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La suspension des droits de vote des actions non déclarées n’est pas inconstitutionnelle (CC 28 févr. 2014, 2013-369 QPC)

Le Conseil constitutionnel avait été saisi d’une QPC relative à l’article L. 233-14 du Code de commerce, qui prévoit une sanction de privation des droits de vote en cas de non-respect des règles de franchissement de seuils dans les sociétés cotées.

En clair, l’actionnaire d’une société cotée qui dépasse, agissant seul ou de concert, certains seuils significatifs en termes de droits de vote ou de capital (5%, 10%, etc. – v. art. . 233-7 du Code de commerce) doit informer la société et l’AMF, celle-ci informant à son tour le public. Cette information permet aux autres actionnaires et au marché de savoir qui contrôle une société cotée, la finalité du dispositif étant la transparence des marchés. Cela permet aussi de mettre en oeuvre le dispositif des offres publiques d’acquisition.

Si l’actionnaire qui dépasse un seuil ne le déclare pas, il encourt une sanction particulière prévue par l’article L. 233-14 du Code de commerce. Cette sanction est celle de la privation des droits de vote attachés aux actions excédant le seuil non déclaré, pour toute assemblée d’actionnaires se tenant dans les deux ans de la régularisation de la notification. C’était la constitutionnalité de cette sanction qui était discutée devant le Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel vient de juger le 28 février 2014 que:

« 9. Considérant que la suspension des droits de vote instituée par les dispositions contestées a pour objet de faire obstacle aux prises de participation occultes dans les sociétés cotées afin de renforcer, d’une part, le respect des règles assurant la loyauté dans les relations entre la société et ses membres, ainsi qu’entre ses membres et, d’autre part, la transparence des marchés ; qu’ainsi, ces dispositions poursuivent un but d’intérêt général ;
10. Considérant que l’actionnaire détenteur des actions soumises aux dispositions contestées en demeure le seul propriétaire ; qu’il conserve notamment son droit au partage des bénéfices sociaux et, éventuellement, les droits qui naîtraient pour lui de l’émission de bons de souscription d’actions ou de la liquidation de la société ; qu’il peut librement céder ces actions sans que cette cession ait pour effet de transférer au cessionnaire la suspension temporaire des droits de vote ; que la privation des droits de vote cesse deux ans après la régularisation par l’actionnaire de sa déclaration ; qu’elle ne porte que sur la fraction des actions détenues par l’actionnaire intéressé qui dépasse le seuil non déclaré ; que l’actionnaire dispose d’un recours juridictionnel pour contester la décision le privant de ses droits de vote ;
11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, d’une part, les atteintes au droit de propriété qui peuvent résulter de l’application des dispositions contestées n’entraînent pas de privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 ; que, d’autre part, compte tenu de l’encadrement dans le temps et de la portée limitée de cette privation des droits de vote, l’atteinte à l’exercice du droit de propriété de l’actionnaire qui résulte des dispositions contestées ne revêt pas un caractère disproportionné au regard du but poursuivi, ; que, par suite, les griefs tirés de l’atteinte au droit de propriété doivent être écartés ;
12. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
doivent être déclarées conformes à la Constitution ».

La sanction prévue par l’article L. 233-14 du Code de commerce n’est donc pas inconstitutionnelle.

Une question délicate que soulève cette décision, et que relève Maître Martin Laprade dans son commentaire ci-dessous, c’est qu’il est possible que le Conseil ne lise pas le texte de l’article L. 233-14 comme il figure pourtant dans le Code de commerce. Le texte fait comprendre que la suspension des droits de vote vaut pour les assemblées se tenant avant la régularisation et jusqu’à deux ans après celle-ci. En revanche, tel que le Conseil constitutionnel semble lire le texte, la suspension ne vaudrait que dans la période de deux ans suivant la régularisation. Si cette lecture de la décision était la bonne, ladite décision pourrait avoir un impact sur l’interprétation à donner à l’article L. 233-14…  

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