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Droit d’information des salariés en cas de cession d’entreprise et loi Macron: nouveau mic-mac en perspective ?

Permettre aux salariés de reprendre leur entreprise est une excellente chose. La loi relative à l’économie sociale et solidaire (L. n° 2014-856 du 31 juillet 2014) a voulu favoriser cette reprise. Il est toutefois dommage que pour ce faire, le législateur ait mis en place un dispositif à la fois complexe et imprécis, et assorti d’une sanction de nullité des cessions réalisées, de nature à nourrir les angoisses des parties à une cession d’entreprise et de leurs conseils.

Bien que fondé sur une bonne idée, ce dispositif a très certainement plus fait pour entraver les cessions pour lesquelles un repreneur avait été trouvé qu’il n’a empêché d’entreprises de fermer.

L’article 204 de la loi Macron, dont la promulgation est attendue, après son passage devant le Conseil constitutionnel, vient remplacer la nullité par une sanction différente, d’amende civile égale à 2% du prix de la vente, lorsque cette vente a été faite sans respecter le droit d’information des salariés. C’en est donc fini du risque d’annulation des cessions, à cet égard.

Mais la situation n’est pas si simple que cela…


I – Une redoutable question a été évitée…

Nous avions évoqué sur ce blog la saisine du Conseil constitutionnel par une QPC. Répondant à celle-ci, le Conseil constitutionnel a estimé que la sanction de nullité était inconstitutionnelle (décision n° 2015-476 QPC). Il a ainsi anticipé l’application de la loi Macron quant à la suppression de la possibilité d’annuler une cession pour non-respect du droit d’information des salariés.

Le Conseil constitutionnel avait été saisi d’une demande portant sur l’intégralité du dispositif, reprochant notamment à celui-ci une atteinte excessive au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre. Il aurait donc été concevable que le droit d’information des salariés soit supprimé en son entier.

Si cela avait été le cas, la situation aurait été particulièrement délicate, puisque la loi Macron serait venue apporter des modifications à des textes entre-temps supprimés. Quelle valeur aurait eu cette construction faite sur un fondement inexistant ? La loi Macron aurait-elle été dépourvue de valeur normative en ce qu’ayant été établie sur du vide ? Ou bien les dispositions modificatives auraient-elles rendu sa force au texte abrogé ? Cette seconde solution aurait eu pour elle un argument tenant au contenu de la loi Macron, qui procède à la suppression de la sanction de nullité, honnie par le Conseil constitutionnel. Mais peut-on pour autant considérer que la loi qui modifie un texte supprimé rend à celui-ci la vie juridique qui lui manque ?

II – … Mais évitée seulement partiellement.

Cette redoutable question n’a été en réalité que partiellement évitée.

La décision n° 2015-476 QPC dispose en effet que « les quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 23-10-1 et les troisième et quatrième alinéas de l’article L. 23-10-7 du Code de commerce issus de l’article 20 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire sont contraires à la Constitution ». Or, lorsque la loi Macron vient substituer à la nullité la sanction de l’amende civile, elle le fait en remplaçant par un nouvel alinéa les deux derniers alinéas de l’article L. 23-10-1 du Code de commerce, d’une part, et les troisième et avant-dernier alinéas de l’article L. 23-10-7, d’autre part, qui sont précisément les alinéas déclarés contraires à la Constitution.

La déclaration d’inconstitutionnalité emportant abrogation des dispositions visées à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par sa décision, aux termes de l’article 62 de la Constitution, la loi Macron a dans une certaine mesure modifié des textes qui avaient entre-temps été supprimés.

La question se pose donc de savoir si la loi ESS est encore pourvue d’une sanction. Si la sanction d’amende civile édictée par la loi Macron n’a pu être valablement adoptée, cela signifie que ce n’est plus la sanction de la nullité initialement prévue, ni la nouvelle sanction, qui sont applicables. Que reste-t-il ? On n’ose suggérer l’application d’une sanction de nullité, à des conditions différentes de celles initialement prévues par la loi ESS. C’est donc vers une action en responsabilité civile soumise aux conditions de droit commun que l’on se tournera et vers elle seule… si la sanction de l’amende civile est effectivement écartée.

En conclusion, la grande saga du droit d’information des salariés continue, pour le plaisir de… mais de qui au fait ?

 Bruno DONDERO

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Loi Macron: feu vert au crédit inter-entreprises, oui, mais en respectant pas moins de 13 conditions!

La loi Macron, dont on attend la promulgation après son passage devant le Conseil constitutionnel, aborde tellement de sujets différents et passionnants que l’on pourrait passer à côté de certaines des mesures du nouveau texte, qui ne sont pas celles dont on a le plus parlé.

Nous avions évoqué dans les colonnes de ce blog la question du crédit inter-entreprises, sujet abordé par le projet de loi.

Pour rappeler le sujet en quelques mots, le prêt d’argent fait à titre onéreux et habituel (c’es-à-dire à plus d’une seule personne) ne peut en principe être fait que par un établissement de crédit ou une société de financement, et ce sous peine de sanctions lourdes (3 ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende, en premier lieu).

La loi Macron a vu monter à son bord, au cours des travaux parlementaires et contre l’avis du Gouvernement, un amendement proposant d’autoriser le crédit entre les entreprises, ce qui aurait permis à une entreprise de mettre son excédent de trésorerie à la disposition d’une autre, sans courir le risque de violer le monopole bancaire. L’amendement était rédigé de manière assez peu rigoureuse, mais il allait dans le sens de l’ouverture d’une brèche assez large dans le monopole bancaire.

Le texte voté au final est moins généreux à cet égard, puisque le crédit inter-entreprises se trouve soumis au respect de pas moins de 13 conditions différentes, en attendant d’ailleurs de connaître le décret qui encadrera cette forme de crédit et édictera peut-être encore des conditions supplémentaires.

Concrètement, l’article L. 511-6 du Code monétaire et financier, texte qui édictait déjà plusieurs exceptions au monopole bancaire, se voit ajouter un nouveau paragraphe, qui énonce différentes conditions, résumées ci-après:

Conditions relatives à la société prêteuse : il doit s’agir 1) d’une société par actions (société anonyme, en commandite par actions, par actions simplifiée, société européenne) ou d’une SARL 2) dont les comptes font l’objet d’une certification par un commissaire aux comptes.

Conditions relatives au prêt : le prêt doit être consenti 3) à titre accessoire à l’activité principale de la société prêteuse, 4) être à moins de deux ans, et 5) l’octroi de ce prêt ne peut avoir pour effet d’imposer à un partenaire commercial des délais de paiement ne respectant pas les plafonds légaux définis aux articles L. 441-6 et L. 443-1 du Code de commerce. Le prêt doit en outre être 6) formalisé dans un contrat et 7) soumis à la procédure des conventions réglementées (les textes visés sont uniquement ceux des SARL et une partie de ceux applicables aux sociétés anonymes, mais pas ceux applicables aux SAS, ce qui résulte dans doute d’une erreur du rédacteur du texte).

Conditions relatives à l’emprunteur : l’emprunteur doit 8) relever de la catégorie des micro-entreprises, des PME ou des entreprises de taille intermédiaire et 9) il doit entretenir avec la société prêteuse des liens économiques justifiant le prêt.

Conditions supplémentaires : 10) un décret en Conseil d’État à intervenir fixera les conditions et les limites dans lesquelles les sociétés par actions et SARL pourront octroyer des prêts. 11) Le montant des prêts consentis sera communiqué dans le rapport de gestion (au moins de la société prêteuse, faut-il penser) et 12) fera l’objet d’une attestation du commissaire aux comptes selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État. Il est encore prévu que 13) nonobstant toute disposition ou stipulation contraire, les créances détenues par le prêteur ne pourront, à peine de nullité, être acquises par un organisme de titrisation, un fonds professionnel spécialisé ou faire l’objet de contrats constituant des instruments financiers à terme ou transférant des risques d’assurance à ces mêmes organismes ou fonds.

Bruno DONDERO

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QPC sur la loi Hamon: inconstitutionnalité de la nullité (C. const., décision n° 2015-476 QPC du 17 juil. 2015)

Le Conseil constitutionnel avait été saisi d’une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) visant la loi Hamon du 31 juillet 2014, en sa partie instituant une obligation d’informer les salariés d’une société entrant dans les seuils définis par la loi (les PME, en substance). Nous avons déjà parlé de cette loi, et de ce recours.

Cette obligation d’information a suscité de nombreuses discussions, notamment parce que son champ d’application n’était pas défini avec une grande précision (la cession d’entreprise visée est-elle aussi l’apport ou la donation ?), et aussi parce que la sanction prévue était celle de la nullité de la cession. En clair, qui oubliait d’informer l’un de ses 200 salariés s’exposait à un risque d’annulation de la cession de l’entreprise, avec obligation pour le vendeur de reprendre les parts ou les actions cédées, et de restituer le prix.

La loi Hamon avait fait l’objet d’une QPC, tandis que le décret d’application était visé par un recours pour excès de pouvoir, pendant devant le Conseil d’Etat.

Précisons qu’entre-temps, la loi Macron a été votée, et qu’elle retouche la loi Hamon, en précisant le champ d’application (les seules « ventes ») et en remplaçant la sanction de la nullité par une amende civile de 2% du prix de cession. La loi Macron fait l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel, mais qui ne porte pas semble-t-il sur cette partie de la loi.

Le Conseil constitutionnel vient donc de répondre à la QPC, et il déclare partiellement inconstitutionnel le dispositif Hamon, en son état antérieur à la loi Macron.

I – Inconstitutionnalité.

Sont contraires à la Constitution les textes édictant une sanction de nullité en cas de non-respect du dispositif d’information obligatoire des salariés.

Le Conseil constitutionnel relève notamment que l’action en annulation peut être exercée par un seul salarié, même s’il a été informé du projet de cession et que la loi ne détermine pas les critères en vertu desquels le juge peut prononcer cette annulation. Il en est déduit que, au regard de l’objet de l’obligation dont la méconnaissance est sanctionnée (qui est de garantir au salariés le droit de présenter une offre de reprise sans que celle-ci s’impose au cédant) et des conséquences d’une nullité de la cession, l’action en nullité porte une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d’entreprendre.

Sont en conséquence supprimés les deux alinéas de l’article L. 23-10-1 du Code de commerce et les deux alinéas de l’article L. 23-10-7 édictant la sanction de nullité, étant précisé que la décision du Conseil prend effet à compter de la publication de sa décision, et qu’elle est précisée être applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.

Nous n’avons pas connaissance de décisions rendues en ce domaine à ce jour. Mais si un juge était saisi d’une action en annulation pour non-respect de l’obligation d’information des salariés, il ne peut plus prononcer cette sanction aujourd’hui.

II – Constitutionnalité.

Sont en revanche conformes à la Constitution l’obligation d’information elle-même et les mesures d’application de la loi dans le temps qui avaient été prévues. S’agissant de dispositif d’information lui-même, il est jugé qu’il poursuit un objectif d’intérêt général, qu’il fait l’objet d’un encadrement particulier (obligation de discrétion pesant sur les salariés notamment) et que l’obligation d’information n’interdit pas au propriétaire de céder librement sa participation dans la société à l’acquéreur de son choix et aux conditions qu’il estime les plus conformes à ses intérêts.

L’article 98 de la loi Hamon, qui avait prévu que le dispositif ne s’applique qu’aux cessions intervenues trois mois au moins après la publication de la loi, est par ailleurs jugé conforme à la Constitution en ce qu’il ne porte pas atteinte au droit au maintien des contrats.

 Bruno DONDERO

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QPC sur la loi Hamon (information des salariés en cas de transmission d’entreprise): réponse du Conseil d’Etat le 22 mai

Nous avions évoqué sur ce blog le double recours mis en œuvre par un avocat, Me Yves Sexer, à l’encontre du dispositif de la loi Hamon imposant d’informer les salariés préalablement à la cession d’une PME (post consultable ici). Pour mémoire, l’avocat avait saisi au nom d’un de ses clients le Conseil d’Etat d’un recours pour excès de pouvoir visant le décret d’application. Il avait ensuite soulevé une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) devant ce même Conseil d’Etat. Ce vendredi 22 mai sera rendue la décision du Conseil d’Etat, qui décidera donc ou non de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel. La transmission suppose que la question soit vue par le Conseil d’Etat comme nouvelle ou présentant un caractère sérieux. Si la QPC était transmise au Conseil constitutionnel, la saisine de cette institution pourrait déboucher sur l’abrogation de la partie de la loi Hamon instituant le droit d’information des salariés. Le Conseil constitutionnel aura trois mois pour statuer à compter de sa saisine. Le droit d’information des salariés passera-t-il l’été? Pour mémoire encore, la loi Macron, telle que modifiée par le Sénat, a apporté des modifications importantes au dispositif Hamon, par un long article 55 bis A. La volonté des sénateurs a été de limiter le dispositif au cas où l’entreprise va disparaître. En clair, si le chef d’entreprise se prépare à arrêter l’activité, il doit informer les salariés de ce qu’ils peuvent faire une offre de reprise. Mais si un repreneur a été trouvé, l’entreprise peut changer de mains sans qu’il faille informer individuellement les salariés. Techniquement, la réforme est très approximative, car c’est seulement le chapitre du Code de commerce sur la vente du fonds de commerce qui a été modifié, et l’on ne vise plus la vente du fonds, des parts ou des actions, mais simplement la « reprise de l’entreprise ». Je sais bien qu’économiquement c’est cela qui est important, mais il faut tout de même rappeler que du point de vue juridique, l’entreprise revêt différentes formes, et qu’on ne sait finalement pas lesquelles sont concernées par le texte en sa nouvelle rédaction. Dans les cas de non-application du droit d’information, il est d’ailleurs indiqué que le dispositif ne s’applique pas… aux sociétés faisant l’objet d’une procédure de conciliation, sauvegarde, etc. Bref, qui tient la plume ne distingue pas forcément entreprise et société… Lors de la séance de discussion au Sénat du 5 mai, Carole Delga, secrétaire d’Etat chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, a indiqué: « Je voudrais tout d’abord indiquer que les propositions de votre collègue députée Fanny Dombre Coste seront bien introduites sous forme d’amendement à l’Assemblée nationale. Il s’agit de remplacer la sanction de nullité relative de la vente de l’entreprise par une sanction purement financière. Nous souhaitons mettre en place des dispositifs d’information sécurisés plus simples et plus opérationnels« . On comprend donc que la saga de la loi Hamon va continuer, ce qui aura au moins l’avantage de permettre de corriger les approximations vues ci-dessus.

A SUIVRE

Bruno Dondero

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Remise du rapport Dombre-Coste: la loi Hamon sous plusieurs feux!

Ce matin a été rendu public le « rapport d’évaluation sur le droit d’information préalable des salariés » qui avait été demandé par le Premier Ministre à Mme Fanny Dombre-Coste, députée, le 12 janvier 2015.

Ce rapport lui demandait de « dresser un premier constat sur les conditions de mise en œuvre du droit d’information des salariés, et plus largement sur les recommandations qui peuvent être formulées pour faciliter et accompagner les transmissions et reprises d’entreprises » (12 janvier 2015).

On ne sait s’il est aisé de « dresser un constat sur des recommandations », ni s’il est simple d’auditionner les salariés ayant repris leur entreprise, sous-entendu devrait-on comprendre grâce au dispositif de la loi ESS en vigueur depuis novembre dernier. Ces salariés ne sont sans doute pas très nombreux, ce qui explique que les « entreprises appartenant aux salariés qui ont été auditionnées par la députée (les sociétés HISA et SET) ont fait l’objet d’une reprise par les salariés en 2012, donc bien avant l’entrée en vigueur du dispositif.

Une version du rapport a été mise en ligne par le Figaro : http://www.youscribe.com/catalogue/tous/actualite-et-debat-de-societe/rapport-mission-dip-2560094

Ne figurent pas dans ce rapport les contributions écrites remises par les personnes auditionnées ou contactées, contrairement à ce qui est annoncé (p. 6, mais il est possible que cela soit rectifié dans la version qui sera publiée sur le site du ministère de l’économie et des finances).

On retiendra surtout du rapport que son auteur estime dans le même temps que le droit d’information « a du sens pour les salariés et pour les entreprises » et « doit donc être préservé et conforté », et que la « traduction juridique (…) mérite d’être adaptée et améliorée » (p. 6).

Il est assez étonnant de lire que des personnes auditionnées ont mentionné « des exemples d’entreprises ayant eu recours à des avocats pour sécuriser un dispositif, dans ce cas majoritairement perçu comme un risque » (p. 11). La complexité du dispositif et les incertitudes qui l’entourent incitent me semble-t-il à faire intervenir des avocats de manière plus systématique qu’anecdotique !

En synthèse, le rapport envisage trois scénarios possibles pour faire évoluer le dispositif.

Premier scénario envisagé : supprimer la sanction de nullité de la cession d’entreprise actuellement prévue, et la remplacer par une mise en jeu de la responsabilité civile de l’auteur d’un manquement à la loi, et une amende civile (3% du prix de cession maximum).

Deuxième scénario envisagé : alléger l’obligation de notification aux salariés, en considérant que la présentation de la LRAR vaut information.

Troisième scénario envisagé : modifier le champ d’application des dispositions en limitant l’application de la loi à la vente. Ce faisant, on exclurait de l’obligation d’information les cessions à titre gratuit, mais aussi les apports et les échanges.

Voici donc plusieurs pistes de réforme du dispositif d’information des salariés, qui se trouve donc actuellement soumis à plusieurs feux, puisque:

1) Le gouvernement proposera peut-être des modifications, en suivant ou non les recommandations du rapport parlementaire;

2) Les Sénateurs qui discuteront la loi Macron remettront peut-être en cause le droit d’information des salariés tel qu’il est prévu par la loi Hamon;

3) Un recours pour excès de pouvoir a été intenté à l’encontre du décret d’application de la loi Hamon;

4) Une QPC vise la loi elle-même (sur ces deux derniers recours intentés par Maître Sexer, voir notre post).

 Bruno Dondero

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Loi Macron: feu vert aux crédit inter-entreprises!

Le projet de loi Macron touche des sujets tellement nombreux que l’on pourrait ne pas se rendre compte de l’importance considérable de certaines des mesures qui sont discutées. Lundi 9 février, a été adopté un amendement (n° 1480), malgré l’avis défavorable du ministre, qui pourrait modifier de manière substantielle l’accès au crédit de nos entreprises.

Est ouverte une brèche dans le monopole bancaire, puisque ce n’est plus auprès des seules banques que les entreprises pourraient contracter un crédit, comme c’est le cas actuellement avec un certain nombre d’exceptions il est vrai, mais plus largement auprès d’entreprises « partenaires ».

Revenons sur le monopole bancaire et ses conséquences sur le crédit inter-entreprises (I) avant d’envisager l’incidence de la mesure votée (II).

I – Le monopole bancaire et ses conséquences sur le crédit inter-entreprises.

Le Code monétaire et financier édicte ce que l’on appelle le monopole bancaire. En substance, seule une banque ou un établissement assimilé peut réaliser une opération de crédit à titre onéreux (un prêt d’argent rémunéré) de manière habituelle, l’habitude s’entendant ici d’une répétition d’actes mais aussi d’une pluralité de destinataires. Ceux qui font ce type d’opération de manière habituelle sans respecter les exigences légales, donc sans être un établissement de crédit ou sans rentrer dans l’une des exceptions, encourent des sanctions pénales (3 ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende, notamment) et civiles (des dommages-intérêts).

De nombreuses exceptions existent cependant, qui visent des situations assez différentes: un employeur peut consentir des avances sur salaires, une société mère peut prêter à sa filiale, un fournisseur peut consentir des délais de paiement, etc.

Lorsque l’on n’est pas dans une de ces situations, il est en pratique difficile qu’une entreprise prête de l’argent à une autre. Soit elle le fait à titre onéreux, et demande une contrepartie au prêt, ce qui peut constituer une violation du monopole bancaire dès lors que l’opération intervient plus d’une fois. Soit le prêt est fait à titre gratuit, mais cela peut alors constituer un cas d’abus de biens sociaux, une faute de gestion, un acte anormal de gestion, etc. La trésorerie d’une entreprise ne doit normalement pas servir à financer gratuitement une autre entreprise.

II – L’exception nouvelle au monopole bancaire.

Deux textes du Code monétaire et financier sont modifiés par l’amendement défendu en séance par M. Fromantin (rappelons que le Sénat doit encore examiner le texte). Les modifications visent à permettre à des entreprises de prêter de l’argent à des entreprises « partenaires ».

On va plus loin que ce qui existe aujourd’hui, puisque l’on permet à deux entreprises sans lien de capital (pas nécessairement une société mère et sa filiale) de conclure un contrat de prêt, et de le faire de manière répétée.

L’un des deux textes nouveaux vise des prêts à moins de deux ans, et l’autre vise des « opérations de crédit » sans précision. On comprend de l’exposé accompagnant l’amendement que l’intention des rédacteurs était de ne viser que les prêts à moins de deux ans, mais ce n’est pas ce qui a été voté.

En l’état du texte voté, on ne sait pas vraiment ce que recouvre la condition du « partenariat ». Un texte parle de liens économiques justifiant le prêt, l’autre vise un contrat de « partenariat » qui devra être conclu.

La rédaction devra être affinée, mais le plus important n’est pas là. La réforme envisagée va ouvrir une brèche importante dans le monopole bancaire. En permettant aux entreprises de se financer les unes les autres, on va faciliter l’accès au crédit des PME, mais il faudra prévoir des garde-fous pour éviter l’apparition d’un secteur bancaire parallèle non encadré.

 Bruno DONDERO

 a différence l’importance de ce

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Loi Macron: faut-il légiférer (encore) sur le secret des affaires ?

Ce monstre normatif qu’est devenu le projet de loi Macron traite aussi, depuis son passage en commission à l’Assemblée nationale, du « secret des affaires ».

La mise en place d’un nouveau dispositif sur le secret des affaires avait été demandée par les entreprises depuis longtemps, mais les textes proposés n’avaient pas abouti.

D’où la présence dans le projet de loi Macron d’un dispositif sur le secret des affaires comportant un volet civil et un volet pénal.

La volonté de légiférer sur le secret des affaires peut surprendre, car la responsabilité civile permet de sanctionner une faute ou un manquement contractuel, sans qu’un texte légal spécial soit nécessaire pour cela. Lorsque l’article 1382 du Code civil dispose que toute faute oblige son auteur à réparer le préjudice qu’elle cause, cela permet déjà à celui qui subit un préjudice du fait de la révélation d’informations qu’il gardait secrètes d’obtenir réparation.

S’agissant du volet pénal par ailleurs, le Code du travail contenait déjà un article L. 1227-1 aux termes duquel « Le fait pour un directeur ou un salarié de révéler ou de tenter de révéler un secret de fabrication est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros ».

I – Le volet civil risque de rendre plus difficile la protection du secret.

Le volet civil du projet de loi Macron nous semble plutôt, disons-le franchement, de nature à rendre plus difficile la protection du secret des affaires.

L’information protégée au titre du secret des affaires serait définie par le nouvel article L. 151-1 du Code de commerce comme celle :

« 1° Qui ne présente pas un caractère public en ce qu’elle n’est pas, en elle-même ou dans l’assemblage de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible à une personne agissant dans un secteur ou un domaine d’activité traitant habituellement de ce genre d’information ;

« 2° Qui, notamment en ce qu’elle est dénuée de caractère public, s’analyse comme un élément à part entière du potentiel scientifique et technique, des positions stratégiques, des intérêts commerciaux et financiers ou de la capacité concurrentielle de son détenteur et revêt en conséquence une valeur économique ;

« 3° Qui fait l’objet de mesures de protection raisonnables, compte tenu de sa valeur économique et des circonstances, pour en conserver le caractère non public.»

Si le Code de commerce était doté d’une telle définition, il faudrait donc que le juge saisi par une entreprise d’une demande de sanction d’une atteinte au secret vérifie que ces différentes conditions sont remplies pour pouvoir ordonner des mesures (dommages-intérêts notamment) réparant la révélation d’une information couverte par le secret des affaires.

L’atteinte au secret des affaires lui-même devrait présenter des caractéristiques particulières, selon le nouvel art. L. 151-2

« Nul ne peut obtenir une information protégée au titre du secret des affaires en violation des mesures de protection prises pour en conserver le caractère non public, ni utiliser ou communiquer l’information ainsi obtenue.

« Nul ne peut non plus utiliser ni communiquer une information protégée au titre du secret des affaires, sans le consentement de son détenteur duquel il l’a obtenue, de façon licite, directement ou indirectement.

« Toute atteinte, délibérée ou par imprudence, au secret des affaires prévue aux deux premiers alinéas du présent article engage la responsabilité civile de son auteur, à moins qu’elle n’ait été strictement nécessaire à la sauvegarde d’un intérêt supérieur, tel que l’exercice légitime de la liberté d’expression ou d’information ou la révélation d’un acte illégal ».

Ces nombreuses conditions étant remplies, le juge pourra prendre différentes mesures.

Il lui faudra notamment dire si la révélation de l’information couverte par le secret des affaires n’était pas autorisée par « l’exercice légitime de la liberté d’expression ou d’information », ce qui annonce de beaux débats…

Il nous semble également que la plupart, sinon la totalité des mesures listées par le projet de loi étaient déjà possibles, en réalité.

En réalité, précédemment, la responsabilité pour faute (principe général de l’article 1382 du Code civil) ou le manquement à une obligation de confidentialité si elle était prévue par contrat devait suffire à condamner l’auteur de la révélation d’une information confidentielle à réparer le préjudice qu’il avait causé.

Il est sans doute utile que le secret des affaires soit reconnu par la loi, mais une reconnaissance de principe aurait sans doute été plus utile. Car paradoxalement, il risque d’être maintenant plus compliqué de faire sanctionner une atteinte au secret des affaires.

II – Le volet pénal

Quant au volet pénal de la loi, il sera sans doute réécrit, car le fait de sanctionner de trois ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende le fait de « prendre connaissance » d’une information protégée au titre du secret des affaires apparaît peu praticable, même si un « sans autorisation » figure un peu plus loin au sein du texte…

On notera la volonté de ne pas sanctionner pénalement les lanceurs d’alerte en prévoyant que le délit ne s’applique pas « à celui qui informe ou signale aux autorités compétentes des faits susceptibles de constituer des infractions aux lois et règlements en vigueur dont il a eu connaissance ». Mais la menace d’une sanction pénale risque tout de même de faire peur aux lanceurs d’alerte, et donc de réduire les cas où ils révéleront des informations.

On peut surtout se demander si le texte prévoyant déjà des sanctions pénales dans le Code du travail n’était pas suffisant, et s’il faut en rajouter dans le pénal. S’agissant du secret « des affaires », des sanctions civiles, et notamment des dommages-intérêts élevés, ne devraient-elles pas suffire? La volonté de marquer l’importance du secret des affaires se traduit donc par des sanctions pénales, mais compte-t-on vraiment appliquer la nouvelle infraction un jour ?

Bruno DONDERO

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Loi Macron et droit des entreprises en difficulté

Le lundi 26 janvier 2015, lors de la première séance de l’Assemblée nationale consacrée à la loi dite « Macron », le député rapporteur en charge des aspects de droit des entreprises en difficulté, M. Alain Tourret, a tenu des propos qui expliquent bien les intentions qui sous-tendent le projet de loi. Ces propos sont intéressants à plusieurs titres, et couvrent trois thèmes.

I – Sur la politique en matière d’entreprises en difficulté :

«  (…) il fallait écouter à la fois la Chancellerie, le ministère de l’économie et tous les présidents des tribunaux de commerce. Chacun avait sa vérité mais, finalement, c’est une vérité commune que nous allons vous proposer.

(…) l’entreprise qui dépose son bilan, ce sont des salariés qui souffrent, des propriétaires qui sont perdus, des créanciers qui vont tout perdre.

Il faut alors regarder avec une attention toute spéciale les 63.000 défaillances d’entreprise que nous connaissons chaque année, les 55.524 jugements d’ouverture, dont 15.531 seront des redressements judiciaires et 35.000 des liquidations.

Ce qui me semble intéressant, c’est de voir que, plus l’entreprise est importante, soit par le nombre de salariés, soit par son capital, plus l’on s’oriente vers un redressement judiciaire et non vers une liquidation. Ainsi, sur 185 entreprises de plus de 100 salariés qui déposaient leur bilan chaque année, 46 étaient mises en liquidation et 139 pouvaient bénéficier d’un redressement judiciaire. Naturellement, plus l’entreprise est grande, plus, en raison de la pression sociale et des nécessités économiques qui se font jour, on essaie de trouver des solutions. »

Commentaire : bien entendu, la volonté de sauver les emplois conduit à privilégier des solutions de maintien de l’activité, si elles sont possibles, plutôt que des solutions liquidatives. Un phénomène insuffisamment étudié sans doute est celui de l’impact des mesures de redressement sur les partenaires de l’entreprise en difficulté. On risque parfois, à vouloir sauver l’entreprise à tout prix, de porter atteinte à ses fournisseurs, clients, etc. Si une entreprise ne paie plus ses créanciers parce qu’elle est en sauvegarde, il faut penser que les créanciers impayés sont aussi, bien souvent, des entreprises avec des salariés. Il peut y avoir un effet de domino, et sauver les emplois de l’entreprise A pourrait porter atteinte aux emplois des entreprises B, C et D. Ce point est d’autant plus à souligner que si l’on recherche plutôt une sauvegarde ou un redressement pour sauver les 200 emplois de A, il est possible que l’on se préoccupe moins du sort des entreprises B, C et D si elles n’ont que quelques salariés, et qu’elles soient ainsi plus facilement mises en liquidation.

II – Sur les tribunaux de commerce et les acteurs des procédures collectives :

« Pour trouver ces solutions, nous avons d’abord proposé qu’il y ait des tribunaux de commerce spécialisés. Je veux d’ores et déjà rendre hommage à tous les magistrats consulaires, qui remplissent leur mission de façon remarquable, et bénévole, je tiens à le souligner, dans cette société où tout s’achète. Ce sont incontestablement des gens de compétence.

 Il nous a semblé également indispensable que des spécialistes puissent s’intéresser au redressement judiciaire d’entreprises dépassant un certain niveau, tant en nombre de salariés qu’en capital. Un décret en conseil des ministres déterminera par la suite l’importance de l’entreprise, de même qu’un décret déterminera le nombre des tribunaux qui pourront remplir cette mission de tribunal de commerce spécialisé.

Cela me paraît indispensable puisque tout se spécialise, tout se complique, et que nous voulons absolument que l’entreprise puisse poursuivre son activité le plus longtemps possible, avec le plus grand nombre possible de salariés. »

Commentaire : Les juges des tribunaux de commerce apprécieront cet hommage à leur travail. S’agissant de la spécialisation, nous avons évoqué avec Maître Gabriel Sonier, dans les colonnes de la Tribune, une mesure qui nous semble moins « clivante » que le partage des tribunaux de commerce entre grands tribunaux auxquels seraient réservés les dossiers importants et petits tribunaux ne gardant que les dossiers les plus petits ou les plus simples (reste encore à savoir où se situera la barre entre grands et petits dossiers). Nous avons proposé de créer un ou plusieurs pôles par région, regroupant les juges les plus expérimentés de tous les tribunaux de la région. http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20150122tribf4d1c9280/loi-macron-l-occasin-de-renforcer-l-efficacite-des-tribunaux-de-commerce.html

III – Sur l’entrée des créanciers au capital et sur le Conseil constitutionnel :

« Pour cela, nous avons essayé de réfléchir (…) sur la possibilité, totalement révolutionnaire, je tiens à le dire, même si elle s’inspire de la loi allemande et de la loi américaine, de prendre en compte la situation des créanciers.

La loi Badinter de 1985 avait oublié le sort des créanciers. Nous avons voulu que leurs créances puissent se transformer en capital et qu’ils aient la possibilité de jouer un rôle décisif, décisionnel, pour l’avenir de l’entreprise. Je vous donnerai de plus longues explications mais j’ai vu à quel point les uns et les autres se sont rendu compte qu’après ce qu’on a appelé l’arrêt Florange, une réflexion était indispensable pour aller plus loin et faire en sorte que le créancier puisse désormais jouer un rôle irremplaçable dans le cadre du devenir de l’entreprise alors que, jusqu’à présent, il n’avait plus que ses yeux pour pleurer.

Cette solution juridique que nous allons vous proposer est complexe, car le Conseil constitutionnel se veut le gardien précis, sourcilleux, du droit de propriété, et c’est normal. Nous avons prévu la possibilité d’indemniser le propriétaire capitalistique initial ; de lui substituer éventuellement, avec les créanciers, d’autres propriétaires qui viendront ainsi assurer le devenir de l’entreprise.

C’est quelque chose de totalement nouveau, de totalement révolutionnaire, et tout le monde, y compris le MEDEF, a souhaité que nous puissions aller plus loin dans le cadre de cette recherche. Voilà pourquoi, sur ce chapitre qui m’a été confié, j’ai le sentiment d’un devoir non pas accompli mais en perpétuel mouvement.

Monsieur le ministre, lors de nos travaux en commission, vous avez fait preuve d’une grande ouverture vis-à-vis des uns et des autres. Il faut encore aller plus loin, élargir le cadre de la loi et ne jamais le rétrécir (…) ».

Commentaire : il est un peu rapide de dire que la loi du 25 janvier 1985 avait « oublié le sort des créanciers ». Elle avait surtout pensé à l’entreprise en difficulté, mais elle avait ensuite été corrigée en 1994, par une réforme tournée quant à elle vers la protection des créanciers, particulièrement ceux qui sont titulaires de sûretés.

Le projet de loi contient un dispositif qui permet de passer outre le refus des associés ou actionnaires majoritaires de voter l’augmentation de capital à laquelle est conditionné le redressement d’une entreprise d’une certaine importance (notamment celles de 150 salariés au moins). Les créanciers pourraient entrer ainsi au capital de l’entreprise. Le projet de loi prévoit même la possibilité de contraindre ces associés ou actionnaires à céder leurs droits sociaux.

Enfin, dans le dialogue entre les institutions créatrices de droit, il est intéressant de voir un député dire que le Conseil constitutionnel est le « gardien précis, sourcilleux du droit de propriété ».

Bruno DONDERO

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