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La réforme de la réforme du droit des contrats (suite et normalement fin)

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Les membres titulaires de la Commission mixte paritaire

 

L’Assemblée nationale et le Sénat n’avaient pas réussi à s’accorder sur le texte de la loi de ratification de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. La commission mixte paritaire (CMP) qui s’est réunie ce matin est parvenue à trouver un accord entre députés et sénateurs. Le texte des articles est disponible ici.

Reprenons les différentes dispositions qui ont fait l’objet d’un accord, avant d’envisager la suite.

I – Formation et contenu du contrat.

L’offre est caduque en cas d’incapacité ou de décès de son auteur, mais aussi, comme le Sénat le souhaitait, en cas de décès de son destinataire (art. 1117 du Code civil).

Lorsque, dans les contrats de prestation de services, le prix est fixé unilatéralement par le créancier, le juge peut être saisi d’une demande de dommages-intérêts, comme l’art. 1165 le prévoyait, mais aussi d’une demande de résolution.

L’article 1166 n’aura quant à lui pas été modifié pour intégrer la notion d’attente raisonnable du seul créancier quant à la qualité de la prestation fournie, et il fera donc encore référence aux « attentes légitimes des parties ».

Sur les contrats d’adhésion et le sort des clauses abusives dans ces contrats, le dispositif de l’art. 1171 permettant de réputer une clause non écrite en ce qu’elle serait abusive car créant un déséquilibre significatif est modifié comme le voulait le Sénat : la clause abusive est nécessairement « non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties ». Rappelons que dans le même temps, l’article 1110 donne une définition du contrat d’adhésion qui retient qu’il « comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties » (mais les deux Chambres étaient tombées d’accord sur cette définition).

II – Exécution du contrat.

Sur la révision pour imprévision :

  • le juge conserve, comme le voulait l’Assemblée, le pouvoir de réviser le contrat, en plus de pouvoir y mettre fin, lorsque l’exécution devient excessivement onéreuse (art. 1195) ;
  • la rédaction de l’article L. 211-40-1 du Code monétaire et financier qui soustrait certaines opérations (celles portant sur les titres financiers et sur les contrats financiers) est celle de l’Assemblée nationale.

Précisons, mais les Chambres étaient d’accord, qu’il est précisé à l’article 1221 que le débiteur doit être de bonne foi pour que l’exception de disproportion manifeste entre le coût pour le débiteur et l’intérêt pour le créancier puisse s’opposer à une demande d’exécution forcée en nature.

L’article 1223 est modifié, et des différentes versions qui avaient été votées, c’est plutôt dans le sens de l’une des versions voulues par les députés que l’on s’est orienté. La rédaction définitive clarifie l’intervention du juge et le fait que chaque alinéa concerne une hypothèse différente (al. 1er : le créancier n’a pas encore payé tout ou partie de la prestation ; al. 2 : le créancier a déjà payé).

III – Entrée en vigueur.

L’article 15 de la loi de ratification définit dans quelles conditions le texte entre en vigueur, dans les termes qui avaient été retenus par l’Assemblée… à quelques nuances près.

Cela revient à reconnaître trois droits des contrats, de la preuve et du régime général de l’obligation, si l’on peut dire :

  • le droit antérieur à l’ordonnance, applicable aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016 ;
  • le droit applicable aux contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et jusqu’au 1er octobre 2018, qui est celui de l’ordonnance du 10 février 2016 non modifiée. Toutefois, une série de modifications opérées par la loi de ratification le sont avec un caractère interprétatif, ce qui doit leur donner un effet « rétroactif », et permettre leur application aux contrats conclus avant le 1er octobre 2018 (mais après le 1er octobre 2016) ;
  • le droit applicable aux « actes juridiques conclus ou établis à compter » du 1er octobre 2018, c’est-à-dire de l’entrée en vigueur de la loi de ratification. C’est ici une formulation retenue par la CMP, qui suscitera probablement quelques interrogations.

Une interrogation tient aussi à la manière dont la jurisprudence naissante intégrera cette nouvelle « tranche » de droit, alors qu’elle avait entrepris d’intégrer par anticipation certains aspects de l’ordonnance du 10 février 2016…

IV – Et après ?

L’article 45 de la Constitution dispose :

« (…) Le texte élaboré par la commission mixte peut être soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux Assemblées. Aucun amendement n’est recevable sauf accord du Gouvernement.

Si la commission mixte ne parvient pas à l’adoption d’un texte commun ou si ce texte n’est pas adopté dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par l’Assemblée nationale et par le Sénat, demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement. En ce cas, l’Assemblée nationale peut reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat ».

Scénario le plus probable : la version adoptée par la CMP sera soumise rapidement aux deux Chambres, qui l’adopteront.

Restera certes l’hypothèse d’une saisine du Conseil constitutionnel, mais il semble que l’histoire de cette réforme, ou plus exactement l’histoire de l’adoption de cette réforme, touche à sa fin.

Pour le reste, ce nouveau droit des contrats n’en est qu’à ses débuts !

Bruno DONDERO

 

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