Panama papers et Paradise papers: dans ces différents cas, une masse considérable d’informations sensibles (on parle de millions de documents) est communiquée à la presse par une source anonyme, et cela alimente de très nombreux articles de presse… pour commencer.
Le monde du football a également eu son lot de révélations avec les Football leaks.
Les informations rendues publiques peuvent dans certains cas donner aux autorités publiques (judiciaires, fiscales, anti-blanchiment, etc.) les éléments nécessaires pour entamer une procédure. Elles peuvent aussi permettre de faire avancer une enquête en cours, en apportant une information précieuse, comme l’identité des personnes qui se cachaient derrière une société-écran.
Mais que penser de la diffusion publique de ces informations sensibles dont on nous dit qu’elles proviennent… d’un cabinet d’avocats?

Extrait du site du Monde
Une première réaction consiste à se féliciter de la transparence accrue que traduisent ces diffusions massives de données.
Politiquement, on peut se féliciter que les Etats aient des alliés anonymes, pour poursuivre l’évasion fiscale, le blanchiment, le terrorisme et d’autres fléaux.
On peut se dire que certaines des pratiques en cause dans les documents n’auraient certainement jamais été détectées s’il n’y avait pas eu cette fuite.
Mais on peut aussi éprouver, sinon une inquiétude, du moins une interrogation.
Dans les différents cas, les documents concernés sont confidentiels. Je veux dire par là qu’ils n’étaient pas destinés à être publiés. Ils sont même, pour la plupart d’entre eux, couverts par le secret professionnel.
Dans les Panama papers et les Paradise papers, ce sont des documents provenant de cabinets d’avocats dont on parle. Cela veut dire que c’est chez le professionnel auquel un justiciable révèle toute l’étendue de sa situation que l’auteur anonyme des « leaks » a été chercher les documents pour les rendre accessibles à des journalistes.
La source anonyme qui communique les documents aux journalistes a donc commis un acte de détournement de documents, qui peut pour certains systèmes juridiques, faire l’objet d’une qualification pénale.
La question de la qualification juridique à donner au détournement est rendue plus compliquée par le fait que ce détournement ne porte pas sur des actifs corporels, et aussi par le fait que le cabinet d’avocat victime, le client du cabinet concerné par les informations et l’auteur du détournement seront généralement de trois nationalités différentes et avec trois localisations différentes.
Il est vrai aussi que les documents ne sont pas mis intégralement et directement en ligne, pour être consultés par n’importe qui. Ils sont rendus accessibles à des journalistes, qui vont les exploiter pour en tirer des articles, et parfois en diffuser des extraits.
Mais on est tout de même en droit de se demander s’il est normal que des documents « volés » fassent l’objet d’une exploitation aussi large sans davantage d’interrogations.
A cela, on peut répondre que les bénéfices apportés à la collectivité par l’exploitation de ces documents sont tels qu’il apparaît quasiment inutile de s’interroger sur l’origine desdits documents.
Il faut tout de même espérer que l’exploitation des documents en question ne sera pas détournée des fins légitimes qu’elle devrait poursuivre exclusivement.
Si ce sont tous les documents détenus par tel ou tel cabinet d’avocats qui sont révélés à la presse, n’y a-t-il pas un risque que des documents touchant à la vie privée de tel ou tel client, sans lien avec une affaire d’évasion fiscale, blanchiment, terrorisme, etc., fasse l’objet d’une diffusion publique ?
La question du contrôle de l’utilisation de ces documents devient, on le comprend, essentielle.
Bruno DONDERO