Par cet arrêt qui sera publié au Bulletin (http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000029741588&fastReqId=782671367&fastPos=1), La Chambre commerciale de la Cour de cassation tranche une question qui se pose souvent aux praticiens: la rémunération accordée au président de SAS est-elle de nature conventionnelle ou non ? L’enjeu était ici l’application de la procédure des conventions réglementées. Un autre enjeu de la reconnaissance de cette nature conventionnelle, c’est qu’une convention ne peut être remise en cause qu’avec l’accord des deux parties. Si l’on n’est pas en présence d’une convention, mais d’une décision prise par un organe de la société en application de la loi ou des statuts, la rémunération n’est plus conventionnelle mais institutionnelle, ce qui a) la rend modifiable de manière unilatérale par l’organe l’ayant décidée et b) doit écarter la procédure des conventions réglementées.
La Cour de cassation applique cette distinction depuis longtemps à propos des compléments de retraite versés aux dirigeants d’une société anonyme (v. not. Cass. com., 3 mars 1987, UBP c. Lebon, Bull. civ. IV, no 64) et plus récemment, elle s’en est servi à propos de la rémunération du gérant de SARL. Lorsque celle-ci donne lieu à une décision des associés, il fallait déterminer s’il s’agit d’une décision « normale » d’attribution de la rémunération, non prévue par la loi mais soumise au droit commun des décisions ordinaires, ou si l’on était en présence d’une décision d’approbation d’une convention réglementée, prise conformément à l’article L. 223-19 du Code de commerce et donc sans la participation au vote du gérant, lorsqu’il a la qualité d’associé. C’est la première solution qui a été retenue par la Cour de cassation (Cass. com., 4 mai 2010, no 09-13205 ; Bull. civ. IV, no 84).
Qu’en est-il de la SAS ? Il est possible que cette société conclue une convention avec son dirigeant, et que cette convention porte sur la rémunération due au mandataire social. On pourrait d’ailleurs être tenté de croire que ce mode conventionnel de détermination de la rémunération du dirigeant est plus fréquemment utilisé dans la SAS, qui est vue comme une société « contractuelle ». Une telle opinion a pu être exprimée en doctrine. Le mandat social, quel que soit la société concernée, est aussi de nature contractuelle. Mais les dirigeants d’une SAS, comme ceux des autres sociétés, sont plus souvent des organes que des mandataires. Leur statut est défini par la loi, ou par les statuts de la société intervenant dans le cadre qui leur est tracé par la loi. Même en l’absence d’un texte légal traitant de manière spécifique de la rémunération du président de SAS, le fait que l’article L. 227-5 dispose que « Les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée » nous semble suffire à faire passer la rémunération du dirigeant de SAS dans la sphère institutionnelle et organique, dès lors que les statuts se sont prononcés sur la question (v. cependant la solution retenue par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes il y a quelques années, qui avait estimé que la procédure des conventions réglementées demeurait applicable lorsque le président se voyait reconnaître par les statuts le droit de fixer lui-même sa propre rémunération – Bull. CNCC, déc. 2006, p. 712).
Le deuxième angle d’attaque du minoritaire, dans le litige qui l’opposait au majoritaire, était celui de l’abus de majorité, et les éléments de réponse que fournit ici la Cour de cassation sont transposables à toute société. L’abus est écarté essentiellement au motif que le président assumait la responsabilité inhérente à ses fonctions et que la rémunération accordée par la société à son dirigeant n’était pas disproportionnée au regard de son résultat.
Bruno DONDERO
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