Archives de Tag: mention

La mention « société en formation » est importante!

En droit français, une société devient une personne morale lorsqu’elle a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés. Cette immatriculation fait de la société un sujet de droit, qui peut conclure des contrats et qui dispose d’un patrimoine propre. Tant que la société n’est pas immatriculée, elle est un contrat entre ses associés (et même moins que cela lorsque la société est une EURL ou une SASU).

En principe, la société ne peut donc conclure aucun acte juridique valable avant son immatriculation.

Le Code civil et le Code de commerce prévoient toutefois, respectivement en leurs articles 1843 et L. 210-6, un dispositif permettant aux sociétés de conclure des actes juridiques avant leur immatriculation. Une personne, agissant « au nom d’une société en formation », est ainsi autorisée à conclure des contrats qui seront éventuellement repris par la société, une fois celle-ci immatriculée, et ce de manière rétroactive, la convention étant réputée avoir été contractée dès l’origine par la société. Si la société n’est pas immatriculée, ou que le contrat n’est pas repris par elle, c’est sur le signataire, ou sur les personnes qu’il représentait (les associés de la société en cours de constitution), que pèsent les conséquences du contrat.

Le dispositif est indéniablement utile pour les sociétés en cours de constitution. De cette manière, le bail commercial, les contrats de travail, les premiers contrats avec les fournisseurs, la convention de compte bancaire, c’est-à-dire les contrats nécessaires à la préparation de l’activité de la société, vont pouvoir être signés, sans qu’il faille tout reporter à une date postérieure à l’immatriculation. La société pourra donc commencer son activité à plein régime dès qu’elle aura été immatriculée. A défaut d’un tel dispositif, la société se trouverait contrainte, après son immatriculation, de passer plusieurs semaines ou plusieurs mois à quêter à droite et à gauche la signature des contrats négociés, mais non conclus, pendant la période de constitution. Ou alors, il conviendrait que les contrats soient conclus par les fondateurs puis cédés, avec l’accord du cocontractant, à la société immatriculée. La solution serait compliquée, parce qu’il faudrait que chaque cocontractant accepte la possibilité d’une transmission. Le changement de contractant (du fondateur à la société, une fois celle-ci immatriculée) pourrait aussi entraîner des conséquences, notamment fiscales, peu souhaitables.

Notons que, si l’on se place du point de vue des cocontractants, ils ont intérêt à ne pas accepter l’utilisation du dispositif légal en l’état. Celui qui signe un bail commercial avec « M. X, agissant au nom de la société en formation Y », s’expose à ce que la société Y reprenne le bail à son nom, libérant M. X de toute obligation. Il conviendra donc que le bailleur demande des garanties sur ce que sera la société Y : quel sera sa forme juridique, quel sera son capital social, etc. Il sera même concevable que le tiers qui contracte avec une personne agissant au nom d’une société en formation demande des engagements particuliers aux fondateurs sur la société qui pourra devenir son partenaire.

Un point pratique mérite surtout d’être rappelé aux personnes qui participent à la constitution d’une entreprise. La jurisprudence sanctionne régulièrement des actes faits pour le compte d’une société antérieurement à son immatriculation, sans que les mots « société en formation » aient été mentionnés dans l’acte. Les juges distinguent ainsi le contrat fait dans le cadre du dispositif légal des articles 1843 ou L. 210-6 (par exception, une convention est faite pour une société en formation) et le contrat qui a été conclu au nom d’une société qui n’a aucune existence légale. Signer un contrat au nom de « la SARL X », avant son immatriculation, c’est signer une convention nulle, de nullité absolue; signer un contrat au nom de « la SARL en formation X », c’est se placer dans le dispositif légal qui permettra la reprise du contrat.

Il est donc très important, lorsqu’une société n’est pas encore immatriculée, que les contrats conclus pour cette société indiquent que la société est « en formation ». Les juges sont particulièrement rigoureux de ce point de vue, car une décision récente de la Cour de cassation (Cass. com., 13 nov. 2013, n° 12-26158, http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028208379&fastReqId=98711131&fastPos=1, commenté au Bulletin Joly Sociétés 2014, p. 67 par le professeur Alexis Constantin) estime que le fait que le contrat conclu par la société en formation était « en cours d’enregistrement » n’était pas suffisant pour satisfaire aux conditions du dispositif légal de reprise des actes. Certes, « en cours d’enregistrement » n’indique pas précisément que la société va acquérir la personnalité morale, mais on aurait pu s’en contenter. La signature des statuts étant en principe suivie dans le délai d’un mois de leur enregistrement (art. 635 du CGI), indiquer dans le contrat que la société est « en cours d’enregistrement » peut donner une indication sur le fait qu’elle est en formation, d’autant que les dispositions légales ne disent pas précisément quelle mention il faut faire figurer dans le contrat fait avant l’immatriculation de la société !

Bruno DONDERO

3 Commentaires

Classé dans Uncategorized