La profession d’avocat fait à juste titre rêver les étudiants en droit, dont beaucoup expliquent, en première année, leur souhait de devenir un grand pénaliste ou un avocat d’affaires international. A l’avocat est attachée l’image de l’éloquence, de l’art oratoire tourné vers la persuasion, et de l’argumentation. Les facultés de droit doivent ici rendre grâce à la littérature, au cinéma et aux séries, françaises (« Engrenages ») et américaines (de « La loi de Los Angeles » à « Suits »).
L’avocat, dans l’image la plus répandue, est celui qui plaide. Dans la réalité, l’activité d’avocat plaidant n’est sans doute pas la plus importante du point de vue économique, mais même l’avocat qui ne plaide jamais doit savoir convaincre son client ou les partenaires économiques de la justesse de son analyse. C’est également un talent qui servira beaucoup au juriste d’entreprise, à l’heure de faire valoir son point de vue devant les « opérationnels » de l’entreprise, c’est-à-dire devant les non-juristes.
Où apprend-on l’éloquence à la Faculté de droit ? Des cours d’expression orale apparaissent ici et là, mais si l’on apprend à « bien parler » pendant ses études de droit, c’est davantage incidemment qu’autre chose, encore aujourd’hui. Celui qui doit présenter lors de la séance de travaux dirigés (TD) son plan détaillé de commentaire d’arrêt peut expérimenter les joies et les peines du discours public, mais il se cantonnera généralement à l’exercice demandé, plus qu’il ne « plaidera » son plan de commentaire. Il est d’ailleurs possible qu’on ne laisse pas l’étudiant haranguer les foules, et qu’on lui demande de donner son plan sans exorde ni péroraison!
Je souhaiterais pour ma part que les TD, les séminaires et même pourquoi pas les cours magistraux, soient plus souvent l’occasion pour les étudiants de s’exercer à présenter oralement des arguments de manière efficace et à convaincre un auditoire.
L’étudiant qui souhaite, dès la première année, se soumettre aux rigueurs et aux plaisirs de l’art oratoire dispose dans plusieurs universités de France et notamment à Paris 1, d’associations de passionnés qui l’accueilleront bien volontiers. La finale du concours de plaidoirie organisé par l’association Lysias Paris 1 avait lieu samedi 14 mars dans l’amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne.
Six candidats avaient surmonté les épreuves, et s’affrontaient pour la dernière phase. Victorieux de nombreuses joutes, ils étaient tous très bons : Andrey AKSENOFF et Eva BIBAL (L1), Adrien ROUGIER et Julia D’AVOUT (L2) et Alex CHARAUDEAU et Ferdinand de VAREILLES (L3/M).
Chaque candidat était présenté de manière irrésistible par un parrain, plaideur étudiant mais chevronné de l’association Lysias Paris 1. Je suppose qu’il fallait beaucoup de concentration pour pouvoir encore plaider efficacement après avoir vu son CV tourné en ridicule (de manière drôlissime) devant 450 personnes, ou après avoir été comparé à un oisillon et reçu l’invitation à devenir un aigle ou un albatros…
Le sel de la soirée venait aussi beaucoup de la présence dans le jury de quatre avocats tous excellents orateurs, en la personne d’Olivier SCHNERB, Zoé ROYAUX, Benjamin MATHIEU, tous trois anciens secrétaires de la Conférence des avocats du Barreau de Paris, et de Stephan BALLER, avocat fiscaliste mais néanmoins éloquent ! Le jury était complété de l’auteur de ces lignes.
Les prestations des candidats étaient commentées par les membres du jury, ce qui donnait lieu à de savoureux échanges entre ces derniers, échanges qu’il n’est cependant pas nécessaire de restituer ici, l’humour vache s’exprimant mieux à l’oral qu’à l’écrit!
Dernière observation, émanant du professeur: les étudiants en droit, même ceux qui aiment le moins parler en public, et surtout ceux qui aiment le moins parler en public, auraient grand intérêt à s’inscrire, et même à se forcer à s’inscrire, à ce genre de concours.
Bruno DONDERO