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Mise en examen de M. Copé: l’importance de l’élément intentionnel

Jean-François Copé a été mis en examen pour abus de confiance ce mardi 3 février. L’abus de confiance, faut-il rappeler, est un délit pénal réprimé par l’article 314-1 du Code pénal. Il est constitué quand une personne « détourne, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé« . Ce délit a un champ d’application très large, car il concerne toute personne qui manie les fonds d’autrui, et notamment tous les dirigeants de groupements: sociétés, associations, syndicats, et aussi les partis politiques.

NB: s’agissant des sociétés, le régime de certaines d’entre elles (SARL, sociétés par actions) prévoit un « abus de confiance » spécial: le délit d’abus de biens sociaux (ABS).

Il est reproché à Jean-François Copé d’avoir utilisé les fonds de l’UMP pour régler les pénalités dues à titre personnel par Nicolas Sarkozy à la suite du rejet de ses comptes de campagne.

La situation soulève cependant un certain nombre d’interrogations au regard du droit pénal.

Tout d’abord, si l’abus de confiance consiste en l’utilisation des fonds de l’UMP dans un autre intérêt que celui de ce groupement, on peut se demander si le paiement des pénalités dues par N. Sarkozy n’était pas conforme à l’intérêt de l’UMP. Pourrait se poser aussi la question de la nature des pénalités infligées à M. Sarkozy: sommes remboursables dans le prolongement du « mandat » donné par l’UMP à son candidat, ou amende que seul le candidat devait assumer?

C’est surtout la question de l’élément intentionnel de l’infraction qui se pose. Le Code pénal exige en son article 121-3 que l’on constate que celui qui commet un crime ou un délit avait « l’intention de le commettre », sauf les infractions d’imprudence. Cette preuve est souvent considérée comme satisfaite, au vu des circonstances, les juges considérant que le prévenu devait avoir l’intention de commettre l’infraction. Mais s’agissant de M. Copé, il est indiqué (lemonde.fr) que le paiement était intervenu « avec l’aval de Bercy pour l’encaissement du chèque » et « après un avis juridique favorable de Me Philippe Blanchetier, qui avait auparavant représenté Nicolas Sarkozy devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques« .

Il va de soi que toute infraction ne disparaît pas du seul fait que l’on peut produire une lettre d’avocat attestant qu’elle n’existe pas. Le choix de l’avocat du bénéficiaire du versement n’était peut-être pas heureux, par ailleurs. Pour autant, il serait regrettable de ne donner aucun poids à la démarche prudente ayant consisté à n’opérer le versement qu’après avoir sollicité une analyse juridique d’un avocat.

Bruno DONDERO

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Comprendre la mise en examen de Nicolas Sarkozy: les infractions visées.

Sont visées trois infractions distinctes, étant rappelé qu’il ne s’agit que d’une mise en examen, et non, comme on l’entend parfois, d’une « inculpation ». On n’en est qu’au stade de l’instruction. Ce n’est qu’à l’issue de celle-ci que les magistrats décideront s’il convient de renvoyer M. Sarkozy devant le tribunal correctionnel, ou de prononcer un non-lieu.

La première infraction visée par la mise en examen est celle de recel de violation du secret professionnel. En clair, M. Sarkozy aurait pu être le bénéficiaire d’informations relatives à l’instruction des dossiers qui le concerne. Or, il y a une règle claire édictée par l’article 11 du Code de procédure pénale, qui est qu’en principe, « la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète », et que « Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du code pénal ». Donc, si un magistrat viole le secret de l’instruction, il s’expose aux sanctions prévues par l’article 226-13 du Code pénal : un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende. La personne qui se rend coupable de recel s’expose à cinq ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende (art. 321-1 du Code pénal), portés à dix ans et 750.000 euros d’amende en cas de bande organisée (art. 321-2) et en toute hypothèse possibilité de peines complémentaires dont l’inéligibilité pour une durée maximum de cinq ans (art. 321-9).

 

La deuxième infraction est celle de corruption active. Elle signifie que M. Sarkozy pourrait avoir joué le rôle de corrupteur d’un magistrat pour obtenir de lui des avantages, c’est-à-dire « un acte de sa fonction ou facilité par sa fonction ». Il y a un texte particulier pour la corruption relative aux magistrats – c’est l’article 434-9 du Code pénal. Il prévoit une peine de dix ans d’emprisonnement et 150.000 euros d’amende, avec là encore possibilité de peines complémentaires dont l’inéligibilité (art. 434-44).

 

La troisième et dernière infraction visée par la mise en examen est le trafic d’influence. C’est une infraction voisine de celle de la corruption. Le trafic d’influence consiste non à promettre quelque chose (à un magistrat, par exemple) pour qu’il accomplisse des actes de sa fonction ou facilités par celle-ci, mais pour qu’il utilise son influence, pour obtenir une décision ou un avis favorable. Le Code pénal considère que l’infraction est moins grave, puisque ce ne sont « que » cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende qui sont prévus (art. 434-9-1), ainsi que certaines des peines complémentaires prévues en cas de corruption, dont l’inéligibilité (art. 434-44).

 

On entend souvent d’autres montants s’agissant de l’amende encourue en cas de corruption (un million d’euros) ou de trafic d’influence (500.000 euros), pouvant être portés au double du montant tiré de l’infraction. Ce sont cependant les montants prévus pour les cas « généraux » de corruption et de trafic d’influence, qui ne visent pas les magistrats en particulier. Il faut donc privilégier le texte spécifique. En outre ces montants ont été augmentés par la loi du 6 décembre 2013, ce qui obligerait, si ces textes s’appliquer, à savoir si les faits reprochés à M. Sarkozy ont été commis avant ou après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. Si les faits sont antérieurs à décembre 2013, ce sont les mêmes montants que pour les textes spéciaux relatifs aux magistrats qui s’appliquent.

 Bruno Dondero

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