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Prêt de titres Alstom à l’Etat par Bouygues: l’action de l’ADAM est irrecevable (Trib. com. Paris, 19 juin 2015)

Nous avons évoqué dans un post précédent l’action intentée par l’Association de défense des actionnaires minoritaires (ADAM) pour contester le prêt consenti par la SA Bouygues à l’Etat français, et portant sur 20% des actions de la société Alstom. L’affaire a été jugée par une décision de la 16ème Chambre du Tribunal de commerce de Paris en date du 19 juin 2015.

Ce prêt intervenait dans un contexte particulier, qui voit Alstom en passe de céder ses activités Energie et Réseaux à General Electric, et l’Etat intervenir dans un certain nombre de sociétés cotées pour s’assurer que le dispositif Florange (attribution de droits de vote doubles aux actionnaires présents au capital depuis au moins deux ans) devient effectif.

L’ADAM contestait le prêt consenti à l’Etat, en plaidant notamment qu’il revenait à prêter des droits de vote, tandis que Bouygues répondait que l’ADAM, qui avait acquis une action de la société Alstom aux seules fins de contester l’accord, procédait à une « immixtion » dans une « opération économique majeure ».

Le Tribunal de commerce de Paris n’a pas à trancher la question de la licéité du prêt (nous publions avec Alain Couret un article, revenant sur les caractéristiques de ce contrat et commentant également le jugement, à la Semaine juridique édition Entreprise paraissant jeudi 25 juin).

L’action de l’ADAM n’est en effet pas examinée en ce qu’elle contestait le prêt, dès lors qu’elle est jugée irrecevable, au motif suivant:

« Mais attendu qu’au moment où l’ADAM a formé sa demande, le protocole n’était pas entré en vigueur, qu’il n’est pas entré en vigueur au cours de l’instance, qu’il n’a connu aucun début d’exécution, la réalisation de l’opération projetée entre l’Etat et Bouygues étant subordonnée à l’obtention des autorisations requises au titre du contrôle des concentrations, qu’à cet égard la Commission européenne a ouvert une enquête approfondie sur l’opération projetée entre GE et Alstom, que cette enquête est en cours et que son résultat pourrait remettre en question les accords passés entre ces sociétés, ainsi que le protocole signée entre [l’Agence des participations de l’Etat] et Bouygues,

Qu’en conséquence l’ADAM n’a pas d’intérêt né et actuel à agir, le Tribunal dira l’ADAM irrecevable en son action« .

 Bruno DONDERO

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Enseigner le droit différemment: l’audience du Tribunal de commerce de Paris filmée… à la Sorbonne

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L’audience est ouverte!

Le lundi 24 novembre 2014, dans l’amphithéâtre II A de l’Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne, le cours de droit des sociétés ne se présentait pas comme d’habitude, c’est-à-dire sous la forme d’un enseignement magistral donné par un professeur, les trois cent étudiants présents prenant des notes pendant ce temps.

J’avais en effet invité différents professionnels du droit et de l’économie à participer au cours, d’une manière inédite.

C’était tout d’abord trois juges du Tribunal de commerce de Paris qui étaient venus à l’Université. Frank GENTIN, le président du Tribunal, était accompagné de Didier FAHMY, président de la chambre de droit monétaire et financier, et de Laure LAVOREL, juge à la chambre internationale.

Les trois juges ont pu tenir dans l’amphithéâtre une audience, comme ils l’auraient fait au tribunal dans la réalité… mais ils jugeaient ici un cas fictif inventé pour les besoins de l’exercice. Le cas était assez simple : un fonds d’investissement demandait le remboursement d’un financement à une société industrielle, qui tentait de démontrer que la demande était injustifiée, ou que si elle l’était, des délais devaient lui être accordés. Des documents écrits relatifs au cas (des extraits du contrat d’investissement sur lequel était fondé le litige, notamment) avaient été mis à disposition des étudiants sur l’EPI (espace pédagogique interactif) de l’Université.

Pour juger une affaire, il fallait aussi des avocats. Deux d’entre eux avaient accepté de se prêter à l’exercice, en plaidant, là encore, comme ils le font dans leur vie professionnelle de tous les jours. Me Annabelle RAGUENET de SAINT-ALBIN, avocate counsel au cabinet Gide Loyrette Nouel, plaidait en demande pour le fonds d’investissement. Elle était accompagnée, pour rendre le cas encore plus réaliste, de son client. En réalité, c’était le président d’une société de gestion de portefeuille, M. Jean GATTY, qui avait accepté de jouer ce rôle difficile. Car l’avocat de la défense, rôle tenu par Me Stéphane SYLVESTRE, avait choisi de recourir à toute une gamme d’arguments déstabilisants, commençant par contester le choix de la juridiction parisienne (le cas indiquait que la société avait pour actionnaires une famille orléanaise) et allant jusqu’à mettre en doute la légalité de l’activité du fonds d’investissement.

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Plaidoirie en demande. (Me Annabelle Raguenet de Saint-Albin)

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La parole est à la défense. (Me Stéphane Sylvestre)

La partie adverse ne s’en laissait pas conter, et comme dans la réalité, les avocats échangeaient des arguments. Comme dans une véritable audience du Tribunal de commerce de Paris, les juges posaient ensuite des questions, interrogeant tant les deux avocats que la partie présente à l’audience, c’est-à-dire le représentant du fonds d’investissement. Les juges échangeaient ensuite entre eux, et faisaient rentrer les étudiants dans le secret du délibéré, en leur expliquant comment ils auraient appréhendé ce cas s’il s’était réellement présenté à eux.

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Le délibéré… (Didier Fahmy, Frank Gentin, Laure Lavorel)

Les étudiants en droit de Paris 1 qui étaient présents ont pu ainsi être transportés, sans quitter leur amphithéâtre, au cœur de la justice commerciale, et voir comment les notions du cours de droit des sociétés qu’ils apprennent ne sont pas seulement théoriques mais constituent à la fois le fondement des relations d’affaires entre les entreprises et les armes qu’utilisent les avocats dans les contentieux.

Les trois juges et les autres intervenants ont profité de l’occasion pour donner des explications concrètes sur la manière dont ils intervenaient dans le cas pratique, et je reprenais parfois la parole pour apporter des précisions et permettre aux étudiants de faire le lien avec les notions déjà vues en cours.

Enfin, l’intégralité de la séance a été filmée par le réalisateur Philippe CRAVE et son équipe de l’Université Paris 1 et sera bientôt rendue accessible sur internet. Cela permettra à toute personne (étudiant, élève avocat, entrepreneur, justiciable) intéressée de voir concrètement comment travaille la justice française – en l’occurrence la justice commerciale.

Bruno DONDERO

Photos prises par M. Julien POMPEY et disponibles sur le fil twitter de l’Université Paris 1 : https://twitter.com/SorbonneParis1

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