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La bataille de l’article 1161 du Code civil

L’article 1161 du Code civil est l’un des textes issus de la réforme du droit des contrats (ordonnance du 10 février 2016) qui a, depuis son adoption, donné lieu aux interrogations les plus nombreuses.

En apparence, il s’agit « seulement » d’un texte relatif aux conflits d’intérêts qui peuvent affecter le représentant d’une partie à un contrat.

L’article 1161 dispose :

« Un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté.

En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié ».

Un texte faussement simple.

Si je confie à un représentant la mission de vendre mon bien, avec mission de négocier le prix le plus élevé possible, je n’ai pas envie de découvrir que la vente a été finalement conclue avec le représentant lui-même, qui aura donc signé une fois en qualité de représentant du vendeur, et une seconde fois en son nom propre, comme acheteur.

Autre situation non souhaitable : l’intermédiaire que j’avais chargé de vendre le bien au meilleur prix était dans le même temps mandaté par l’acheteur pour signer le contrat de vente au prix le plus bas. L’intermédiaire était donc rémunéré par les deux parties au contrat, qui poursuivaient des intérêts opposés.

Dans les deux cas, le vendeur peut voir son intérêt lésé par cet « agent double ».

La jurisprudence et certains textes spéciaux (en réalité très nombreux) avaient déjà formulé des restrictions, mais l’on manquait d’une règle générale inscrite dans les textes.

Quand je dis que l’on manquait, cela signifie qu’une telle règle n’existait pas dans nos textes, mais pas nécessairement qu’elle était indispensable et qu’il s’imposait de la formaliser dans le Code civil.

Les rédacteurs de l’ordonnance du 10 février 2016 ont choisi de le faire, ce qui soulève essentiellement une difficulté, qui est celle de la conciliation de ce nouveau dispositif avec les dispositifs spéciaux.

La difficulté de l’articulation du nouveau dispositif avec les dispositifs spéciaux.

C’est surtout à propos du droit des sociétés que la question a été évoquée.

Lorsqu’une société veut conclure un contrat avec son dirigeant (qui est aussi son « représentant ») ou lorsque deux sociétés qui ont le même dirigeant / représentant concluent un contrat, on n’a pas attendu l’article 1161 pour encadrer l’opération.

Dans certains cas, des procédures sociétaires particulières doivent être suivies (autorisation préalable d’un organe, approbation postérieure d’un autre organe, rapport des commissaires aux comptes, notamment). C’est en principe le cas pour les conventions conclues par les sociétés par actions ou les SARL avec leurs dirigeants, par exemple.

Dans d’autres cas, le législateur soustrait expressément la conclusion des contrats à la procédure de contrôle normalement applicable. C’est notamment le cas, toujours dans le cadre des sociétés par actions et des SARL, pour les conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales – conventions dites « libres ».

Enfin, dans d’autres situations, rien n’a été précisé. Dans une société en nom collectif, par exemple, le contrat conclu par le gérant avec la société ne fait pas l’objet de règles particulières.

La question se pose alors de savoir si les conventions libres et les conventions qui ne sont pas soumises à contrôle ne doivent pas « retomber » dans le giron du droit commun, et relever alors du contrôle prévu par l’article 1161.

Le texte dit bien que les conventions qu’il contrôle ne sont pas nulles lorsque la loi les a autorisées, mais dans le cas des conventions libres et surtout dans le cas des conventions non contrôlées par le droit spécial, on peut se demander si elles sont bien « autorisées » par la loi.

Le spécial déroge au général.

Il est en droit une règle fondamentale, mais que l’on a un peu de mal à saisir avec précision, selon laquelle le spécial déroge au général (Specialia generalibus derogant).

Cette règle signifie que la règle spéciale écarte la règle générale, ce qui devrait aller dans le sens de dire que lorsqu’une règle de contrôle des conflits d’intérêts est prévue par le droit des sociétés, droit spécial, la règle du droit des contrats, droit général, est écartée.

Mais jusqu’où cette mise à l’écart de la règle générale vaut-elle ?

Par exemple, lorsqu’une société ne fait pas l’objet d’une règle spéciale de contrôle des conflits d’intérêts, comme c’est le cas de la SNC, la règle générale ne retrouve-t-elle pas à s’appliquer ?

Mon opinion est que le droit des sociétés tout entier doit être vu comme un droit spécial, et que si le législateur n’a pas encadré de manière particulière les conventions conclues par une SNC avec son gérant, ou par plusieurs sociétés dont une SNC représentées par le même dirigeant, c’est qu’il considère que ces situations sont « libres ».

Maintenant, lorsqu’une société est représentée par un mandataire (une personne dont le pouvoir provient d’un contrat et non des statuts de la société ou de la loi), ce n’est plus du droit des sociétés que la situation relève, mais du droit des contrats, et l’article 1161 du Code civil doit retrouver son autorité.

Une situation incertaine.

La question de l’article 1161 présente incontestablement des incertitudes.

Incertitudes quant au champ d’application du dispositif, dont on ne peut malheureusement affirmer avec la certitude la plus absolue s’il est écarté dans toutes les situations relevant du droit des sociétés (ce qui est mon analyse).

Incertitudes quant à son champ d’application résiduel, certains ayant estimé qu’il retrouverait à s’appliquer pour les conventions libres.

Incertitudes enfin quant à la mise en œuvre du dispositif, lorsque celui-ci est applicable.

Illustration : si le dirigeant d’une société civile souhaite conclure un contrat avec cette société et que l’on considère que l’article 1161 du Code civil joue, alors il faut que le « représenté » autorise ou ratifie la conclusion de la convention. Mais le texte précité n’indique pas par qui la société représentée doit agir dans cette situation. Cela semble aller de soi que ce n’est pas par la bouche du gérant « conflicté » que cette autorisation doit être donnée, mais est-on pour autant dans la situation où ce sont les associés qui doivent agir parce que la décision excéderait les pouvoirs du gérant, au sens de l’article 1852 du Code civil ? Ce texte dispose que « Les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants [d’une société civile] sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l’absence de telles dispositions, à l’unanimité des associés ». Parce que les statuts d’une société civile auront rarement envisagé la question de l’application de l’article 1161, ne risque-t-on pas d’être soumis à une exigence d’unanimité des associés (en admettant qu’ils aient compétence) ?

Clarification du droit…

Attaqué de toutes parts, l’article 1161 du Code civil a subi une réduction importante de son champ d’application lorsque le Parlement a discuté, en première lecture, de la loi de ratification de l’ordonnance du 10 février 2016.

Gouvernement, Sénat, Assemblée nationale : tous ont été d’accord pour restreindre le champ d’application de l’article 1161 du Code civil aux hypothèses de représentation des seules personnes physiques.

Les sociétés, les associations, les GIE et les autres personnes morales ne seraient donc plus concernées par le texte, du moins si celui-ci n’est pas modifié en seconde lecture.

… ou action de lobbying ?

Des auteurs – les professeurs Florence Deboissy et Guillaume Wicker – ont ouvert un débat de ceux qui mettent en effervescence le petit monde des professeurs de droit.

 

Par deux publications à la Semaine juridique édition Entreprise, l’une en février 2017, l’autre en décembre, ils prennent le contrepied des critiques qui ont pu être émises à l’égard de l’article 1161.

Ils estiment que si certaines critiques étaient portées par des plumes soucieuses de l’articulation technique des différentes dispositions, d’autres seraient le fait de membres de la doctrine « davantage préoccupés de satisfaire la revendication d’une partie des milieux d’affaires à une totale liberté d’action que viendrait remettre en cause le jeu de l’article 1161 dans les domaines non couverts par le droit spécial des sociétés ».

Pour ma part, je crois assez peu que certains de mes collègues seraient partis en campagne contre l’article 1161 du Code civil parce que les « milieux d’affaires » les auraient chargés d’aller défendre des situations de conflits d’intérêts menacées par le nouveau texte.

Il me semble que l’article 1161 soulève de redoutables questions d’articulation avec le droit des sociétés, et que les incertitudes relatives tant au champ d’application du texte qu’à la manière de requérir l’autorisation ou la ratification du « représenté » que prévoit le texte risquent d’entraver assez sérieusement le fonctionnement des entreprises pour que la doctrine s’en émeuve.

Bruno DONDERO

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French Contract Law : what is going to change ?

Some time ago, I put on this blog some basic informations about French Contract Law, in four posts (the first of them is here).

In February 2015, a law was voted by the French Parliament, which allowed the Government to enact a reform of our Contract Law.

The February 2015 Act leaves until February 2016 for enacting the ordinance that will set forth the revised Contract Law.

It is already possible to give a quick look at what will be the revised French Contract Law, as opposed to what it is today.

I – French Contract Law as of today

In 1804, the Code civil has set forth the core of Contract Law, the rules that apply to every contract (i.e. how does a contract come into existence and under which conditions, and how it is executed, modified and terminated).

Such rules were left almost unchanged for more than two centuries, except for two major adjunctions:

1) During all that time, French courts were very prolific and even if there is no formal rule of precedent in our legal system, the Code civil provisions have been enriched by our judges, who built coherent adjunctions to the texts written in 1804. It must be said that their work was generally useful and well-thought. For instance, essential rules about precontractual negotiations were issued by our judges, who set forth that as a rule of principle, you can walk away from the negotiations as long as the parties do not agree on closing the contract, but a party that allows precontractual discussions to go on without telling the other that he/she has no intention of closing the contract can be liable to the other party.

 2) After the Code civil was passed, specific bodies of rules were enacted, generally aiming at protecting a weaker party, from a structural point of view. The best examples are Labor Law and Consumer Law which today have their own body of texts and case law, and their own logic, but each of these branches of law is based on general contract Law and therefore on the Code civil.

II – French Contract Law from now on.

Two elements give us some clues about what the revised French Contract Law will be, because the February 2015 act contained some indicatory provisions, and because our Ministry of Justice submitted a project to a public consultation.

The three trends that I identified in the project can be synthetized as follows: security, clarification, and protection.

1) The revised Contract Law project brings more security to the parties, notably by consecrating in the Code civil solutions that were created by the courts, and useful ones, like the precontractual negotiations rules, hence protecting such solutions from a change in case law. At the same time, case law solutions viewed as bad for the business are clearly rejected by the legislator, like the insufficient protection given to the promise to enter a contract.

2) The project also brings clarification, by setting forth some principles, which were until now only expressed by the courts and the legal literature. For instance, formal recognition is given to the freedom of entering a contract. The notion of cause, which is at the same time the consideration and the reason why a party enters a contract is suppressed, even if the concrete solutions based on that notion are kept onboard (like the possibility to set aside a clause that contradicts a debtor’s essential obligation).

3) Finally, the project means to give better protection to the weakest party, and that could be criticized. For instance, a legal hardship provision will be introduced, allowing a party who has to face increased costs of contract execution, due to a change in the economic context, to ask for a renegotiation… if such party did not waive that possibility in the contract. Such legal protection is not absurd, but it is a subject that is already addressed (i) by specific bodies of law, like Consumer Law, (ii) by French bankruptcy Act, and possibly (iii) by contractual provisions.

 Bruno DONDERO

Professor at Paris 1 Panthéon – Sorbonne University

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La réforme du droit des contrats: les possibles évolutions

Le journal Les Echos avait diffusé au début de l’année un texte présenté comme un projet d’ordonnance réformant le droit des contrats, des quasi-contrats, le régime général de l’obligation et le droit de la preuve. Signalons que quelques pages manquent (p. 4 à 6).

 

http://www.lesechos.fr/15/01/2014/lesechos.fr/0203242436733_document—avant-projet-de-reforme-du-droit-des-contrats.htm

 

Ce texte a été commenté par Daniel Mainguy : http://www.daniel-mainguy.fr/article-la-reforme-du-droit-des-contrats-et-des-obligations-en-2014-122087833.html

 

Pour mémoire, la réforme du droit des contrats a, au cours des dix dernières années, fait l’objet de trois textes distincts. Deux sont d’origine doctrinale, et sont l’avant-projet Catala (http://www.justice.gouv.fr/art_pix/RAPPORTCATALASEPTEMBRE2005.pdf) et l’avant-projet Terré. La Chancellerie a diffusé pour sa part en 2008 un avant-projet, qui a connu des évolutions.

 

Aujourd’hui, on ne sait pas encore avec certitude si les matières en question, et particulièrement le droit des contrats, feront l’objet d’une réforme par voie d’ordonnance. Une commission mixte paritaire doit réunir des députés et des sénateurs, les premiers s’étant prononcés favorablement à une telle méthode de réforme, au contraire des seconds (v. notre post précédent: https://brunodondero.wordpress.com/2014/04/21/reforme-du-droit-des-contrats-par-ordonnance-le-retour/ ).

 

Le texte présenté traite du droit des contrats dans ses pages 2 à 34, étant précisé que c’est le régime général du contrat qui est réformé. Le mot de réforme recouvre plusieurs mouvements différents, en réalité.

 

De grands principes sont affirmés :

–        Liberté de contracter et de ne pas contracter, du choix du cocontractant, du contenu et de la forme du contrat (art. 2) ;

–        Formation et exécution des contrats de bonne foi (disposition autonome – art. 3) ;

–        Principe du consensualisme (art. 79) ;

–        Parallélisme des formes (art. 81) ;

–        Affirmation d’un devoir général d’information (art. 37) ;

–        Principe du droit à l’exécution en nature (art. 129).

 

Des notions et des solutions dégagées par la doctrine ou la jurisprudence sont consacrées :

–        Contrat consensuel, solennel, d’adhésion, de gré à gré, qui sont définis ;

–        Offre et acceptation (art. 19 et s.) ;

–        Conditions générales (art. 20) ;

–        Réticence dolosive (art. 44, à relier au devoir d’information de l’art. 37) ;

–        Violence résultant de l’abus d’un état de nécessité ou de dépendance (art. 50) ;

–        Fixation unilatérale du prix par une partie (art. 71 et 72) ;

–        Prohibition des engagements perpétuels et règles relatives à la durée des contrats (art. 119 à 124).

 

Des solutions jurisprudentielles sont au contraire remises en cause ou modifiées :

–        La promesse unilatérale voit son efficacité renforcée, la révocation de la promesse ne pouvant empêcher la formation du contrat promis (art. 24) ;

–        Renforcement également de l’efficacité du pacte de préférence, les sanctions de nullité et de substitution étant introduites lorsqu’un contrat a été conclu en violation du pacte avec un tiers qui en connaissait l’existence (art. 25) ;

–        La théorie de l’imprévision est reconnue (art. 104) : si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend son exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’a pas accepté d’en assumer le risque, cette partie peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Si la renégociation n’aboutit pas, les parties peuvent demander d’un commun accord au juge de procéder à l’adaptation du contrat, ou bien une partie seule peut lui demander de mettre fin au contrat.

 

La cause disparaît des conditions de validité du contrat (art. 35) mais les solutions fondées sur cette notion sont maintenues : le contrat dont le but déroge à l’ordre public est nul (art. 69), de même que le contrat à titre onéreux en cas de contrepartie illusoire ou dérisoire (art. 75). La clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite (art. 76).

 

Une théorie générale de la représentation est instituée (art. 60 à 68). Des règles issues de la théorie du mandat sont reprises, et un article consacré aux conflits d’intérêts apparaît (art. 68).

 

Une théorie générale de la nullité et de la caducité est établie (art. 86 à 95).

 

La notion de clause abusive, qui est celle qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, est introduite dans le droit général des contrats ; une telle clause peut être supprimée par le juge (art. 77).

 

Quelques innovations encore sont à signaler en cas d’inexécution, comme la possibilité reconnue au créancier de réduire proportionnellement le prix en cas d’exécution imparfaite du contrat (art. 131) ou la consécration du droit pour le créancier de résoudre le contrat par voie de notification à son cocontractant après une inexécution ayant donné lieu à une mise en demeure infructueuse (art. 134) et l’affirmation du fait que la résolution n’affecte pas les clauses relatives au règlement des différends (art. 138).

 

Bruno Dondero

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Réforme du droit des contrats par ordonnance: le retour…

L’Assemblée nationale vient de redonner vie, le 16 avril dernier, à un article du projet de loi « relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures ». Cet article, qualifié par la rapporteure du texte, de « plus important du projet de loi », est relatif à la réforme du droit des contrats par voie d’ordonnance.

La réforme envisagée a même un périmètre plus large que le seul droit des contrats, car elle toucherait aussi les quasi-contrats et le régime général de l’obligation, ainsi que le droit de la preuve. 

Le texte adopté en 1ère lecture par l’Assemblée est le suivant: http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0324.asp .

L’article relatif à la réforme du droit des contrats par voie d’ordonnance avait été supprimé par le Sénat, lors de l’examen du texte en 1ère lecture, au motif, en substance, que la question était trop importante pour être déléguée à une ordonnance.

Lors de la discussion à l’Assemblée, a été évoqué par Mme Colette Capdevielle, rapporteure du texte, le fait que la question avait été beaucoup débattue en commission des lois, compte tenu de l’avis du Sénat, et que si la réforme du droit des contrats n’était pas faite par ordonnance, elle ne serait pas faite du tout, du moins pendant la présente législature. 

On peut citer ce passage de l’intervention de Mme Capdevielle: « C’est vrai, pendant des années, d’éminents spécialistes, des universitaires, des magistrats, des parlementaires ont travaillé sur cette question. Nous aurions sans doute tous, surtout les civilistes, aimé débattre de la cause des obligations, de la naissance du contrat, de l’accord des volontés, des causes d’imprévisibilité. Cela étant, je constate tout de même que ce sujet ne passionne pas les foules. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est certainement dommage, mais aurions-nous passé trois semaines, voire un mois, à en discuter ici alors que l’agenda parlementaire est particulièrement chargé ? Très franchement, je ne le crois pas, d’autant plus que, pour tout vous dire, je n’ai pas été assaillie de demandes de mes collègues désireux de connaître précisément le contenu de l’avant-projet. Reconnaissons-le : le texte que m’a transmis la garde des sceaux est bien écrit et clair. Il aborde tous les aspects : l’avant-contrat, la naissance du contrat, sa vie et sa fin. On voit bien qu’il est rédigé par des spécialistes du droit, d’autant plus qu’il reprend l’ensemble de la jurisprudence, modernise le droit des contrats et le rend enfin lisible et applicable. Si des questions m’avaient été posées, j’aurais bien évidemment donné toutes les réponses. Ce texte, je l’ai indiqué en commission, était à la disposition de tous ceux qui voulaient bien le consulter. On peut s’enferrer, s’enfermer dans des questions de principe, mais cette attitude ne fera absolument pas avancer la situation parce que personne, ici, je dis bien : personne, ne peut discuter l’urgence et la nécessité de ce texte ».

Il est également dit, à propos de l’avant-projet, qu’il « comprend des innovations significatives mais aussi un nettoyage nécessaire » et qu’il « ne bouleverse pas profondément notre droit des contrats ».

 

L’article 3 du projet de loi, tel qu’il a été rétabli, dispose:

« Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures, relevant du domaine de la loi, nécessaires pour modifier la structure et le contenu du livre III du code civil, afin de moderniser, de simplifier, d’améliorer la lisibilité, de renforcer l’accessibilité du droit commun des contrats, du régime des obligations et du droit de la preuve, de garantir la sécurité juridique et l’efficacité de la norme et, à cette fin :

1° Affirmer les principes généraux du droit des contrats tels que la bonne foi et la liberté contractuelle ; énumérer et définir les principales catégories de contrats ; préciser les règles relatives au processus de conclusion du contrat, y compris conclu par voie électronique, afin de clarifier les dispositions applicables en matière de négociation, d’offre et d’acceptation de contrat, notamment s’agissant de sa date et du lieu de sa formation, de promesse de contrat et de pacte de préférence ;

2° Simplifier les règles applicables aux conditions de validité du contrat, qui comprennent celles relatives au consentement, à la capacité, à la représentation et au contenu du contrat, en consacrant en particulier le devoir d’information et la notion de clause abusive et en introduisant des dispositions permettant de sanctionner le comportement d’une partie qui abuse de la situation de faiblesse de l’autre ;

3° Affirmer le principe du consensualisme et présenter ses exceptions, en indiquant les principales règles applicables à la forme du contrat ;

4° Clarifier les règles relatives à la nullité et à la caducité, qui sanctionnent les conditions de validité et de forme du contrat ;

5° Clarifier les dispositions relatives à l’interprétation du contrat et spécifier celles qui sont propres aux contrats d’adhésion ;

6° Préciser les règles relatives aux effets du contrat entre les parties et à l’égard des tiers, en consacrant la possibilité pour celles-ci d’adapter leur contrat en cas de changement imprévisible de circonstances ;

7° Clarifier les règles relatives à la durée du contrat ;

8° Regrouper les règles applicables à l’inexécution du contrat et introduire la possibilité d’une résolution unilatérale par notification ;

9° Moderniser les règles applicables à la gestion d’affaires et au paiement de l’indu et consacrer la notion d’enrichissement sans cause ;

10° Introduire un régime général des obligations et clarifier et moderniser ses règles ; préciser en particulier celles relatives aux différentes modalités de l’obligation, en distinguant les obligations conditionnelles, à terme, cumulatives, alternatives, facultatives, solidaires et à prestation indivisible ; adapter les règles du paiement et expliciter les règles applicables aux autres formes d’extinction de l’obligation résultant de la remise de dette, de la compensation et de la confusion ;

11° Regrouper l’ensemble des opérations destinées à modifier le rapport d’obligation ; consacrer, dans les principales actions ouvertes au créancier, les actions directes en paiement prévues par la loi ; moderniser les règles relatives à la cession de créance, à la novation et à la délégation ; consacrer la cession de dette et la cession de contrat ; préciser les règles applicables aux restitutions, notamment en cas d’anéantissement du contrat ;

12° Clarifier et simplifier l’ensemble des règles applicables à la preuve des obligations ; en conséquence, énoncer d’abord celles relatives à la charge de la preuve, aux présomptions légales, à l’autorité de chose jugée, aux conventions sur la preuve et à l’admission de la preuve ; préciser, ensuite, les conditions d’admissibilité des modes de preuve des faits et des actes juridiques ; détailler, enfin, les régimes applicables aux différents modes de preuve ;

13° Aménager et modifier toutes dispositions de nature législative permettant d’assurer la mise en œuvre et de tirer les conséquences des modifications apportées en application des 1° à 12°.« 

 

L’article 16 du projet de loi prévoit quant à lui que les ordonnances correspondantes devront être prises dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi.

 

La prochaine étape est un passage en commission mixte paritaire.

Bruno DONDERO

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