié aux deux Bulletins de la Cour, mis en ligne sur son site internet et mentionné dans son Rapport annuel, ce qui constitue la diffusion maximum.

L’arrêt formule la solution suivante (je souligne):

Mais attendu, en premier lieu, que commet une faute individuelle chacun des membres du conseil d’administration ou du directoire d’une société anonyme qui, par son action ou son abstention, participe à la prise d’une décision fautive de cet organe, sauf à démontrer qu’il s’est comporté en administrateur prudent et diligent, notamment en s’opposant à cette décision ; que l’arrêt relève que le conseil d’administration du Crédit martiniquais a arrêté les comptes infidèles de l’exercice 1996 résultant notamment de l’insuffisance de provisionnement de 800.000.000 francs (121.959.213,79 euros), masquant ainsi l’apparition en comptabilité des difficultés de l’établissement ; que, de ces seuls motifs, sans avoir à procéder à une recherche inopérante, dès lors qu’aucun de ceux qui étaient administrateurs à cette date n’a établi ni même allégué s’être opposé personnellement à cet arrêté des comptes, la cour d’appel a pu déduire la volonté de dissimulation de chacun des membres du conseil d’administration et a exactement retenu que le point de départ de la prescription triennale de l’action en responsabilité à leur encontre devait être fixé à la date de la révélation du fait dommageable ;

La solution peut sembler sévère: si vous êtes administrateur et que le conseil d’administration prend une décision fautive, vous êtes présumé avoir commis individuellement une faute, sauf à pouvoir montrer que vous avez eu un comportement d’administrateur prudent et diligent, notamment en vous opposant à la décision.

Mais cela me semble une solution juste, en termes de charge de la preuve.

Si vous êtes la victime d’une décision fautive d’un conseil d’administration: vous devez démontrer que le conseil en question a (1) adopté une décision et (2) que cette décision est constitutive d’une faute et (3) que cette faute est séparable des fonctions des administrateurs (à défaut de quoi vous ne pouvez rechercher que la responsabilité de la société elle-même, pas des administrateurs individuellement). Si vous ne bénéficiez pas de la solution Crédit martiniquais, il vous faut ensuite établir que (4) l’administrateur x était présent lors de la prise de la décision et que (5) l’administrateur x a contribué par son vote à la prise de la décision. Cela suppose d’accéder aux procès-verbaux du conseil d’administration qui ne sont pas publics et ne sont même pas accessibles aux actionnaires de manière automatique. Il n’est d’ailleurs pas sûr que les PV indiquent qui a voté pour et qui a voté contre la décision fautive.

Si vous êtes administrateur, la solution Crédit martiniquais vous oblige à conserver la preuve de votre opposition à la décision fautive du conseil, ce qui n’est pas une mauvaise chose. Face à la victime qui a déjà prouvé que le conseil d’administration avait commis une faute en prenant une décision, vous ne pouvez plus vous abriter derrière la « preuve diabolique » imposée à la victime, consistant à établir que vous avez voté ce jour-là pour la décision fautive.

 

L’amendement n° 1259.

Un amendement avait été déposé, qui tendait à modifier le Code de commerce pour y intégrer la solution de l’arrêt Crédit martiniquais.

L’article L. 225‑251 du Code de commerce est complété par un nouvel alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’action ou l’abstention d’un ou plusieurs administrateurs a entraîné l’adoption d’une décision reconnue fautive du conseil d’administration, la faute individuelle est présumée. Les administrateurs dont la responsabilité est mise en cause peuvent apporter, par tout moyen et en respectant, le cas échéant, l’obligation de discrétion prévue à l’alinéa 5 de l’article L. 225‑37 du Code de commerce, la preuve de leur prudence et de leur diligence lors de la prise de décision. »

 

Le rejet de l’amendement.

Pendant la discussion en commission, l’amendement n° 1259 a été rejeté, après une brève discussion, et trois arguments lui sont opposés:

 

La commission examine ensuite l’amendement CS1259 de Mme Isabelle Florennes.

Mme Isabelle Florennes. Cet amendement porte sur la responsabilité civile des membres du conseil d’administration et du directoire d’une société anonyme. La jurisprudence de la Cour de cassation, plus précisément l’arrêt de 2010 dit du Crédit martiniquais, établissait une véritable présomption de responsabilité pour les administrateurs ou membres du directoire quand leur action ou leur abstention a concouru à l’adoption d’une décision fautive. Cet amendement vise à compléter le mandat d’administrateur en lui adossant une responsabilité nouvelle : ce dernier est tenu de créer les conditions d’une prise de décision éclairée en faisant preuve de prudence et de diligence.

M. Roland Lescure, rapporteur général. Nous comprenons vos intentions, Madame Florennes, mais nous nous devons de souligner les problèmes juridiques que soulève votre amendement.

Tout d’abord, il crée une présomption de faute qui empiète manifestement sur le pouvoir d’appréciation et de décision du juge en cas de contentieux.

Ensuite, il renverse la charge de la preuve, puisque le présumé fautif devrait démontrer qu’il ne l’est pas alors que c’est au requérant qui intente l’action qu’il revient de démontrer qu’il l’est. En matière de responsabilité, une telle présomption est rarement prévue par la loi et elle n’est pas suffisamment motivée dans cet amendement pour justifier une telle extension. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Même avis que le rapporteur général.

Je vous invite, Madame Florennes, à vous rapprocher du ministère de la justice qui mène une réforme de la responsabilité civile.

Mme Isabelle Florennes. Nous allons prendre en compte vos objections et retravailler notre amendement.

L’amendement est retiré.

 

1er argument. L’amendement créerait une présomption de faute, empiétant sur le pouvoir du juge, mais ce n’est pas le cas. L’amendement ne porte que sur la preuve de l’implication de l’administrateur dans une décision dont le juge aura préalablement apprécié le caractère fautif.

2ème argument. L’amendement inverserait la charge de la preuve, ce qui n’est pas faux, mais l’argument passe encore sous silence le fait que la victime a déjà rapporté par hypothèse la preuve que le conseil d’administration a pris une décision fautive. La présomption créée par l’amendement ne porte que sur la participation d’un administrateur à la décision en question, pas sur la preuve de la faute.

3ème argument. Une réforme de la responsabilité civile se prépare, qui serait mieux à même d’accueillir cette évolution de la responsabilité des dirigeants. L’argument peut s’entendre, car la situation des conseils d’administration n’est pas la seule dans laquelle une telle présomption pourrait être mise en place. Mais la loi PACTE pouvait aussi accueillir cette première évolution du droit de la preuve.

Je me permettrais d’ajouter trois observations, sous forme de contre-arguments:

1er contre-argument. Il n’est pas question de créer une présomption de faute, mais une présomption de participation à une décision du conseil d’administration qui a été par ailleurs reconnue comme constitutive d’une faute.

2ème contre-argument. L’administrateur est le mieux à même de se ménager la preuve de sa non-participation à la décision du conseil d’administration ou de son opposition à celle-ci. Il n’est donc pas absurde de lui laisser la charge de cette preuve, plutôt que d’imposer à la victime cette deuxième étape de la preuve, après celle de la faute du conseil d’administration dans son ensemble.

3ème contre-argument. On n’alourdit pas la responsabilité des dirigeants de nos entreprises en consacrant dans la loi une solution qui existe déjà en droit positif. On améliore au contraire la lisibilité de notre droit et donc la sécurité juridique en « montant » dans la loi les solutions élaborées par la jurisprudence.

Affaire à suivre lors de la discussion du projet de loi devant l’Assemblée en séance publique, à partir du 25 septembre.

Bruno DONDERO

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Cours de droit des sociétés: clause n° 1 (statuts de coopérative agricole)

Demain mardi 18 septembre 2018, nous utiliserons en support du cours la clause suivante: l’article 1er du modèle de statuts des sociétés coopératives agricoles ayant pour objet la production, la collecte et la vente de produits agricoles et forestiers, proposé par la Fédération Coop de France: http://www.juricoop.coop/Juricoop_statuts_options-CA-modeles.aspx.

Cette clause nous permettra de comprendre l’articulation des dispositions générales du Code civil et des dispositions spéciales, et nous nous demanderons si les coopératives agricoles sont des sociétés civiles ou non.

 

Clause 1 statuts coopérative

Bruno DONDERO

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Le cours de droit des sociétés ouvert à TOUS commence la semaine prochaine!

Cette année, le cours de droit des sociétés va connaître une évolution (le programme et les dates de cours sont indiqués à la fin de ce post).

Nous allons, tout au long du cours, fonder notre étude sur des clauses issues des statuts de sociétés existantes et des principaux actes sociaux (procès-verbaux d’assemblées d’actionnaires et de conseils d’administration, conventions de cession de parts ou d’actions, garanties de passif, etc.).

En faisant ce choix, je voudrais mettre l’accent sur le droit tel qu’il est réellement pratiqué dans le monde économique, dans la vie des affaires que connaissent les chefs d’entreprise et les praticiens du droit. L’étudiant d’aujourd’hui se préparera ainsi beaucoup mieux à ses premiers stages et à ses premières expériences professionnelles.

Mon idée n’est pas de professionnaliser à tout prix l’enseignement juridique, car je crois qu’il ne faut pas adopter trop tôt la vision particulière de telle ou telle profession et se spécialiser prématurément. Mon idée est plutôt de regarder le droit sous un angle différent, le plus réaliste possible. Si nous prenons les actes juridiques qui sont réellement utilisés dans la vie des sociétés, nous sommes sûrs d’étudier ce qui a vraiment une importance pratique.

Cette approche particulière ne nous empêchera pas, bien entendu, de nous intéresser au cadre fondamental de la loi (Code civil et Code de commerce, sans oublier le droit européen) et aux importantes précisions qui sont données par la jurisprudence. Seront ainsi étudiées tant les bases du droit des sociétés que les différentes formes de sociétés.

Nous verrons aussi ce qui se fait dans d’autres pays, en étudiant quelques clauses de statuts de sociétés étrangères.

Le cours demeure ouvert à tous avec les modalités suivantes :
– le programme sera annoncé avant chaque cours par un tweet sur le compte @BrDondero ;
– il pourra être suivi physiquement en amphithéâtre par les étudiants inscrits en L3 cette année à l’Université Paris 1 le lundi à 9h30 et le mardi à 11h30 ;
– il sera diffusé en direct et accessible à tous à ces mêmes horaires sur la page Facebook dédiée de l’Université ;
– il pourra être consulté librement sur la page Facebook et sur la chaîne YouTube consacrée au cours ;
– les clauses que nous commenterons seront diffusées sur l’Espace pédagogique interactif de l’Université et sur ce blog.

 

Droit des sociétés 1

Programme: droit général des sociétés

  • éléments constitutifs de la société
  • le contrat de société
  • la personnalité morale
  • les associés
  • les dirigeants
  • les principales opérations des sociétés

Début du cours: lundi 17/09 (cours le lundi de 9h30 à 11h et le mardi de 11h30 à 13h).

 

Droit des sociétés 2

Programme: droit spécial des sociétés

  • les sociétés par actions: SA, SAS, société en commandite par actions, société européenne
  • la SARL
  • les sociétés civiles
  • les autres groupements
  • les groupes de sociétés

Début du cours: lundi 21/01/2019

Bruno DONDERO

 

 

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