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Droit d’information des salariés en cas de cession d’entreprise et loi Macron: nouveau mic-mac en perspective ?

Permettre aux salariés de reprendre leur entreprise est une excellente chose. La loi relative à l’économie sociale et solidaire (L. n° 2014-856 du 31 juillet 2014) a voulu favoriser cette reprise. Il est toutefois dommage que pour ce faire, le législateur ait mis en place un dispositif à la fois complexe et imprécis, et assorti d’une sanction de nullité des cessions réalisées, de nature à nourrir les angoisses des parties à une cession d’entreprise et de leurs conseils.

Bien que fondé sur une bonne idée, ce dispositif a très certainement plus fait pour entraver les cessions pour lesquelles un repreneur avait été trouvé qu’il n’a empêché d’entreprises de fermer.

L’article 204 de la loi Macron, dont la promulgation est attendue, après son passage devant le Conseil constitutionnel, vient remplacer la nullité par une sanction différente, d’amende civile égale à 2% du prix de la vente, lorsque cette vente a été faite sans respecter le droit d’information des salariés. C’en est donc fini du risque d’annulation des cessions, à cet égard.

Mais la situation n’est pas si simple que cela…


I – Une redoutable question a été évitée…

Nous avions évoqué sur ce blog la saisine du Conseil constitutionnel par une QPC. Répondant à celle-ci, le Conseil constitutionnel a estimé que la sanction de nullité était inconstitutionnelle (décision n° 2015-476 QPC). Il a ainsi anticipé l’application de la loi Macron quant à la suppression de la possibilité d’annuler une cession pour non-respect du droit d’information des salariés.

Le Conseil constitutionnel avait été saisi d’une demande portant sur l’intégralité du dispositif, reprochant notamment à celui-ci une atteinte excessive au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre. Il aurait donc été concevable que le droit d’information des salariés soit supprimé en son entier.

Si cela avait été le cas, la situation aurait été particulièrement délicate, puisque la loi Macron serait venue apporter des modifications à des textes entre-temps supprimés. Quelle valeur aurait eu cette construction faite sur un fondement inexistant ? La loi Macron aurait-elle été dépourvue de valeur normative en ce qu’ayant été établie sur du vide ? Ou bien les dispositions modificatives auraient-elles rendu sa force au texte abrogé ? Cette seconde solution aurait eu pour elle un argument tenant au contenu de la loi Macron, qui procède à la suppression de la sanction de nullité, honnie par le Conseil constitutionnel. Mais peut-on pour autant considérer que la loi qui modifie un texte supprimé rend à celui-ci la vie juridique qui lui manque ?

II – … Mais évitée seulement partiellement.

Cette redoutable question n’a été en réalité que partiellement évitée.

La décision n° 2015-476 QPC dispose en effet que « les quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 23-10-1 et les troisième et quatrième alinéas de l’article L. 23-10-7 du Code de commerce issus de l’article 20 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire sont contraires à la Constitution ». Or, lorsque la loi Macron vient substituer à la nullité la sanction de l’amende civile, elle le fait en remplaçant par un nouvel alinéa les deux derniers alinéas de l’article L. 23-10-1 du Code de commerce, d’une part, et les troisième et avant-dernier alinéas de l’article L. 23-10-7, d’autre part, qui sont précisément les alinéas déclarés contraires à la Constitution.

La déclaration d’inconstitutionnalité emportant abrogation des dispositions visées à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par sa décision, aux termes de l’article 62 de la Constitution, la loi Macron a dans une certaine mesure modifié des textes qui avaient entre-temps été supprimés.

La question se pose donc de savoir si la loi ESS est encore pourvue d’une sanction. Si la sanction d’amende civile édictée par la loi Macron n’a pu être valablement adoptée, cela signifie que ce n’est plus la sanction de la nullité initialement prévue, ni la nouvelle sanction, qui sont applicables. Que reste-t-il ? On n’ose suggérer l’application d’une sanction de nullité, à des conditions différentes de celles initialement prévues par la loi ESS. C’est donc vers une action en responsabilité civile soumise aux conditions de droit commun que l’on se tournera et vers elle seule… si la sanction de l’amende civile est effectivement écartée.

En conclusion, la grande saga du droit d’information des salariés continue, pour le plaisir de… mais de qui au fait ?

 Bruno DONDERO

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QPC sur la loi Hamon: inconstitutionnalité de la nullité (C. const., décision n° 2015-476 QPC du 17 juil. 2015)

Le Conseil constitutionnel avait été saisi d’une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) visant la loi Hamon du 31 juillet 2014, en sa partie instituant une obligation d’informer les salariés d’une société entrant dans les seuils définis par la loi (les PME, en substance). Nous avons déjà parlé de cette loi, et de ce recours.

Cette obligation d’information a suscité de nombreuses discussions, notamment parce que son champ d’application n’était pas défini avec une grande précision (la cession d’entreprise visée est-elle aussi l’apport ou la donation ?), et aussi parce que la sanction prévue était celle de la nullité de la cession. En clair, qui oubliait d’informer l’un de ses 200 salariés s’exposait à un risque d’annulation de la cession de l’entreprise, avec obligation pour le vendeur de reprendre les parts ou les actions cédées, et de restituer le prix.

La loi Hamon avait fait l’objet d’une QPC, tandis que le décret d’application était visé par un recours pour excès de pouvoir, pendant devant le Conseil d’Etat.

Précisons qu’entre-temps, la loi Macron a été votée, et qu’elle retouche la loi Hamon, en précisant le champ d’application (les seules « ventes ») et en remplaçant la sanction de la nullité par une amende civile de 2% du prix de cession. La loi Macron fait l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel, mais qui ne porte pas semble-t-il sur cette partie de la loi.

Le Conseil constitutionnel vient donc de répondre à la QPC, et il déclare partiellement inconstitutionnel le dispositif Hamon, en son état antérieur à la loi Macron.

I – Inconstitutionnalité.

Sont contraires à la Constitution les textes édictant une sanction de nullité en cas de non-respect du dispositif d’information obligatoire des salariés.

Le Conseil constitutionnel relève notamment que l’action en annulation peut être exercée par un seul salarié, même s’il a été informé du projet de cession et que la loi ne détermine pas les critères en vertu desquels le juge peut prononcer cette annulation. Il en est déduit que, au regard de l’objet de l’obligation dont la méconnaissance est sanctionnée (qui est de garantir au salariés le droit de présenter une offre de reprise sans que celle-ci s’impose au cédant) et des conséquences d’une nullité de la cession, l’action en nullité porte une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d’entreprendre.

Sont en conséquence supprimés les deux alinéas de l’article L. 23-10-1 du Code de commerce et les deux alinéas de l’article L. 23-10-7 édictant la sanction de nullité, étant précisé que la décision du Conseil prend effet à compter de la publication de sa décision, et qu’elle est précisée être applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.

Nous n’avons pas connaissance de décisions rendues en ce domaine à ce jour. Mais si un juge était saisi d’une action en annulation pour non-respect de l’obligation d’information des salariés, il ne peut plus prononcer cette sanction aujourd’hui.

II – Constitutionnalité.

Sont en revanche conformes à la Constitution l’obligation d’information elle-même et les mesures d’application de la loi dans le temps qui avaient été prévues. S’agissant de dispositif d’information lui-même, il est jugé qu’il poursuit un objectif d’intérêt général, qu’il fait l’objet d’un encadrement particulier (obligation de discrétion pesant sur les salariés notamment) et que l’obligation d’information n’interdit pas au propriétaire de céder librement sa participation dans la société à l’acquéreur de son choix et aux conditions qu’il estime les plus conformes à ses intérêts.

L’article 98 de la loi Hamon, qui avait prévu que le dispositif ne s’applique qu’aux cessions intervenues trois mois au moins après la publication de la loi, est par ailleurs jugé conforme à la Constitution en ce qu’il ne porte pas atteinte au droit au maintien des contrats.

 Bruno DONDERO

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Le Conseil d’Etat a transmis la QPC sur la loi Hamon au Conseil constitutionnel

Ce vendredi 22 mai, le Conseil d’Etat a décidé de transmettre au Conseil constitutionnel la QPC (question prioritaire de constitutionnalité) soulevée par Maître Yves SEXER à propos du droit d’information des salariés en cas de cession d’entreprise. Ce dispositif est celui mis en place par la loi relative à l’économie sociale et solidaire, dite aussi loi Hamon (ou Hamon II, car la loi Hamon I est aussi le nom donné à la loi sur l’action de groupe). La décision est consultable ici.

Concrètement, il est possible qu’avant trois mois (délai donné au Conseil constitutionnel pour statuer une fois que la QPC lui est transmise), le Conseil constitutionnel décide d’abroger ce dispositif d’information obligatoire des salariés à peine de nullité.

Rappelons que dans le même temps:

– le Sénat a inséré dans la loi Macron des modifications réduisant beaucoup le champ d’application du dispositif;

– le Gouvernement compte soumettre des amendements lors de la deuxième lecture de la loi Macron, prenant en compte les recommandations du rapport Dombre-Coste;

– un recours pour excès de pouvoir est par ailleurs soumis au Conseil d’Etat, portant sur le décret d’application du dispositif d’information des salariés.

Ces sujets ont déjà été évoqués sur ce blog.

En conclusion, il est envisageable que le dispositif d’information actuel soit modifié dans les mois à venir, qu’il soit supprimé ou encore qu’il soit affecté par la suppression de son décret d’application. Ces hypothèses ne sont d’ailleurs pas exclusives les unes des autres. La situation sera intéressante en termes d’élaboration de la norme: les parlementaires qui voteront une modification du dispositif auront-ils la possibilité de prendre en compte la décision du Conseil constitutionnel, et comment une éventuelle abrogation du dispositif initial affectera-t-elle les dispositions modifiant celui-ci qui pourront être votées par le Parlement ?

Bruno DONDERO

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QPC sur la loi Hamon (information des salariés en cas de transmission d’entreprise): réponse du Conseil d’Etat le 22 mai

Nous avions évoqué sur ce blog le double recours mis en œuvre par un avocat, Me Yves Sexer, à l’encontre du dispositif de la loi Hamon imposant d’informer les salariés préalablement à la cession d’une PME (post consultable ici). Pour mémoire, l’avocat avait saisi au nom d’un de ses clients le Conseil d’Etat d’un recours pour excès de pouvoir visant le décret d’application. Il avait ensuite soulevé une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) devant ce même Conseil d’Etat. Ce vendredi 22 mai sera rendue la décision du Conseil d’Etat, qui décidera donc ou non de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel. La transmission suppose que la question soit vue par le Conseil d’Etat comme nouvelle ou présentant un caractère sérieux. Si la QPC était transmise au Conseil constitutionnel, la saisine de cette institution pourrait déboucher sur l’abrogation de la partie de la loi Hamon instituant le droit d’information des salariés. Le Conseil constitutionnel aura trois mois pour statuer à compter de sa saisine. Le droit d’information des salariés passera-t-il l’été? Pour mémoire encore, la loi Macron, telle que modifiée par le Sénat, a apporté des modifications importantes au dispositif Hamon, par un long article 55 bis A. La volonté des sénateurs a été de limiter le dispositif au cas où l’entreprise va disparaître. En clair, si le chef d’entreprise se prépare à arrêter l’activité, il doit informer les salariés de ce qu’ils peuvent faire une offre de reprise. Mais si un repreneur a été trouvé, l’entreprise peut changer de mains sans qu’il faille informer individuellement les salariés. Techniquement, la réforme est très approximative, car c’est seulement le chapitre du Code de commerce sur la vente du fonds de commerce qui a été modifié, et l’on ne vise plus la vente du fonds, des parts ou des actions, mais simplement la « reprise de l’entreprise ». Je sais bien qu’économiquement c’est cela qui est important, mais il faut tout de même rappeler que du point de vue juridique, l’entreprise revêt différentes formes, et qu’on ne sait finalement pas lesquelles sont concernées par le texte en sa nouvelle rédaction. Dans les cas de non-application du droit d’information, il est d’ailleurs indiqué que le dispositif ne s’applique pas… aux sociétés faisant l’objet d’une procédure de conciliation, sauvegarde, etc. Bref, qui tient la plume ne distingue pas forcément entreprise et société… Lors de la séance de discussion au Sénat du 5 mai, Carole Delga, secrétaire d’Etat chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, a indiqué: « Je voudrais tout d’abord indiquer que les propositions de votre collègue députée Fanny Dombre Coste seront bien introduites sous forme d’amendement à l’Assemblée nationale. Il s’agit de remplacer la sanction de nullité relative de la vente de l’entreprise par une sanction purement financière. Nous souhaitons mettre en place des dispositifs d’information sécurisés plus simples et plus opérationnels« . On comprend donc que la saga de la loi Hamon va continuer, ce qui aura au moins l’avantage de permettre de corriger les approximations vues ci-dessus.

A SUIVRE

Bruno Dondero

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Remise du rapport Dombre-Coste: la loi Hamon sous plusieurs feux!

Ce matin a été rendu public le « rapport d’évaluation sur le droit d’information préalable des salariés » qui avait été demandé par le Premier Ministre à Mme Fanny Dombre-Coste, députée, le 12 janvier 2015.

Ce rapport lui demandait de « dresser un premier constat sur les conditions de mise en œuvre du droit d’information des salariés, et plus largement sur les recommandations qui peuvent être formulées pour faciliter et accompagner les transmissions et reprises d’entreprises » (12 janvier 2015).

On ne sait s’il est aisé de « dresser un constat sur des recommandations », ni s’il est simple d’auditionner les salariés ayant repris leur entreprise, sous-entendu devrait-on comprendre grâce au dispositif de la loi ESS en vigueur depuis novembre dernier. Ces salariés ne sont sans doute pas très nombreux, ce qui explique que les « entreprises appartenant aux salariés qui ont été auditionnées par la députée (les sociétés HISA et SET) ont fait l’objet d’une reprise par les salariés en 2012, donc bien avant l’entrée en vigueur du dispositif.

Une version du rapport a été mise en ligne par le Figaro : http://www.youscribe.com/catalogue/tous/actualite-et-debat-de-societe/rapport-mission-dip-2560094

Ne figurent pas dans ce rapport les contributions écrites remises par les personnes auditionnées ou contactées, contrairement à ce qui est annoncé (p. 6, mais il est possible que cela soit rectifié dans la version qui sera publiée sur le site du ministère de l’économie et des finances).

On retiendra surtout du rapport que son auteur estime dans le même temps que le droit d’information « a du sens pour les salariés et pour les entreprises » et « doit donc être préservé et conforté », et que la « traduction juridique (…) mérite d’être adaptée et améliorée » (p. 6).

Il est assez étonnant de lire que des personnes auditionnées ont mentionné « des exemples d’entreprises ayant eu recours à des avocats pour sécuriser un dispositif, dans ce cas majoritairement perçu comme un risque » (p. 11). La complexité du dispositif et les incertitudes qui l’entourent incitent me semble-t-il à faire intervenir des avocats de manière plus systématique qu’anecdotique !

En synthèse, le rapport envisage trois scénarios possibles pour faire évoluer le dispositif.

Premier scénario envisagé : supprimer la sanction de nullité de la cession d’entreprise actuellement prévue, et la remplacer par une mise en jeu de la responsabilité civile de l’auteur d’un manquement à la loi, et une amende civile (3% du prix de cession maximum).

Deuxième scénario envisagé : alléger l’obligation de notification aux salariés, en considérant que la présentation de la LRAR vaut information.

Troisième scénario envisagé : modifier le champ d’application des dispositions en limitant l’application de la loi à la vente. Ce faisant, on exclurait de l’obligation d’information les cessions à titre gratuit, mais aussi les apports et les échanges.

Voici donc plusieurs pistes de réforme du dispositif d’information des salariés, qui se trouve donc actuellement soumis à plusieurs feux, puisque:

1) Le gouvernement proposera peut-être des modifications, en suivant ou non les recommandations du rapport parlementaire;

2) Les Sénateurs qui discuteront la loi Macron remettront peut-être en cause le droit d’information des salariés tel qu’il est prévu par la loi Hamon;

3) Un recours pour excès de pouvoir a été intenté à l’encontre du décret d’application de la loi Hamon;

4) Une QPC vise la loi elle-même (sur ces deux derniers recours intentés par Maître Sexer, voir notre post).

 Bruno Dondero

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Un recours pour excès de pouvoir et une QPC visent la loi Hamon et son décret (information préalable des salariés en cas de cession d’entreprise) !

C’est un double recours qui a été formé par la SARL Holding Désile, agissant par le biais de son avocat Maître Yves Sexer, contre le dispositif d’information des salariés préalablement à la cession de leur entreprise, dispositif résultant de la loi dite Hamon, du 31 juillet 2014 et de son décret d’application en date du 28 octobre 2014, dispositif dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises sur ce blog.

Le 29 décembre 2014, un recours pour excès de pouvoir a été formé devant le Conseil d’Etat, visant à obtenir l’annulation des articles D. 23-10-1 et D. 23-10-2 du Code de commerce, créés par le décret du 28 octobre, et l’article 2 du décret lui-même. Ce sont notamment les modalités d’application dans le temps du dispositif prévues par le décret qui sont contestées, ainsi que la contradiction existant entre la loi, qui prévoit que soit notifiée aux salariés l’intention du propriétaire d’une participation de la céder, et le décret qui considère que la date de la cession est celle du transfert de propriété de la participation, ce qui permet en théorie de conclure un accord définitif de cession, de procéder au paiement du prix, et de n’informer les salariés que lorsque toute l’opération est bouclée, alors que le but du dispositif légal est de leur permettre de présenter une offre de reprise.

Le 2 mars 2015, c’est une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) qui a par ailleurs été soulevée par le même requérant devant le Conseil d’Etat, et portant sur les articles 20 et 98 de la loi. Il est notamment reproché au législateur d’avoir porté une atteinte grave au droit de propriété en prévoyant une sanction d’annulation de la cession en cas de non-respect du dispositif d’information des salariés, et de ne pas avoir épuisé sa compétence en omettant de définir dans la loi le terme de cession.

S’agissant des délais dans lesquels les décisions attendues seront rendues, le seul dont on ait la certitude est celui du 2 juin 2015, date à laquelle le Conseil d’Etat devra avoir décidé s’il transmet ou non la QPC au Conseil constitutionnel.

Détails à suivre…

Bruno DONDERO

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La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation : de l’action de groupe à la sollicitation personnalisée par un avocat

La loi du 17 mars 2014, dite loi Hamon (http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=31ADF3867685E2874DF3BEB83D91F641.tpdjo08v_1?cidTexte=JORFTEXT000028738036&dateTexte=20140318est surtout connue pour l’action de groupe, qu’elle autorise (I). Elle procède par ailleurs à un accroissement de la protection des consommateurs (II), notion qu’elle définit d’ailleurs pour la première fois. D’autres dispositions seront évoquées enfin, dont celle reconnaissant aux avocats la possibilité de procéder à des « sollicitations personnalisées » (III).

 

 

 

I – L’action de groupe.

 

Cette action, qui constitue bien entendu la mesure phare de la loi, est instituée et encadrée par ses deux premiers articles.

 

 

A – Le principe.

 

Le Code de la consommation est modifié, ce qui s’explique par le fait que ce sont les associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées qui peuvent mettre en œuvre l’action de groupe.

 

Ce n’est pas le seul facteur de limitation de l’action, puisque les associations doivent :

–        agir pour obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs ;

–        ces consommateurs doivent être placés dans une situation similaire ou identique ;

–        cette situation doit avoir pour cause commune un manquement à leurs obligations légales ou contractuelles par un ou plusieurs professionnels ;

–        doit être en cause une situation visée par l’article L. 423-1 du Code de la consommation.

 

Aujourd’hui, le champ d’action de cette nouvelle institution est relativement limité, puisque l’article L. 423-1 du Code de la consommation ne vise que deux hypothèses, qui sont :

–        le cas où le préjudice a été subi à l’occasion d’une vente de biens ou d’une fourniture se services ;

–        celui où le préjudice résulte d’une pratique anticoncurrentielle au sens des articles L. 420-1 et suivants du Code de commerce ou des articles 101 et 102 du TFUE (ententes, abus de position dominante, notamment).

 

 

B – Les modalités.

 

Etape n° 1. L’association de défense des consommateurs doit saisir un juge civil (tribunal de grande instance) et lui présenter des cas individuels. Le juge statue dans la même décision sur la recevabilité de l’action de groupe et sur la responsabilité du professionnel, au vu des cas individuels. Il définit le groupe des consommateurs à l’égard desquels la responsabilité du professionnel est engagée, et il en fixe les critères de rattachement. Le juge détermine les préjudices réparables pour chaque consommateur ou catégorie de consommateurs, leur montant ou les éléments de leur évaluation, la réparation pouvant être en nature.

 

Etape n° 2. Si la responsabilité du professionnel est retenue, et lorsque la décision n’est plus susceptible de recours ordinaires ou de pourvoi en cassation, une publicité intervient, à la charge du professionnel concerné, dans le but d’informer les consommateurs susceptibles d’appartenir au groupe. Un délai compris entre deux et six mois leur est donné pour adhérer au groupe.

 

Etape n° 3. Le professionnel procède à l’indemnisation individuelle des préjudices subis par chaque consommateur, le juge ayant statué sur la responsabilité demeurant compétent pour trancher les difficultés relatives à la mise en œuvre du jugement.

 

 

Des règles spécifiques encadrent l’action de groupe intervenant dans le domaine de la concurrence et la médiation relative à la réparation du préjudice subi par le groupe, ainsi que l’incidence de l’action de groupe sur la prescription des actions individuelles. Est également instituée une procédure d’action de groupe simplifiée.

 

Un décret en Conseil d’Etat fixera les modalités selon lesquelles l’action de groupe doit être introduite, ainsi que la liste des professions judiciaires réglementées pouvant assister l’association de consommateurs.

 

Parmi les règles insérées dans le Code de la consommation, on retiendra la possibilité pour une association de consommateurs défaillante d’être remplacée par une autre, et la sanction prévue pour la clause qui aurait pour objet ou pour effet d’interdire à un consommateur de participer à une action de groupe : elle est réputée non écrite.

 

 

II – L’accroissement de la protection des consommateurs.

 

Plusieurs parties du Code de la consommation sont modifiées par la loi du 17 mars 2014. Les obligations d’information pesant sur les professionnels, le démarchage et la vente à distance, le crédit et le droit du surendettement, les moyens d’action des consommateurs et les sanctions pénales prévues par le Code de la consommation sont concernés (articles 3 et suivants de la loi).

 

Une disposition est particulièrement à signaler, puisque l’article 3 de la loi dote le Code de la consommation d’un « article préliminaire », qui définit le consommateur au sens dudit code. Il s’agit de « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ». Il est sans doute utile que le législateur définisse le consommateur, mais cette définition ne vaut pas pour toutes les dispositions du Code de la consommation, qui ne sont pas toutes applicables au seul consommateur.

 

L’accroissement de la protection des consommateurs passe incidemment par la modification d’autres codes. Est notamment retouché le Code de commerce en son livre IV relatif aux pratiques restrictives de concurrence.

 

Les amateurs de droit des sociétés remarqueront une légère retouche de l’article L. 441-6-1 du Code de commerce, relatif à l’attestation (ce terme remplace celui de rapport) du commissaire aux comptes sur les délais de paiement.

 

 

On indiquera enfin que les dispositions instituant un registre national des crédits aux particuliers (articles 67 à 72 de la loi) ont été censurées par le Conseil constitutionnel (décision n° 2014-690 DC du 13 mars 2014).

 

 

III – Dispositions diverses et sollicitation personnalisée par un avocat.

 

La loi du 17 mars 2014 comporte enfin de nombreuses dispositions réformant la réglementation des voitures de tourisme avec chauffeur et des véhicules motorisés à deux ou trois roues, le contrôle et le contentieux de la vente des livres, les jeux de hasard et les jeux en ligne, etc.

 

On notera que les avocats font l’objet d’une disposition de nature à faire évoluer les mœurs de cette profession en France, puisque l’article 13 de la loi modifie l’article 3 bis de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 en ajoutant à ce texte, qui disposait jusqu’à présent que « L’avocat peut librement se déplacer pour exercer ses fonctions », deux alinéas prévoyant que « Dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, l’avocat est autorisé à recourir à la publicité ainsi qu’à la sollicitation personnalisée » et que « Toute prestation réalisée à la suite d’une sollicitation personnalisée fait l’objet d’une convention d’honoraires ».

 On aura compris que la loi met en conformité notre droit, s’agissant de la profession d’avocat, avec la décision de la CJUE en date du 5 avril 2011 prohibant l’interdiction totale du démarchage pour une profession réglementée (http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?docid=81747&doclang=fr). Le décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat, qui interdit aujourd’hui l’offre de service personnalisée adressée à un client potentiel, est appelé à être modifié.

 

Bruno DONDERO

 

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