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Contre les Fake News: l’attribution de labels

Fake News : on en a beaucoup parlé lors de l’élection présidentielle américaine de 2016, et le mal – la diffusion de fausses informations, diffusion amplifiée par internet – est très présent aujourd’hui.

Le concept de Fake News est régulièrement manié par le président Donald Trump pour invectiver tel ou tel organe de presse. Rappelons tout de même que c’est ce président qui avait inventé le concept de « truthful hyperbole », une « forme d’exagération innocente » parce que « les gens veulent croire que quelque chose est le plus gros, le plus grand, et le plus spectaculaire », et dont une conseillère a inventé le concept de « fait alternatif » pour appeler autrement une description inexacte de la réalité.

La diffusion de fausses informations a été au cœur de l’élection présidentielle américaine, et elle a aussi été présente lors de l’élection présidentielle française.

C’est d’ailleurs au point que le Président de la République Emmanuel Macron a annoncé qu’une loi viendrait combattre prochainement la circulation des fausses informations.

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Nous avons déjà évoqué le sujet des informations fausses sur ce blog, pour le rapprocher de la problématique des conflits d’intérêts, ou pour évoquer le risque que des lois soient adoptées par le Parlement sur le fondement de telles informations.

Cela mérite que l’on se penche sur le problème pour envisager ce qu’il est possible de faire.

Un problème éternel, qui prend une autre dimension avec les réseaux sociaux

De tous temps, on a connu des situations dans lesquelles une ou plusieurs personnes ont largement diffusé des informations fausses, consciemment ou de bonne foi, et où cela a pris, c’est-à-dire que les informations fausses ont produit un effet sur les tiers qui y ont massivement cru.

La diffusion d’une fausse information peut avoir des effets très diversifiés : gain ou perte d’argent, faillite d’une entreprise, succès ou échec à une élection, création de troubles politiques pouvant aller jusqu’à la guerre, etc.

La question est éternelle, mais elle a pris une autre dimension avec les réseaux sociaux. Twitter, Facebook et consorts permettent en effet à toute personne dotée d’un accès internet de rendre publique une information, ou de faire circuler une information qu’un autre aurait déjà diffusée.

Il y a trente ans, si je voulais rendre publique une information ou un « contenu », comme on dit maintenant, il fallait que je trouve un support public (organe de presse, éditeur, chaîne de télévision, de radio) et que celui-ci accepte de diffuser l’information. Le processus était long, et le résultat était incertain. Qui n’avait pas lu le journal ce jour-là ratait l’information, et sauf à ce que l’information soit reprise par d’autres canaux, ne remettait la main dessus que celui qui la recherchait activement.

Les réseaux sociaux et internet font que l’information circule instantanément, qu’elle est relayée avec la plus grande facilité, un retweet ou un partage ne demandant que l’effort d’un ou deux clics, et qu’elle garde une rémanence forte.

Cette facilité à faire circuler une information a des conséquences sur le statut des journalistes et sur la liberté de la presse. Tout le monde peut devenir journaliste, serait-on tenté de dire, si ce n’est que le statut du journaliste correspond à une profession encadrée, et qu’il ne suffit pas de publier des contenus pour se prétendre journaliste.

Une tâche louable mais infaisable

Notre élection présidentielle, celle américaine, ou bien d’autres situations récentes nous montrent l’impact que peut avoir la diffusion de fausses informations par les réseaux sociaux.

De fausses informations sur le patrimoine d’Emmanuel Macron, candidat aux élections présidentielles, peuvent avoir par exemple un impact immédiat en termes de chances d’accéder à la Présidence.

Des informations fausses peuvent avoir un impact plus personnel et dramatique, comme les accusations qui pourraient être portées injustement contre une personne et être relayées en chaîne à la faveur d’un hashtag appelant à la vindicte publique.

Il serait donc idéal que l’on puisse empêcher la diffusion de fausses informations.

Le problème est que cette tâche ne peut être réalisée que de manière très partielle, au point que l’on peut dire qu’elle est en réalité infaisable.

Lutter contre les fausses informations commence par contrevenir à un principe, qui est celui de la liberté d’expression. La liberté d’expression étant reconnue, notamment par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, j’ai le droit de m’exprimer, et j’ai aussi le droit de me tromper, et donc je peux exprimer une opinion fausse, et vous ne pouvez par principe pas m’en empêcher.

Bien sûr, si la liberté d’expression est le principe, il existe toute une série de restrictions, d’instruments juridiques permettant d’éviter que l’on abuse de sa liberté d’expression.

L’article 27 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse sanctionne ainsi pénalement la diffusion de fausses informations :

« La publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler, sera punie d’une amende de 45 000 euros.

Les mêmes faits seront punis de 135 000 euros d’amende, lorsque la publication, la diffusion ou la reproduction faite de mauvaise foi sera de nature à ébranler la discipline ou le moral des armées ou à entraver l’effort de guerre de la Nation ».

D’autres textes sanctionnent le fait de prêter à tort à une personne un comportement contraire à l’honneur (délit de diffamation), les fausses alertes (article 322-14 du Code pénal), les tromperies en matière électorale (article L. 97 du Code électoral), la diffusion d’informations fausses visant à altérer les prix (article L. 443-2 du Code de commerce) ou le cours de bourse d’une société cotée (article L. 465-3-2 du Code monétaire et financier), etc.

Un avertissement est donc clairement adressé à qui voudrait diffuser de fausses informations. La réaction prévue est en réalité à la fois pénale (sanctions d’amende, d’emprisonnement) et civile (obligation de réparer le préjudice causé du fait des fausses informations).

Surtout, cette réaction suppose la saisine d’un juge, qui pourra prononcer les sanctions prévues par les textes, du moins s’il est convaincu de la fausseté des informations diffusées.

On comprend que cela soulève de réelles difficultés d’application, notamment lorsque la traînée de poudre de la fausse information se sera répandue sur internet. Si celui qui lance le premier une fausse information est passible d’un emprisonnement, mettra-t-on en prison tous ceux qui retweetent ou partagent cette fausse information ?

Les délais judiciaires, les coûts des procédures et l’efficacité limitée des sanctions prononcées le cas échéant invitent à chercher des solutions alternatives.

Ce qui serait faisable

Ce qui apparaît davantage faisable consisterait à créer des statuts particuliers, des labels qui seraient attribués à ceux qui s’expriment sur les réseaux sociaux.

Twitter certifie certains comptes, après avoir vérifié que leur titulaire était bien la personne physique ou morale qu’il prétendait être. De même, Wikipedia donne à certains articles un label « article de qualité ».

De la même manière, on pourrait avoir des labels, des « badges » certifiant la qualité des personnes titulaires d’un compte Twitter, Facebook ou autre.

Pour certains comptes, ce serait un badge positif. Un journal connu, faisant travailler des journalistes professionnels, vérifiant les informations diffusées, assortissant les informations incertaines des précautions requises, et présentant enfin les informations de manière objective aurait une certification positive, incitant à faire confiance aux contenus diffusés.

Le retweet ou le partage effectué par un tel acteur pourrait étendre son statut aux contenus ainsi diffusés. Retweet et partage prendraient alors une autre dimension.

De l’autre côté du spectre, le blogueur polémiste qui n’hésite pas à diffuser des informations fausses pour nourrir un courant politique ou pour augmenter le nombre de ses abonnés ou de vues de ses publications recevrait rapidement une certification négative. Cela ne l’empêcherait pas de continuer à s’exprimer, mais ses informations seraient « tamponnées » comme émanant d’une source incertaine. Toutes les informations lancées par les sites, pages ou comptes liés au détenteur d’un badge négatif porteraient donc un avertissement.

Entre ces deux extrêmes, d’autres comptes pourraient avoir un label signalant que les informations qu’ils donnent ne sont en principe pas fausses, mais comportent une part importante de subjectivité, voire une présentation particulièrement orientée des choses, dépassant le simple commentaire pour toucher au discours politique ou satirique.

Il y aurait enfin de très nombreux sites et comptes dépourvus de label, et dont les informations qu’ils diffusent devront être prises avec précaution.

Il n’est nullement question de créer un « ministère de la Vérité », mais simplement de permettre aux utilisateurs d’internet de mieux utiliser la masse considérable d’informations qui y circulent, en facilitant le travail de vérification que chacun devrait faire.

C’est ce que font déjà des acteurs privés, comme le journal Le Monde, qui donne avec son Decodex des informations sur la fiabilité des informations qui circulent. Mais ce n’est que l’opinion d’un acteur privé.

L’Etat peut jouer ici un rôle. Il ne lui appartient pas de dire ce qui est vrai et ce qui est faux, mais il peut obliger les diffuseurs d’informations à afficher plus clairement leur statut, entre organe de presse objective et créateur de buzz sans scrupules !

Bruno DONDERO

 

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Fake news et conflits d’intérêts: même combat?

 

Deux thèmes très actuels.

Conflits d’intérêts et fake news: voilà deux thèmes dont on parle beaucoup.

Depuis quelques années, la question des conflits d’intérêts est très présente dans le débat public. Nous en avons déjà parlé sur ce blog, notamment pour évoquer les difficultés liées à la définition des conflits d’intérêts. La question est cependant aussi ancienne que l’homme.

Les fake news – informations fausses – ne sont pas une nouveauté non plus, mais Internet et les réseaux sociaux contribuent à leur diffusion ultra-rapide. Les fake news ont été mises sur le devant de la scène pendant les élections présidentielles américaines, qui ont vu des informations fausses – le prétendu soutien du Pape à Donald Trump, par exemple – reprises en boucle par des sites et pages Facebook. Même si elles sont démenties par la suite, ces informations marquent l’opinion, et souvent bien plus que le démenti.

Les fake news sont une arme. Pour être élu, pour vendre plus que mon concurrent, pour être recruté à tel poste, je peux être tenté de diffuser des fausses informations, encensant mon camp ou accablant ceux qui s’opposent à moi. Ce type de comportement encourt des sanctions, y compris pénales.

L’un des dangers des fake news est qu’elles sont généralement présentées comme… exactes. Les sites présentant systématiquement de fausses informations pour faire rire, comme l’excellent Gorafi, annoncent la couleur… ce qui n’empêche pas des journalistes étrangers ou des politiques de prendre occasionnellement pour argent comptant certaines de ces informations parodiques…

 

 

Point commun des fake news et des conflits d’intérêts: leur caractère sournois.

Le caractère sournois des fake news les rapproche des conflits d’intérêts.

Imaginons la situation du propriétaire d’un appartement qui souhaite le vendre au meilleur prix. Le prix de marché serait d’un million d’euros, mais les acheteurs potentiels proposent tous un prix plus faible.

Cela peut être dû au fait que des informations fausses, annonçant une dégradation du voisinage – la proximité immédiate d’une autoroute, par exemple – sont diffusées.

Cela peut être dû aussi au fait que l’intermédiaire que le vendeur a chargé de trouver un acheteur au prix le plus élevé possible est également rémunéré par l’acheteur, avec la mission de négocier l’appartement au prix le plus bas possible.

Dans les deux cas, l’information fausse ou le conflit d’intérêts peut altérer la prise de décision et conduire le vendeur à agir à l’encontre de son intérêt. Dans le cas de la fausse information, parce que le vendeur croit que cette information correspond à la réalité et que son bien se trouve affecté d’une caractéristique négative qu’il n’a pas en réalité. Dans le cas du conflit d’intérêts parce qu’il croit que l’intermédiaire a agi au mieux de son intérêt de vendeur, alors qu’il agit en réalité au détriment de cet intérêt.

Dans les deux cas, le vendeur ne découvrira qu’après la vente, s’il le découvre un jour, que le prix qu’il a perçu n’est pas aussi élevé qu’il aurait dû l’être en situation « normale », c’est-à-dire sans la diffusion de fausses informations ou sans l’incidence d’un conflit d’intérêts.

 

La lutte pour l’information juste.

Voilà pourquoi l’obtention d’informations exactes est essentielle.

Au-delà d’une affirmation de principe, prendre ses décisions sur la base d’informations inexactes ou incomplètes est dangereux dans tous les domaines: médical et scientifique, juridique, entrepreneurial, personnel…

J’ai évoqué dans un article récent le risque que des lois soient votées par le Parlement sur la base de fake news.

Le risque existe aussi que des lois soient votées, ne soient pas votées, ou soient différentes de ce qu’elles pourraient être, à cause d’une situation de conflit d’intérêts affectant des parlementaires.

Au-delà de la question du vote des lois, les fake news n’ont pas droit de cité dans notre société de l’information, sauf à titre humoristique ou parodique.

Les conflits d’intérêts doivent quant à eux, quand on ne peut les éviter, faire l’objet d’une information des parties intéressées. C’est d’ailleurs ce que prévoit de manière générale, depuis 2016, le Code civil par son article 1161 qui impose d’informer la personne représentée à un contrat du fait que le représentant pourrait représenter une autre partie.

Alors, fake news et conflits d’intérêts, même combat?

Les fake news sont de fausses informations qui ne devraient pas être diffusées, et qui lorsqu’elles l’ont été, doivent être signalées comme fausses.

Les conflits d’intérêts doivent donner lieu à une information permettant aux parties susceptibles d’être affectées par la situation de préserver leurs intérêts.

Dans les deux cas, la question de l’information est centrale.

 

PS: on rapprochera de cette question la diffusion d’informations scientifiques non vérifiées ou très discutables, qui fait l’objet d’une tribune intéressante, signée par de nombreux enseignants-chercheurs, chercheurs et journalistes.

Bruno DONDERO

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Les « fake news » au Parlement

L’adoption de lois de qualité est bien évidemment un objectif primordial dans une démocratie comme la nôtre.

On peut par conséquent espérer que les lois sont adoptées selon un processus à même d’identifier les possibles imperfections. Le processus législatif doit permettre notamment de repérer les mauvaises informations qui pourraient affecter la loi, de faire du « fact checking » en somme.

Bien entendu, la critique est aisée, et les rédacteurs des textes ne sont pas à l’abri d’erreurs.

Mais l’on se rend compte, de manière inquiétante, que le processus législatif ne met pas le Parlement à l’abri des « fake news » – à prendre ici comme des informations erronées et introduites en connaissance de cause dans le processus, ou simplement colportées sans qu’il ait été procédé à leur vérification.

L’exemple récent de Marine Le Pen à l’Assemblée nationale.

Lors du vote par l’Assemblée nationale de la loi ratifiant l’ordonnance de réforme du droit des contrats, Marine Le Pen a fait deux interventions au soutien d’amendements présentés par son groupe, l’un relatif à la notion d’objet du contrat, l’autre relatif à l’erreur de droit.

Nous en avons parlé sur ce blog, car la députée FN nous donnait l’occasion de présenter ces notions fondamentales du droit des contrats… précisément parce qu’elle ne maîtrisait ni l’une ni l’autre.

Dans un cas, elle soutenait la réintroduction dans le Code civil d’une notion que l’ordonnance fait disparaître – l’objet du contrat.

Dans l’autre, elle s’insurgeait contre l’introduction en droit français d’une notion qu’elle présentait comme issue du droit américain – la possibilité de faire annuler un contrat parce que l’une des parties aurait commis une erreur en droit sur sa situation.

Dans les deux cas, l’amendement soutenu n’a pas été adopté.

Mais dans les deux cas, les arguments donnés par Marine Le Pen au soutien desdits amendements étaient erronés. Précisément, ils étaient faux en droit.

Pour l’objet du contrat, Mme Le Pen confondait la notion d’objet avec celle de cause de l’obligation.

Pour l’erreur de droit, la notion est reconnue depuis la première moitié du 19ème siècle par la jurisprudence française. En termes de « nouveauté » et de nouveauté « venue du droit étranger », on fait mieux…

 

 

Ce n’est pas pour le plaisir de critiquer une parlementaire en particulier que je reviens sur ces événements, mais parce qu’il est intéressant de s’interroger sur les informations reçues des députés lorsqu’ils votent, et sur l’influence qu’elle peuvent avoir sur leur consentement.

Si l’amendement de Marine Le Pen sur l’erreur de droit avait été voté, le droit français aurait été modifié d’une manière qui n’aurait sans doute pas été en accord avec le souhait du législateur (lorsqu’il avait habilité le Gouvernement à réformer par ordonnance le droit des contrat): on aurait retiré du droit civil français une cause de nullité reconnue depuis très longtemps par la jurisprudence, mais ce retrait serait intervenu sur un fondement erroné. On aurait entendu préserver le droit français des contrats de l’introduction d’une règle nouvelle, alors que cette règle était en application de longue date devant nos tribunaux. On aurait donc tordu le cou à une jurisprudence bien établie, en voulant préserver la situation de notre droit…

 

Rappel de la nécessité du consentement

Notre droit connaît une notion très vaste, qui est celle des actes juridiques, c’est-à-dire les manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit.

Le contrat est l’un des actes juridiques les plus importants, mettant en contact deux ou plusieurs parties qui s’engagent à exécuter des obligations déterminées ou déterminables.

Mais parmi les actes juridiques, on rencontre aussi une figure différente, qui est celle des actes juridiques collectifs. L’acte juridique collectif est celui « par lequel se manifestent les volontés d’un ensemble de personnes unies par une communauté d’intérêts ou impliquées par une action commune » (F. Terré, Introduction générale au droit, 10ème éd., Dalloz, 2015, n° 221). L’acte juridique collectif peut être notamment un vote en assemblée, qu’il s’agisse de l’assemblée des associés d’une société ou d’une assemblée parlementaire.

Le Code civil, dans sa rédaction la plus récente, définit utilement les actes juridiques et indique qu’ « ils obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats » (art. 1100-1).

L’article 1128 du Code civil définit les conditions de validité du contrat et il mentionne en premier « le consentement des parties », c’est-à-dire la volonté de réaliser l’acte juridique en question.

Ce consentement ne doit pas être vicié, ce qui signifie qu’il ne doit pas porter sur des informations erronées.

On connaît en droit des contrats l’erreur au sens strict, qui est une erreur qui trouve son origine chez la seule partie qui se trompe. En clair, elle se trompe toute seule. Je vous achète un objet que je crois en or, alors qu’il est en métal doré. Si cette erreur remplit certaines conditions – elle doit notamment être excusable – le contrat conclu par erreur peut être annulé.

On connaît aussi le dol, qui est l’erreur provoquée par l’autre partie, qui fournit intentionnellement des informations erronées. Par exemple un faux certificat attestant que l’objet vendu est en or, alors qu’il ne l’est pas.

Le dol législatif

Lorsque le Parlement vote la loi, les députés réalisent ensemble un acte juridique, au même titre que le ferait une assemblée réunissant les actionnaires d’une société ou les membres d’association.

Lorsqu’une assemblée d’actionnaires ou de sociétaires prend une décision sur la base d’informations fausses, cette décision peut faire l’objet d’une annulation. Cela n’est pas discuté en droit des groupements.

Mais si le Parlement vote de manière biaisée, c’est-à-dire influencée par de fausses informations, peut-on envisager que son vote soit nul ?

La nullité est effectivement, en droit privé, la sanction de l’erreur et du dol. Maintenant, on a un peu de mal à traiter le vote d’une assemblée parlementaire comme le premier contrat de consommation venu.

L’escroquerie à la loi

On connaît l’escroquerie au jugement. Cette forme particulière d’escroquerie ou de tentative d’escroquerie consiste à produire devant une juridiction des documents de nature à tromper le juge, pour obtenir qu’il prononce une décision favorable à l’auteur de la manipulation ou à une autre personne.

L’escroquerie à la loi pourrait être le fait de produire des informations fausses devant le Parlement pour conduire celui-ci à adopter un texte différent de celui qui serait voté sinon.

Mais au-delà d’éventuelles sanctions pénales, peut-on envisager que la loi elle-même soit remise en cause ?

Est-ce par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) que la loi adoptée à la suite de la transmission d’informations fausses doit être contestée ?

La Constitution dispose que la loi est votée par le Parlement (art. 24), mais ne doit-on pas considérer que cet article est violé quand l’Assemblée ou le Sénat ne donne son consentement que sur la base de fausses informations ?

Dans le cas de Marine Le Pen, le caractère erroné des informations données était aisément identifiable par n’importe quel juriste maîtrisant les bases du droit des contrats.

Mais le Parlement peut aussi travailler sur la base d’informations erronées relevant du domaine scientifique, notamment médical.

Imaginons qu’une loi autorise l’utilisation d’un pesticide sur le fondement d’études scientifiques présentant le produit comme dépourvu de danger pour l’homme, alors qu’il est extrêmement dangereux.

La loi ne pourrait-elle voir sa validité contestée du fait de l’absence de consentement du Parlement?

 

Bruno DONDERO

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