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Fake news et conflits d’intérêts: même combat?

 

Deux thèmes très actuels.

Conflits d’intérêts et fake news: voilà deux thèmes dont on parle beaucoup.

Depuis quelques années, la question des conflits d’intérêts est très présente dans le débat public. Nous en avons déjà parlé sur ce blog, notamment pour évoquer les difficultés liées à la définition des conflits d’intérêts. La question est cependant aussi ancienne que l’homme.

Les fake news – informations fausses – ne sont pas une nouveauté non plus, mais Internet et les réseaux sociaux contribuent à leur diffusion ultra-rapide. Les fake news ont été mises sur le devant de la scène pendant les élections présidentielles américaines, qui ont vu des informations fausses – le prétendu soutien du Pape à Donald Trump, par exemple – reprises en boucle par des sites et pages Facebook. Même si elles sont démenties par la suite, ces informations marquent l’opinion, et souvent bien plus que le démenti.

Les fake news sont une arme. Pour être élu, pour vendre plus que mon concurrent, pour être recruté à tel poste, je peux être tenté de diffuser des fausses informations, encensant mon camp ou accablant ceux qui s’opposent à moi. Ce type de comportement encourt des sanctions, y compris pénales.

L’un des dangers des fake news est qu’elles sont généralement présentées comme… exactes. Les sites présentant systématiquement de fausses informations pour faire rire, comme l’excellent Gorafi, annoncent la couleur… ce qui n’empêche pas des journalistes étrangers ou des politiques de prendre occasionnellement pour argent comptant certaines de ces informations parodiques…

 

 

Point commun des fake news et des conflits d’intérêts: leur caractère sournois.

Le caractère sournois des fake news les rapproche des conflits d’intérêts.

Imaginons la situation du propriétaire d’un appartement qui souhaite le vendre au meilleur prix. Le prix de marché serait d’un million d’euros, mais les acheteurs potentiels proposent tous un prix plus faible.

Cela peut être dû au fait que des informations fausses, annonçant une dégradation du voisinage – la proximité immédiate d’une autoroute, par exemple – sont diffusées.

Cela peut être dû aussi au fait que l’intermédiaire que le vendeur a chargé de trouver un acheteur au prix le plus élevé possible est également rémunéré par l’acheteur, avec la mission de négocier l’appartement au prix le plus bas possible.

Dans les deux cas, l’information fausse ou le conflit d’intérêts peut altérer la prise de décision et conduire le vendeur à agir à l’encontre de son intérêt. Dans le cas de la fausse information, parce que le vendeur croit que cette information correspond à la réalité et que son bien se trouve affecté d’une caractéristique négative qu’il n’a pas en réalité. Dans le cas du conflit d’intérêts parce qu’il croit que l’intermédiaire a agi au mieux de son intérêt de vendeur, alors qu’il agit en réalité au détriment de cet intérêt.

Dans les deux cas, le vendeur ne découvrira qu’après la vente, s’il le découvre un jour, que le prix qu’il a perçu n’est pas aussi élevé qu’il aurait dû l’être en situation « normale », c’est-à-dire sans la diffusion de fausses informations ou sans l’incidence d’un conflit d’intérêts.

 

La lutte pour l’information juste.

Voilà pourquoi l’obtention d’informations exactes est essentielle.

Au-delà d’une affirmation de principe, prendre ses décisions sur la base d’informations inexactes ou incomplètes est dangereux dans tous les domaines: médical et scientifique, juridique, entrepreneurial, personnel…

J’ai évoqué dans un article récent le risque que des lois soient votées par le Parlement sur la base de fake news.

Le risque existe aussi que des lois soient votées, ne soient pas votées, ou soient différentes de ce qu’elles pourraient être, à cause d’une situation de conflit d’intérêts affectant des parlementaires.

Au-delà de la question du vote des lois, les fake news n’ont pas droit de cité dans notre société de l’information, sauf à titre humoristique ou parodique.

Les conflits d’intérêts doivent quant à eux, quand on ne peut les éviter, faire l’objet d’une information des parties intéressées. C’est d’ailleurs ce que prévoit de manière générale, depuis 2016, le Code civil par son article 1161 qui impose d’informer la personne représentée à un contrat du fait que le représentant pourrait représenter une autre partie.

Alors, fake news et conflits d’intérêts, même combat?

Les fake news sont de fausses informations qui ne devraient pas être diffusées, et qui lorsqu’elles l’ont été, doivent être signalées comme fausses.

Les conflits d’intérêts doivent donner lieu à une information permettant aux parties susceptibles d’être affectées par la situation de préserver leurs intérêts.

Dans les deux cas, la question de l’information est centrale.

 

PS: on rapprochera de cette question la diffusion d’informations scientifiques non vérifiées ou très discutables, qui fait l’objet d’une tribune intéressante, signée par de nombreux enseignants-chercheurs, chercheurs et journalistes.

Bruno DONDERO

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Les « fake news » au Parlement

L’adoption de lois de qualité est bien évidemment un objectif primordial dans une démocratie comme la nôtre.

On peut par conséquent espérer que les lois sont adoptées selon un processus à même d’identifier les possibles imperfections. Le processus législatif doit permettre notamment de repérer les mauvaises informations qui pourraient affecter la loi, de faire du « fact checking » en somme.

Bien entendu, la critique est aisée, et les rédacteurs des textes ne sont pas à l’abri d’erreurs.

Mais l’on se rend compte, de manière inquiétante, que le processus législatif ne met pas le Parlement à l’abri des « fake news » – à prendre ici comme des informations erronées et introduites en connaissance de cause dans le processus, ou simplement colportées sans qu’il ait été procédé à leur vérification.

L’exemple récent de Marine Le Pen à l’Assemblée nationale.

Lors du vote par l’Assemblée nationale de la loi ratifiant l’ordonnance de réforme du droit des contrats, Marine Le Pen a fait deux interventions au soutien d’amendements présentés par son groupe, l’un relatif à la notion d’objet du contrat, l’autre relatif à l’erreur de droit.

Nous en avons parlé sur ce blog, car la députée FN nous donnait l’occasion de présenter ces notions fondamentales du droit des contrats… précisément parce qu’elle ne maîtrisait ni l’une ni l’autre.

Dans un cas, elle soutenait la réintroduction dans le Code civil d’une notion que l’ordonnance fait disparaître – l’objet du contrat.

Dans l’autre, elle s’insurgeait contre l’introduction en droit français d’une notion qu’elle présentait comme issue du droit américain – la possibilité de faire annuler un contrat parce que l’une des parties aurait commis une erreur en droit sur sa situation.

Dans les deux cas, l’amendement soutenu n’a pas été adopté.

Mais dans les deux cas, les arguments donnés par Marine Le Pen au soutien desdits amendements étaient erronés. Précisément, ils étaient faux en droit.

Pour l’objet du contrat, Mme Le Pen confondait la notion d’objet avec celle de cause de l’obligation.

Pour l’erreur de droit, la notion est reconnue depuis la première moitié du 19ème siècle par la jurisprudence française. En termes de « nouveauté » et de nouveauté « venue du droit étranger », on fait mieux…

 

 

Ce n’est pas pour le plaisir de critiquer une parlementaire en particulier que je reviens sur ces événements, mais parce qu’il est intéressant de s’interroger sur les informations reçues des députés lorsqu’ils votent, et sur l’influence qu’elle peuvent avoir sur leur consentement.

Si l’amendement de Marine Le Pen sur l’erreur de droit avait été voté, le droit français aurait été modifié d’une manière qui n’aurait sans doute pas été en accord avec le souhait du législateur (lorsqu’il avait habilité le Gouvernement à réformer par ordonnance le droit des contrat): on aurait retiré du droit civil français une cause de nullité reconnue depuis très longtemps par la jurisprudence, mais ce retrait serait intervenu sur un fondement erroné. On aurait entendu préserver le droit français des contrats de l’introduction d’une règle nouvelle, alors que cette règle était en application de longue date devant nos tribunaux. On aurait donc tordu le cou à une jurisprudence bien établie, en voulant préserver la situation de notre droit…

 

Rappel de la nécessité du consentement

Notre droit connaît une notion très vaste, qui est celle des actes juridiques, c’est-à-dire les manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit.

Le contrat est l’un des actes juridiques les plus importants, mettant en contact deux ou plusieurs parties qui s’engagent à exécuter des obligations déterminées ou déterminables.

Mais parmi les actes juridiques, on rencontre aussi une figure différente, qui est celle des actes juridiques collectifs. L’acte juridique collectif est celui « par lequel se manifestent les volontés d’un ensemble de personnes unies par une communauté d’intérêts ou impliquées par une action commune » (F. Terré, Introduction générale au droit, 10ème éd., Dalloz, 2015, n° 221). L’acte juridique collectif peut être notamment un vote en assemblée, qu’il s’agisse de l’assemblée des associés d’une société ou d’une assemblée parlementaire.

Le Code civil, dans sa rédaction la plus récente, définit utilement les actes juridiques et indique qu’ « ils obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats » (art. 1100-1).

L’article 1128 du Code civil définit les conditions de validité du contrat et il mentionne en premier « le consentement des parties », c’est-à-dire la volonté de réaliser l’acte juridique en question.

Ce consentement ne doit pas être vicié, ce qui signifie qu’il ne doit pas porter sur des informations erronées.

On connaît en droit des contrats l’erreur au sens strict, qui est une erreur qui trouve son origine chez la seule partie qui se trompe. En clair, elle se trompe toute seule. Je vous achète un objet que je crois en or, alors qu’il est en métal doré. Si cette erreur remplit certaines conditions – elle doit notamment être excusable – le contrat conclu par erreur peut être annulé.

On connaît aussi le dol, qui est l’erreur provoquée par l’autre partie, qui fournit intentionnellement des informations erronées. Par exemple un faux certificat attestant que l’objet vendu est en or, alors qu’il ne l’est pas.

Le dol législatif

Lorsque le Parlement vote la loi, les députés réalisent ensemble un acte juridique, au même titre que le ferait une assemblée réunissant les actionnaires d’une société ou les membres d’association.

Lorsqu’une assemblée d’actionnaires ou de sociétaires prend une décision sur la base d’informations fausses, cette décision peut faire l’objet d’une annulation. Cela n’est pas discuté en droit des groupements.

Mais si le Parlement vote de manière biaisée, c’est-à-dire influencée par de fausses informations, peut-on envisager que son vote soit nul ?

La nullité est effectivement, en droit privé, la sanction de l’erreur et du dol. Maintenant, on a un peu de mal à traiter le vote d’une assemblée parlementaire comme le premier contrat de consommation venu.

L’escroquerie à la loi

On connaît l’escroquerie au jugement. Cette forme particulière d’escroquerie ou de tentative d’escroquerie consiste à produire devant une juridiction des documents de nature à tromper le juge, pour obtenir qu’il prononce une décision favorable à l’auteur de la manipulation ou à une autre personne.

L’escroquerie à la loi pourrait être le fait de produire des informations fausses devant le Parlement pour conduire celui-ci à adopter un texte différent de celui qui serait voté sinon.

Mais au-delà d’éventuelles sanctions pénales, peut-on envisager que la loi elle-même soit remise en cause ?

Est-ce par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) que la loi adoptée à la suite de la transmission d’informations fausses doit être contestée ?

La Constitution dispose que la loi est votée par le Parlement (art. 24), mais ne doit-on pas considérer que cet article est violé quand l’Assemblée ou le Sénat ne donne son consentement que sur la base de fausses informations ?

Dans le cas de Marine Le Pen, le caractère erroné des informations données était aisément identifiable par n’importe quel juriste maîtrisant les bases du droit des contrats.

Mais le Parlement peut aussi travailler sur la base d’informations erronées relevant du domaine scientifique, notamment médical.

Imaginons qu’une loi autorise l’utilisation d’un pesticide sur le fondement d’études scientifiques présentant le produit comme dépourvu de danger pour l’homme, alors qu’il est extrêmement dangereux.

La loi ne pourrait-elle voir sa validité contestée du fait de l’absence de consentement du Parlement?

 

Bruno DONDERO

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Apprendre le droit avec Marine Le Pen: l’objet et la cause du contrat

 

L’examen en première lecture par l’Assemblée nationale du projet de loi de ratification de l’ordonnance du 10 février 2016 réformant le droit des contrats, de la preuve et le régime général des obligations a été l’occasion, lundi 11 décembre, de beaux échanges sur le droit des contrats.

Il a été question, comme on l’a évoqué hier sur ce blog, entre autres, du professeur Denis Mazeaud, de l’objet du contrat, de la simplification du droit, du doyen Carbonnier, de la cause, de la complexification du droit, des étudiants en droit, etc.

MLP

On a vu la France Insoumise prendre la défense de la théorie de la cause, pourquoi pas, mais on a aussi vu intervenir une députée qui devrait être particulièrement compétente pour parler du droit des contrats, puisqu’elle est avocate: Marine Le Pen.

Madame Le Pen est descendue dans l’arène pour dire qu’elle n’aimait pas le flou dans le droit, et pour défendre un amendement visant « à préciser que le contenu du contrat doit comporter un objet certain, c’est-à-dire l’existence réciproque d’une contrepartie à l’obligation de l’autre partie« . Elle ajoute: « En l’absence d’une contrepartie réelle, le contrat n’a plus d’objet« .

Ce faisant, notre juriste confond en réalité deux notions fondamentales du droit des contrats, à savoir l’objet (ce sur quoi portent les obligations des parties ou le contrat dans son ensemble) et la cause (ici la cause de l’obligation: l’obligation d’une partie constitue la contrepartie de l’obligation de l’autre partie – par exemple dans la vente, l’obligation du vendeur de transférer la propriété du bien vendu a pour contrepartie l’obligation de l’acheteur de payer le prix).

Lorsqu’on lit d’ailleurs « l’exposé sommaire » de l’amendement n° 11 que Marine Le Pen défend, on y retrouve mot pour mot la même confusion entre l’objet et la cause.

Ce sont là des notions fondamentales du droit des contrats, que l’on demandait jusqu’à présent aux étudiants en droit de maîtriser lors de l’étude du droit des contrats, en deuxième année. L’ordonnance du 10 février 2016 a fait disparaître ces notions pour les remplacer par le « contenu du contrat ». La notion a été critiquée, et l’avenir nous dira comment elle est interprétée.

Il reste que, de manière paradoxale, Marine Le Pen tente de barrer la route à un texte qui supprime du droit français des notions que manifestement elle ne maîtrise pas!

Bruno DONDERO

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Réforme du droit des contrats: l’Assemblée nationale en action !

Il est intéressant de suivre les évolutions du projet de loi de ratification de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Le Sénat, on s’en souvient, avait apporté plusieurs modifications importantes au projet de loi initial, qui ne comportait il est vrai qu’un article unique, ratifiant purement et simplement l’ordonnance.

Le Gouvernement avait soutenu certains amendements, dont au moins deux très utiles:

  • celui ne faisant plus de l’utilité au regard de l’objet social un critère de validité des actes des personnes morales;
  • celui limitant à la représentation des personnes physiques le système de prévention des conflits d’intérêts de l’article 1161 du Code civil, qui posait la délicate question de sa coordination avec les règles applicables aux dirigeants des personnes morales, et notamment des sociétés.

Ces deux mesures sont maintenues dans le texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture.

La lecture des discussions parlementaires est d’ailleurs passionnante, puisqu’on y cite abondamment Denis Mazeaud, qui avait déjà été mis à l’honneur avec le film d’Yvan Attal Le brio, et que l’on comprend que les réformes ne sont pas faites (que) pour les étudiants en droit…

On retiendra tout de même plusieurs modifications importantes:

  • tout d’abord, les contrats d’adhésion font l’objet d’une nouvelle définition, puisque les conditions générales, qui sont un élément du contrat d’adhésion, sont désormais définies comme « un ensemble de stipulations non négociable, déterminé à l’avance par l’une des parties et destiné à s’appliquer à une multitude de personnes ou de contrats » (art. 1119 nouveau);
  • ensuite, le pouvoir accordé au juge de réviser le contrat en cas d’imprévision est rétabli, là où le Sénat avait limité le pouvoir judiciaire à la seule résolution du contrat (l’exception pour les opérations portant sur des titres financiers ou des contrats financiers est maintenue).

Notons qu’un amendement de la France insoumise visant à introduire une disposition listant des règles d’ordre public a été rejeté, de même qu’un amendement présenté par Marine Le Pen visant à soustraire la conclusion du contrat à l’exigence de bonne foi, ceci pour éviter que des salariés ayant fourni des CV inexacts soient sanctionnés (?).

De même, les tentatives du député LFI Eric Coquerel de rétablir la cause n’ont pas eu plus de succès que celle de Marine Le Pen de rétablir l’objet…

 

Last but not least, les règles d’entrée en vigueur des textes modifiés par la loi de ratification ont été précisées.

Bruno Dondero

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Loi d’habilitation à réformer le Code du travail par ordonnances: la référence à l’ordre public est-elle utile ?

Les députés communistes, nous rapporte Le Monde, ont obtenu dans la soirée de lundi l’adoption d’un de leurs amendements dans le projet de loi d’habilitation pour réformer le Code du travail par voie d’ordonnance, actuellement en cours d’examen à l’Assemblée.

On pourrait faire une blague de juriste et dire que cet amendement est d’ordre public. En réalité, il parle d’ordre public.

« Mais est-il vraiment utile ? »  se demanderont les juristes.

L’art. 1er du projet de loi était rédigé avant l’adoption de l’amendement, comme suit:

« Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, et dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin :

1° De reconnaître et attribuer une place centrale à la négociation collective notamment d’entreprise, dans le champ des dispositions, applicables aux salariés de droit privé, relatives aux relations individuelles et collectives de travail, à l’emploi et à la formation professionnelle, en :

a) Définissant les domaines dans lesquels la convention ou l’accord d’entreprise ne peut comporter des stipulations différentes de celles des conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels, les domaines et conditions dans lesquels les conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels peuvent stipuler expressément s’opposer à toute adaptation par convention ou accord d’entreprise et en reconnaissant dans les autres matières la primauté de la négociation d’entreprise ; (…) »

Après l’adoption de l’amendement, le a) indique (ajouts en gras et sans un point-virgule tombé là par hasard):

« a) Définissant dans le respect des dispositions d’ordre public, les domaines dans lesquels la convention ou l’accord d’entreprise ne peut comporter des stipulations différentes de celles des conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels, les domaines et conditions dans lesquels les conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels peuvent stipuler expressément s’opposer à toute adaptation par convention ou accord d’entreprise et en reconnaissant dans les autres matières la primauté de la négociation d’entreprise ; (…) »

L’amendement est accompagné d’une note d’explication indiquant : « Alors que le projet de loi d’habilitation à réformer par ordonnance vise à élargir le champ de la négociation collective, il ne fait mention d’aucune disposition d’ordre public, c’est à dire les règles impératives auxquelles il est impossible de déroger par un accord ou une convention. Si la ministre du Travail a laissé entendre que le SMIC ou les 35h resteront d’ordre public, l’ensemble des autres sujets, notamment ceux liés à la santé et à la sécurité, pourraient donc être renvoyés à la négociation de branche ou d’entreprise. Dans le souci de garantir les protections légales essentielles dont bénéficient les salariés, cet amendement de repli propose que la nouvelle articulation des normes proposée dans le présent article se fasse dans le respect des normes d’ordre public.« 

On peut se demander s’il n’était pas suffisant de rappeler, ou plutôt de se rappeler, sans qu’il faille l’insérer dans la loi, que l’article 6 du Code civil dispose « On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs« .

Imagine-t-on d’habiliter le Gouvernement à décider par ordonnance que les accords collectifs peuvent toucher à tout, sans respecter l’ordre public, c’est-à-dire les règles impératives, auxquelles on ne peut déroger, et dont le droit du travail regorge déjà ?

On peut donc se dire que l’ajout n’était finalement pas très utile.

Mais cela permet aussi de commencer les travaux parlementaires sur une touche positive: au moins, on est déjà d’accord sur une chose !

Bruno Dondero

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Féminisation des conseils: l’Assemblée décide une accélération brutale… sur le papier

L’Assemblée nationale vient de procéder à deux retouches importantes du régime de la représentation des sexes au sein des conseils d’administration et de surveillance des sociétés. Reste à savoir si ces retouches seront validées par la commission mixte paritaire à venir. La loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 avait introduit un système de quotas applicable dans les sociétés cotées en bourse, mais aussi dans des sociétés atteignant pendant 3 exercices deux seuils.

Seuil 1: nombre moyen de salariés permanents égal à 500

Seuil 2: montant net du chiffre d’affaires ou total de bilan égal à 50 millions d’euros.

Quand on fait une loi, il est important de s’intéresser au calendrier de son entrée en vigueur. Le principe posé par la loi de 2011 est celui de 40% de représentants de chaque sexe dans un conseil, mais cette obligation n’entre en vigueur que progressivement. Les sociétés cotées en bourse ont fait l’objet d’un calendrier qui leur impose déjà aujourd’hui d’avoir au moins 20% de femmes au conseil (précisément, à l’issue de la première assemblée générale qui suit le 1er janvier 2014). Ce n’est qu’au 1er janvier 2017 qu’elles devront respecter le quota de 40%.

Les sociétés non cotées bénéficiaient de beaucoup de temps pour s’adapter, puisque l’article 5 de la loi du 27 janvier 2011 indiquait que l’on prendrait en compte les seuils ci-dessus pour les trois exercices ouverts à compter du 1er janvier 2017. Ce n’était donc qu’à compter du 1er janvier 2020 que ces sociétés allaient être concernées. Cela changerait, si la modification votée par l’Assemblée la nuit dernière devenait définitive, puisque ce serait à compter du 1er janvier 2014 que l’on se placerait pour prendre en compte les trois exercices, ce qui rendrait le seuil de 40% applicable dès le 1er janvier 2017 dans les sociétés non cotées dépassant les seuils ci-dessus, à l’identique des sociétés cotées, donc, et sans période de transition, ce qui n’est pas l’idéal pour ces sociétés souvent familiales. Dès cette date ces sociétés devraient avoir 40% de femmes dans leurs conseils d’administration ou de surveillance.

En outre, le seuil de 500 salariés serait abaissé à 250 salariés à compter du 1er janvier 2020.

On comprend donc que ce sont des entreprises de moins en moins grandes qui sont ciblées par le législateur en quête d’égalité des sexes. Observons simplement que la loi vise uniquement les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions. Il suffit qu’une société ait choisie la forme de la société par actions simplifiée (SAS) pour échapper à toute obligation de féminisation (une SAS n’a d’ailleurs pas nécessairement un conseil d’administration ou de surveillance). Si l’on voulait cibler les SAS, il faudrait imposer des quotas dans les organes collégiaux, en admettant qu’il y en ait… En conclusion, cette accélération de la féminisation des conseils d’administration pourra être facilement évitée par les sociétés anonymes restantes, qui n’auront qu’à modifier leur forme sociale, si elles ne l’ont pas déjà fait.

Bruno Dondero

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Réforme du droit des contrats par ordonnance: le retour…

L’Assemblée nationale vient de redonner vie, le 16 avril dernier, à un article du projet de loi « relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures ». Cet article, qualifié par la rapporteure du texte, de « plus important du projet de loi », est relatif à la réforme du droit des contrats par voie d’ordonnance.

La réforme envisagée a même un périmètre plus large que le seul droit des contrats, car elle toucherait aussi les quasi-contrats et le régime général de l’obligation, ainsi que le droit de la preuve. 

Le texte adopté en 1ère lecture par l’Assemblée est le suivant: http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0324.asp .

L’article relatif à la réforme du droit des contrats par voie d’ordonnance avait été supprimé par le Sénat, lors de l’examen du texte en 1ère lecture, au motif, en substance, que la question était trop importante pour être déléguée à une ordonnance.

Lors de la discussion à l’Assemblée, a été évoqué par Mme Colette Capdevielle, rapporteure du texte, le fait que la question avait été beaucoup débattue en commission des lois, compte tenu de l’avis du Sénat, et que si la réforme du droit des contrats n’était pas faite par ordonnance, elle ne serait pas faite du tout, du moins pendant la présente législature. 

On peut citer ce passage de l’intervention de Mme Capdevielle: « C’est vrai, pendant des années, d’éminents spécialistes, des universitaires, des magistrats, des parlementaires ont travaillé sur cette question. Nous aurions sans doute tous, surtout les civilistes, aimé débattre de la cause des obligations, de la naissance du contrat, de l’accord des volontés, des causes d’imprévisibilité. Cela étant, je constate tout de même que ce sujet ne passionne pas les foules. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est certainement dommage, mais aurions-nous passé trois semaines, voire un mois, à en discuter ici alors que l’agenda parlementaire est particulièrement chargé ? Très franchement, je ne le crois pas, d’autant plus que, pour tout vous dire, je n’ai pas été assaillie de demandes de mes collègues désireux de connaître précisément le contenu de l’avant-projet. Reconnaissons-le : le texte que m’a transmis la garde des sceaux est bien écrit et clair. Il aborde tous les aspects : l’avant-contrat, la naissance du contrat, sa vie et sa fin. On voit bien qu’il est rédigé par des spécialistes du droit, d’autant plus qu’il reprend l’ensemble de la jurisprudence, modernise le droit des contrats et le rend enfin lisible et applicable. Si des questions m’avaient été posées, j’aurais bien évidemment donné toutes les réponses. Ce texte, je l’ai indiqué en commission, était à la disposition de tous ceux qui voulaient bien le consulter. On peut s’enferrer, s’enfermer dans des questions de principe, mais cette attitude ne fera absolument pas avancer la situation parce que personne, ici, je dis bien : personne, ne peut discuter l’urgence et la nécessité de ce texte ».

Il est également dit, à propos de l’avant-projet, qu’il « comprend des innovations significatives mais aussi un nettoyage nécessaire » et qu’il « ne bouleverse pas profondément notre droit des contrats ».

 

L’article 3 du projet de loi, tel qu’il a été rétabli, dispose:

« Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures, relevant du domaine de la loi, nécessaires pour modifier la structure et le contenu du livre III du code civil, afin de moderniser, de simplifier, d’améliorer la lisibilité, de renforcer l’accessibilité du droit commun des contrats, du régime des obligations et du droit de la preuve, de garantir la sécurité juridique et l’efficacité de la norme et, à cette fin :

1° Affirmer les principes généraux du droit des contrats tels que la bonne foi et la liberté contractuelle ; énumérer et définir les principales catégories de contrats ; préciser les règles relatives au processus de conclusion du contrat, y compris conclu par voie électronique, afin de clarifier les dispositions applicables en matière de négociation, d’offre et d’acceptation de contrat, notamment s’agissant de sa date et du lieu de sa formation, de promesse de contrat et de pacte de préférence ;

2° Simplifier les règles applicables aux conditions de validité du contrat, qui comprennent celles relatives au consentement, à la capacité, à la représentation et au contenu du contrat, en consacrant en particulier le devoir d’information et la notion de clause abusive et en introduisant des dispositions permettant de sanctionner le comportement d’une partie qui abuse de la situation de faiblesse de l’autre ;

3° Affirmer le principe du consensualisme et présenter ses exceptions, en indiquant les principales règles applicables à la forme du contrat ;

4° Clarifier les règles relatives à la nullité et à la caducité, qui sanctionnent les conditions de validité et de forme du contrat ;

5° Clarifier les dispositions relatives à l’interprétation du contrat et spécifier celles qui sont propres aux contrats d’adhésion ;

6° Préciser les règles relatives aux effets du contrat entre les parties et à l’égard des tiers, en consacrant la possibilité pour celles-ci d’adapter leur contrat en cas de changement imprévisible de circonstances ;

7° Clarifier les règles relatives à la durée du contrat ;

8° Regrouper les règles applicables à l’inexécution du contrat et introduire la possibilité d’une résolution unilatérale par notification ;

9° Moderniser les règles applicables à la gestion d’affaires et au paiement de l’indu et consacrer la notion d’enrichissement sans cause ;

10° Introduire un régime général des obligations et clarifier et moderniser ses règles ; préciser en particulier celles relatives aux différentes modalités de l’obligation, en distinguant les obligations conditionnelles, à terme, cumulatives, alternatives, facultatives, solidaires et à prestation indivisible ; adapter les règles du paiement et expliciter les règles applicables aux autres formes d’extinction de l’obligation résultant de la remise de dette, de la compensation et de la confusion ;

11° Regrouper l’ensemble des opérations destinées à modifier le rapport d’obligation ; consacrer, dans les principales actions ouvertes au créancier, les actions directes en paiement prévues par la loi ; moderniser les règles relatives à la cession de créance, à la novation et à la délégation ; consacrer la cession de dette et la cession de contrat ; préciser les règles applicables aux restitutions, notamment en cas d’anéantissement du contrat ;

12° Clarifier et simplifier l’ensemble des règles applicables à la preuve des obligations ; en conséquence, énoncer d’abord celles relatives à la charge de la preuve, aux présomptions légales, à l’autorité de chose jugée, aux conventions sur la preuve et à l’admission de la preuve ; préciser, ensuite, les conditions d’admissibilité des modes de preuve des faits et des actes juridiques ; détailler, enfin, les régimes applicables aux différents modes de preuve ;

13° Aménager et modifier toutes dispositions de nature législative permettant d’assurer la mise en œuvre et de tirer les conséquences des modifications apportées en application des 1° à 12°.« 

 

L’article 16 du projet de loi prévoit quant à lui que les ordonnances correspondantes devront être prises dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi.

 

La prochaine étape est un passage en commission mixte paritaire.

Bruno DONDERO

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