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Apprendre le droit… en jouant ? Les jeux de rôle juridiques

Et si on apprenait le droit en jouant?

Je reviens sur cette question à la suite de la lecture de l’article de mon collègue Hervé Croze paru à la Semaine juridique il y a quelques semaines et consacré à la modélisation de la procédure civile sous forme de jeu de cartes.

Je crois personnellement beaucoup à deux choses:

  • On apprend mieux en étant mis en situation. Si l’on doit lire un livre de procédure civile, on va avoir du mal à trouver un intérêt à la description d’une matière juridique. Si on doit le lire parce que l’examen approche, l’intérêt est déjà renforcé, puisque les connaissances vont avoir une utilisation concrète. Mais si on a un procès qui commence le mois prochain, alors la lecture devient très différente, et l’on va certainement maîtriser et mémoriser beaucoup mieux les connaissances que si on apprenait « dans le vide ».
  • On apprend mieux en s’amusant. Il n’est pas seulement question de rire avec de délicieuses ou affligeantes blagues de juristes, il est question de ne pas s’ennuyer tout en apprenant. Donc si l’on peut trouver des moyens d’enseigner tout en distrayant, pourquoi ne pas s’y essayer?

C’était l’objet de plusieurs articles écrits sur ce blog il y a maintenant quelques années:

 

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Fabliau (source: La Fontaine ?)

 

 

 

Paul Patine

Tentative juridico-littéraire (source: ce blog, 2014)

 

Une idée qui me vient serait celle d’utiliser une forme de jeu qui a consommé pas mal de mes nuits et de mes week-ends quand j’étais étudiant, et qui est le jeu de rôle. Je me rappelle avoir discuté avec un autre joueur il y a une vingtaine d’années, qui me faisait remarquer que seule une minorité d’étudiants, ceux qui pratiquaient Donjons & Dragons (D&D), s’étaient réellement interrogés sur comment un coup d’Etat devait être mis en œuvre pour réussir. C’était là le thème de la campagne de D&D que nous menions à l’époque, et pendant plusieurs mois, nous avions beaucoup travaillé sur des questions telles que « combien de membres du Conseil des Sages devrons-nous faire remplacer par des doppelgangers (des doubles maléfiques) pour que le gouvernement que nous allions mettre en place après avoir assassiné le roi ne soit pas gêné dans son action ? ».

Le jeu de rôle peut se définir comme un jeu de société coopératif. Il voit un « Maître du jeu » animer une ou plusieurs séances en racontant une histoire, dans laquelle prennent place des personnages incarnés par les différents joueurs présents autour de la table, qui vont vivre l’histoire et interagir avec le récit du Maître du jeu, les événements qu’il leur décrit et les personnages qu’il fait vivre. Des règles permettent de simuler les actions que peuvent décider d’intenter les personnages des joueurs: se battre, lancer un sort, exercer une compétence, etc. On utilise des dés pour connaître l’issue de l’action: par exemple, si mon personnage a 76% de compétence en Identification des plantes, on lance deux dés à 10 faces, et le résultat compris entre 01 et 76 implique un succès dans l’identification, le résultat compris entre 77 et 00 est un échec.

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Une partie de jeu de rôle (source FFJdR)

Ce serait une idée à explorer de tenter de créer des jeux de rôles juridiques.

Les personnages incarneraient des avocats ou les parties à une procédure, et le Maître du jeu déroulerait pour eux l’histoire. On pourrait imaginer, par exemple, une class action que les joueurs devraient mener du début à la fin, des premières constatations du dommage causé au déroulement du procès dans ses différentes phases et avec les différents recours.

Les jeux pourraient être consacrés à des matières données: « Actions & Exceptions » porterait sur la procédure civile, tandis que L’appel d’Hauriou serait une initiation au droit administratif (petit clin d’œil à des classiques du jeu de rôle).

Ces jeux pourraient bien sûr se décliner en version électronique. On se rapprocherait alors des serious games.

Bruno DONDERO

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Le jeu Ingress: jusqu’où le virtuel peut-il envahir le réel ?

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Le logo du jeu Ingress

Les principes sur lesquels repose le jeu Ingress, créé par la société Niantic Labs, filiale de Google, sont assez simples.

En synthèse, ce jeu se joue avec un smartphone, mais à la différence des Tetris et autres Candy Crush, on ne se contente pas de regarder l’écran, car il faut bouger dans le monde réel.

Le jeu fait s’affronter deux camps, les bleus et les verts, pour prendre le contrôle de « portails », qui sont des éléments de la réalité (et qui vont des statues de nos parcs à des plaques commémoratives en passant par des boulangeries !). Il faut être physiquement proche du portail, et armé de son smartphone pour effectuer, grâce au clavier, les actions nécessaires pour conquérir le portail. J’avoue pour ma part ne pas encore avoir remarqué des personnes en cercle autour des statues des Tuileries ou du Luxembourg, concentrées sur leurs smartphones tout en regardant nerveusement autour d’elles pour savoir si l’autre est un ami ou un ennemi, s’il est en train de détruire le portail ou de le consolider.

Le nombre de joueurs d’Ingress est élevé, puisque selon les sources, déjà un peu anciennes, c’est de 5 ou 7 millions de personnes inscrites à Ingress dans le monde dont il est question.

Cela signifie qu’une fraction non négligeable des personnes que nous côtoyons sont préoccupées par le combat qu’elles doivent mener contre les bleus ou les verts, ce qui suscite des questions intéressantes du point de vue social, économique et environnemental.

Quelle est l’empreinte carbone de ce jeu, si les joueurs se déplacent dans le monde réel juste pour aller réaliser un objectif qui leur a été donné dans le jeu?

Ne risque-t-on pas de multiplier les accidents de la circulation et les bousculades si les uns et les autres n’ont plus pour objectif que de se rapprocher d’un portail pour ne plus en bouger? Ne verra-t-on pas des attroupements gênant la circulation lorsqu’il sera donné la consigne d’aller consolider ou détruire tel ou tel portail situé dans une zone de circulation intense ? D’un point de vue juridique, on peut se poser des questions intéressantes, comme celle de savoir qui est le gardien (et donc le responsable) du vélo qui me bouscule parce que son conducteur a pour mission d’aller détruire le portail au coin de la rue.

Enfin, économiquement, des entreprises commencent à se prendre au jeu et à nouer des partenariats avec Niantic Labs, et l’on peut se demander dans quelle mesure cela peut affecter leur activité. Une entreprise choisira-t-elle un camp, au risque de perdre ses clients « bleus » parce qu’elle s’est alliée aux « verts » ? Demandera-t-elle à ses salariés d’aller détruire des portails sur leur temps de travail ?

Dernière question: que se passerait-il si nous pratiquions tous ce jeu ?

Autant de questions passionnantes et troublantes que suscitent une fois encore les nouvelles technologies, même si le concept du jeu à grande échelle se déroulant dans le monde réel existait bien avant les smartphones (le jeu Killer, notamment).

Bruno DONDERO

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