Plusieurs universités sont actuellement « bloquées », comme on dit pudiquement. En clair, un groupe plus ou moins nombreux de personnes, dont certaines sont étudiants, occupe un ou plusieurs bâtiments et empêche que leur utilisation normale ait lieu. Le personnel administratif et enseignant ne peut plus accéder à son lieu de travail normal, et les étudiants qui voudraient suivre les cours ne peuvent pas le faire.
Cette occupation est illégale, cela ne fait pas de doute.
Elle est d’autant plus inadmissible qu’un très petit groupe entrave les études de milliers d’étudiants. L’extrait du Monde est révélateur: 50 à 200 personnes empêchent 10.000 étudiants d’accéder au site de Tolbiac…
Cela ne rend bien sûr pas un instant admissible la violence qui pourrait être exercée par une personne qui ne représenterait pas la force publique pour mettre fin au blocage. A ce titre, les scènes vues à la Faculté de droit de Montpellier sont particulièrement choquantes.
Une fois que l’on a dit cela, on peut réfléchir à la manière d’éviter que l’année d’études soit compromise pour les étudiants.
10/20, 10/20 améliorable, 15/20 et les autres…
Il va de soi que mettre 10/20 à tout le monde, ou un « 10/20 améliorable », ou une autre note, comme on le lit ici ou là, n’est aucunement une solution envisageable.
Déjà parce qu’on ne voit pas comment une université mettrait des notes fictives à des étudiants qui n’ont pas passé un examen. La note envisageable est généralement traduite dans les relevés de note par… DEF (pour défaillant), et elle empêche de valider son année. Je passe sur le délit de faux que constituerait le fait d’attribuer une note à un étudiant qui n’a pas passé l’examen correspondant.
Ensuite parce qu’il en irait de la crédibilité des diplômes. « Cet avocat est nul en droit des sociétés… mais c’est normal, il a eu son année quand la fac de droit était bloquée… ». Je ne vois pas qu’un enseignant accepte de donner un diplôme à quelqu’un qui n’a pas passé l’examen correspondant.
Enfin parce que ce serait céder à l’occupation illégale de l’université en jouant une comédie inacceptable. Si l’université est empêchée de fonctionner, les étudiants reçoivent une note fictive ?
Contrairement à ce que prétend M. Guénolé, l’université peut décerner « zéro diplôme » pour une année donnée !
Une solution pour les cours magistraux: Facebook Live et assimilés.
Encore une fois, je suis pour la discussion et si un étudiant souhaite suspendre ses études pour protester contre une loi ou une mesure réglementaire qu’il estime injuste, libre à lui de le faire. Mais il devient nécessaire, quand la situation revient à fermer un établissement d’enseignement, de chercher des solutions pour que les étudiants qui souhaitent étudier ne soient pas pénalisés.
Pour les cours magistraux, la première solution que je vois (et que j’utilise) est le cours en vidéo. J’ai déjà écrit à plusieurs reprises sur cette question, et je ne pense pas que l’on perde son âme à filmer son cours et à le diffuser. J’utilise Facebook Live, mais d’autres solutions sont possibles. L’Université Paris 1 par exemple met à disposition des enseignants, sur l’EPI (Espace Pédagogique Interactif), un instrument qui permet de faire son cours en vidéo en circuit fermé (seuls les étudiants inscrits y ont accès).
Facebook Live et les autres canaux ouverts au public présentent le grand avantage d’ouvrir les enseignements à tous, du moins une partie des enseignements. Personnellement, j’y attache une très grande importance (mon esprit « MOOC »!), car je trouve regrettable que les cours ne soient pas conservés et qu’ils soient accessibles à un public réduit. J’adore l’idée que des étudiants malgaches, vietnamiens, brésiliens, etc. puissent suivre un cours de la Sorbonne depuis leur chambre.
Ouvrir les enseignements de cette manière est aussi un moyen de communiquer avec les personnes qui suivent le cours, qui peuvent poser des questions, apporter des éléments tirés de leur expérience professionnelle, etc. Les questions posées sur FB Live sont souvent utiles pour comprendre ce que les étudiants – y compris ceux qui sont dans l’amphi en chair et en os – n’ont pas compris.
D’autres solutions.
Les « nouvelles technologies » offrent d’autres possibilités de remédier au blocage d’une université.
Des instruments de classe virtuelle permettent de mener un TD. L’enseignant est filmé, il a la liste des participants, et ceux-ci interviennent en chat. Leurs interventions sont forcément réduites par l’écrit, mais il est possible d’avoir une vraie interaction avec un groupe de cette manière.
Des exercices de différente sorte peuvent encore être réalisés et transmis via internet. Un devoir peut être remis à l’enseignant, qui le corrige ensuite et expose les éléments de correction par une vidéo ou par une classe virtuelle.
Ces solutions ne sont bien sûr pas les seules, et les enseignants sont tout à fait libres d’expérimenter telle ou telle modalité. Je trouve pour ma part dommage de ne pas tenter de changer sa manière d’enseigner, et il me semble qu’après plusieurs années de cours magistral on est nécessairement tenté de changer autre chose que le contenu du cours!
Les cours de droit que je diffuse sur Facebook n’ont pas fait beaucoup d’émules, mais peut-être que les blocages, s’ils se maintiennent, vont inciter de nombreux enseignants à diffuser leurs cours par d’autres canaux ?
Au final, il se pourrait que les blocages conduisent à donner aux universités un dynamisme en incitant les enseignants à expérimenter de nouvelles modalités pédagogiques !
Bruno DONDERO