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Loi Macron: feu vert au crédit inter-entreprises, oui, mais en respectant pas moins de 13 conditions!

La loi Macron, dont on attend la promulgation après son passage devant le Conseil constitutionnel, aborde tellement de sujets différents et passionnants que l’on pourrait passer à côté de certaines des mesures du nouveau texte, qui ne sont pas celles dont on a le plus parlé.

Nous avions évoqué dans les colonnes de ce blog la question du crédit inter-entreprises, sujet abordé par le projet de loi.

Pour rappeler le sujet en quelques mots, le prêt d’argent fait à titre onéreux et habituel (c’es-à-dire à plus d’une seule personne) ne peut en principe être fait que par un établissement de crédit ou une société de financement, et ce sous peine de sanctions lourdes (3 ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende, en premier lieu).

La loi Macron a vu monter à son bord, au cours des travaux parlementaires et contre l’avis du Gouvernement, un amendement proposant d’autoriser le crédit entre les entreprises, ce qui aurait permis à une entreprise de mettre son excédent de trésorerie à la disposition d’une autre, sans courir le risque de violer le monopole bancaire. L’amendement était rédigé de manière assez peu rigoureuse, mais il allait dans le sens de l’ouverture d’une brèche assez large dans le monopole bancaire.

Le texte voté au final est moins généreux à cet égard, puisque le crédit inter-entreprises se trouve soumis au respect de pas moins de 13 conditions différentes, en attendant d’ailleurs de connaître le décret qui encadrera cette forme de crédit et édictera peut-être encore des conditions supplémentaires.

Concrètement, l’article L. 511-6 du Code monétaire et financier, texte qui édictait déjà plusieurs exceptions au monopole bancaire, se voit ajouter un nouveau paragraphe, qui énonce différentes conditions, résumées ci-après:

Conditions relatives à la société prêteuse : il doit s’agir 1) d’une société par actions (société anonyme, en commandite par actions, par actions simplifiée, société européenne) ou d’une SARL 2) dont les comptes font l’objet d’une certification par un commissaire aux comptes.

Conditions relatives au prêt : le prêt doit être consenti 3) à titre accessoire à l’activité principale de la société prêteuse, 4) être à moins de deux ans, et 5) l’octroi de ce prêt ne peut avoir pour effet d’imposer à un partenaire commercial des délais de paiement ne respectant pas les plafonds légaux définis aux articles L. 441-6 et L. 443-1 du Code de commerce. Le prêt doit en outre être 6) formalisé dans un contrat et 7) soumis à la procédure des conventions réglementées (les textes visés sont uniquement ceux des SARL et une partie de ceux applicables aux sociétés anonymes, mais pas ceux applicables aux SAS, ce qui résulte dans doute d’une erreur du rédacteur du texte).

Conditions relatives à l’emprunteur : l’emprunteur doit 8) relever de la catégorie des micro-entreprises, des PME ou des entreprises de taille intermédiaire et 9) il doit entretenir avec la société prêteuse des liens économiques justifiant le prêt.

Conditions supplémentaires : 10) un décret en Conseil d’État à intervenir fixera les conditions et les limites dans lesquelles les sociétés par actions et SARL pourront octroyer des prêts. 11) Le montant des prêts consentis sera communiqué dans le rapport de gestion (au moins de la société prêteuse, faut-il penser) et 12) fera l’objet d’une attestation du commissaire aux comptes selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État. Il est encore prévu que 13) nonobstant toute disposition ou stipulation contraire, les créances détenues par le prêteur ne pourront, à peine de nullité, être acquises par un organisme de titrisation, un fonds professionnel spécialisé ou faire l’objet de contrats constituant des instruments financiers à terme ou transférant des risques d’assurance à ces mêmes organismes ou fonds.

Bruno DONDERO

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Loi Macron: feu vert aux crédit inter-entreprises!

Le projet de loi Macron touche des sujets tellement nombreux que l’on pourrait ne pas se rendre compte de l’importance considérable de certaines des mesures qui sont discutées. Lundi 9 février, a été adopté un amendement (n° 1480), malgré l’avis défavorable du ministre, qui pourrait modifier de manière substantielle l’accès au crédit de nos entreprises.

Est ouverte une brèche dans le monopole bancaire, puisque ce n’est plus auprès des seules banques que les entreprises pourraient contracter un crédit, comme c’est le cas actuellement avec un certain nombre d’exceptions il est vrai, mais plus largement auprès d’entreprises « partenaires ».

Revenons sur le monopole bancaire et ses conséquences sur le crédit inter-entreprises (I) avant d’envisager l’incidence de la mesure votée (II).

I – Le monopole bancaire et ses conséquences sur le crédit inter-entreprises.

Le Code monétaire et financier édicte ce que l’on appelle le monopole bancaire. En substance, seule une banque ou un établissement assimilé peut réaliser une opération de crédit à titre onéreux (un prêt d’argent rémunéré) de manière habituelle, l’habitude s’entendant ici d’une répétition d’actes mais aussi d’une pluralité de destinataires. Ceux qui font ce type d’opération de manière habituelle sans respecter les exigences légales, donc sans être un établissement de crédit ou sans rentrer dans l’une des exceptions, encourent des sanctions pénales (3 ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende, notamment) et civiles (des dommages-intérêts).

De nombreuses exceptions existent cependant, qui visent des situations assez différentes: un employeur peut consentir des avances sur salaires, une société mère peut prêter à sa filiale, un fournisseur peut consentir des délais de paiement, etc.

Lorsque l’on n’est pas dans une de ces situations, il est en pratique difficile qu’une entreprise prête de l’argent à une autre. Soit elle le fait à titre onéreux, et demande une contrepartie au prêt, ce qui peut constituer une violation du monopole bancaire dès lors que l’opération intervient plus d’une fois. Soit le prêt est fait à titre gratuit, mais cela peut alors constituer un cas d’abus de biens sociaux, une faute de gestion, un acte anormal de gestion, etc. La trésorerie d’une entreprise ne doit normalement pas servir à financer gratuitement une autre entreprise.

II – L’exception nouvelle au monopole bancaire.

Deux textes du Code monétaire et financier sont modifiés par l’amendement défendu en séance par M. Fromantin (rappelons que le Sénat doit encore examiner le texte). Les modifications visent à permettre à des entreprises de prêter de l’argent à des entreprises « partenaires ».

On va plus loin que ce qui existe aujourd’hui, puisque l’on permet à deux entreprises sans lien de capital (pas nécessairement une société mère et sa filiale) de conclure un contrat de prêt, et de le faire de manière répétée.

L’un des deux textes nouveaux vise des prêts à moins de deux ans, et l’autre vise des « opérations de crédit » sans précision. On comprend de l’exposé accompagnant l’amendement que l’intention des rédacteurs était de ne viser que les prêts à moins de deux ans, mais ce n’est pas ce qui a été voté.

En l’état du texte voté, on ne sait pas vraiment ce que recouvre la condition du « partenariat ». Un texte parle de liens économiques justifiant le prêt, l’autre vise un contrat de « partenariat » qui devra être conclu.

La rédaction devra être affinée, mais le plus important n’est pas là. La réforme envisagée va ouvrir une brèche importante dans le monopole bancaire. En permettant aux entreprises de se financer les unes les autres, on va faciliter l’accès au crédit des PME, mais il faudra prévoir des garde-fous pour éviter l’apparition d’un secteur bancaire parallèle non encadré.

 Bruno DONDERO

 a différence l’importance de ce

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