A la Faculté de droit de l’Université de Montpellier s’est tenu le vendredi 12 septembre 2014 un colloque consacré à la franchise. L’un des thèmes abordés était celui du franchisé personne morale, et c’est l’occasion de revenir ici sur cette question et sur celle d’une pratique assez peu connue, qui est celle de la « franchise participative ». Il faut rappeler ce qu’est la franchise avant de comprendre comment fonctionne la franchise participative.
La franchise.
La situation « normale » voit un franchiseur proposer à d’autres personnes, entrepreneurs indépendants, d’intégrer un réseau et de devenir ses franchisés. Le franchiseur va signer avec eux un contrat, le contrat de franchise, et éventuellement d’autres conventions, comme un contrat d’approvisionnement. Les franchisés vont ainsi bénéficier de la possibilité d’exploiter la marque du franchiseur, ils vont bénéficier de la transmission de son savoir-faire, et ils vont pouvoir exploiter de ce fait la clientèle du franchiseur. Le franchiseur va de son côté recevoir des franchisés le paiement de différentes sommes, souvent un droit d’entrée, et des redevances, calculées généralement en fonction du chiffre d’affaires du franchisé. Le franchisé n’est pas le salarié du franchiseur, même s’il doit respecter les consignes liées à l’appartenance au réseau, et les salariés du franchisé sont ses salariés, et non ceux du franchiseur. Franchiseur et franchisé sont des entreprises distinctes, même si le franchisé exploite, à son niveau, niveau local, la clientèle du franchiseur. On évoque parfois une situation d’indivision sur la clientèle.
Le franchisé est une personne physique, mais il peut également être une personne morale, SARL par exemple, parce qu’il souhaite organiser son entreprise sous forme de société ou parce que le franchiseur le lui demande pour intégrer son réseau.
La franchise participative.
La franchise participative voit le franchiseur participer au capital de la société du franchisé – c’est-à-dire pour être exact, au capital de la société franchisée, puisque c’est cette société qui est partie au contrat de franchise.
Il est aussi possible que le franchiseur ait constitué lui-même la société franchisée, qu’il ait conclu avec cette société le contrat de franchise, et que la personne qui souhaite intégrer le réseau du franchiseur se voie proposer non pas la signature d’un contrat de franchise mais celle d’une convention d’acquisition de parts sociales ou d’actions. Celui qui aurait été le franchisé, si le franchiseur n’avait pas constitué de société, va du coup ne jamais acquérir cette qualité de franchisé, mais simplement celle d’associé majoritaire d’une société, qui elle est franchisée. Le nouvel entrant dans le réseau va acheter un certain nombre d’actions ou de parts sociales et être majoritaire. Il va aussi diriger la société franchisée. On utilise ainsi le mécanisme de la société, non pour remplacer complétement le contrat de franchise, mais pour structurer la relation du franchiseur et de celui qui aurait, sinon, été son franchisé.
Ainsi, notre dirigeant et associé majoritaire va être accompagné d’un associé minoritaire qui est le franchiseur ou une société de son groupe. Les statuts ou un pacte d’associés pourront donner plus de pouvoirs à ce minoritaire, notamment en subordonnant certaines décisions importantes, comme celle de quitter le réseau, à l’accord du minoritaire.
Ce système comporte des avantages pour les deux parties, car la société franchisée obtiendra plus facilement du crédit que le franchisé n’en aurait obtenu seul ; le franchiseur pourra de son côté voir fonctionner la société franchisée de l’intérieur et s’assurer de la bonne exécution du contrat de franchise.
Il faut cependant comprendre que ce dispositif comporte aussi des inconvénients. Le franchisé doit composer avec son associé, certes minoritaire. En cas de difficulté, le franchisé pourra être écarté plus rapidement, car ce ne sera pas à une rupture du contrat de franchise que procédera le franchiseur, mais à un rachat des parts ou des actions de la société franchisée, ce qui pourra être facilité par les statuts, le pacte ou des conventions particulières. Le franchiseur s’expose aussi à des risques, comme celui d’être vu comme dirigeant de fait de la société franchisée et plus généralement de devoir agir dans l’intérêt de cette société dont il est l’associé.
Le mécanisme de la franchise participative n’est pas interdit, mais il a été fragilisé par une décision de la Cour de cassation du 30 mai 2012 non publiée au Bulletin (http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000025963671&fastReqId=1067137526&fastPos=2) et par un avis de l’Autorité de la concurrence qui avait recommandé l’encadrement des prises de participation du franchiseur dans le capital du franchisé.
Bruno DONDERO
V. sur le sujet: L’instrumentalisation du droit des sociétés: la franchise participative, La semaine juridique, éd. E, 15 nov. 2012, n° 46