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La législation faite par des (mauvais) publicitaires, ou la loi en alexandrins

Il est à se demander si les auteurs des projets et propositions de loi, Gouvernement et parlementaires, ne font pas appel à des (mauvais) publicitaires pour rédiger les intitulés des textes qui sont soumis au vote du Parlement et deviennent ensuite des lois destinées à demeurer longtemps dans notre système juridique. C’est en effet une interrogation qui vient à la lecture du Journal officiel.

Au Journal officiel du 17 mars 2015 était ainsi publiée une loi dont les lecteurs de ce blog me pardonneront de m’intéresser surtout au titre (« Loi n° 2015-292 du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes ») davantage qu’au contenu (est modifié le Code général des collectivités territoriales, en ses dispositions relatives à la création d’une nouvelle commune).

L’auteur de l’intitulé de cette nouvelle loi a voulu ajouter les mots « pour des communes fortes et vivantes ». Il n’existait pas, précédemment, de loi « relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle » tout court, ce qui exclut que l’ajout ait visé à distinguer la loi du 16 mars 2015 d’une autre loi antérieure.

Les intitulés à rallonge ou surprenants peuvent en effet avoir cette justification.

Prenons les lois relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes. Si l’on effectue une recherche fondée sur le titre des textes, les lois faisant référence à l’égalité entre les sexes sont au nombre de huit, accessibles sur le site www.legifrance.gouv.fr. Dès 1972, c’est une loi relative à « l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes » qui est votée, puis en 1983 une loi modifiant le Code du travail et le Code pénal « en ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ». Sans que l’on tombe dans la revue de détail, le législateur va ensuite hésiter quant à l’ordre à donner aux deux sexes : égalité des hommes et des femmes (encore une loi de 1999), ou des femmes et des hommes (une loi en 1989, puis quatre lois en 2001, 2006, 2011 et 2014). Une loi de 1988 concernait « l’égalité des chances et de traitement pour les travailleurs des deux sexes », ce qui éludait la question. Mais revenons à notre propos. Le dernier texte en date est la loi du 4 août 2014 « pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ». Ce titre permet effectivement de distinguer la loi concernée des autres, mais on conviendra qu’il n’est pas très heureux, laissant entendre par un a contrario fâcheux que l’égalité n’était précédemment que virtuelle…

S’agissant de notre loi « pour des communes fortes et vivantes », on a simplement pensé que le texte serait meilleur avec un tel intitulé à rallonge. La loi fait sa propre promotion, en quelque sorte. Notons qu’elle pourrait servir aussi de vecteur pour la publicité des services de l’Etat. Pourquoi faire voter un terne projet de « loi sur le renseignement », là où une « loi sur le renseignement, pour des services d’espionnage et de contre-espionnage comme dans James Bond, mais en français, comme dans OSS 117, mais en plus sérieux » serait beaucoup plus vendeur ?

On pourrait financer aussi le travail des parlementaires de cette manière. Si l’on regarde les nombreuses lois votées ces dernières années, on se dit que nos politiques ont perdu une belle occasion de renflouer les caisses de l’Etat. Pourquoi avoir voté la trop sobre « loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt » ? L’insertion du mot « d’avenir » montre que nos publicitaires ratés étaient déjà à l’œuvre, mais ne pouvait-on soumettre au Parlement la « loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt – les produits laitiers sont nos amis pour la vie » ? Les producteurs de lait auraient bien sûr rémunéré à sa juste valeur cette réclame, qui à notre époque moderne aurait été aussi un lien hypertexte permettant d’accéder à un site faisant la promotion du yaourt.

Il faudra simplement veiller à éviter les messages contradictoires, du type « Loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire – Air France : faire du ciel le plus bel endroit de la terre ».

Mais ce n’est pas dans la publicité que nos législateurs entendent sévir, en réalité, mais il semble que ce soit plutôt l’élégance du style, pour ne pas dire la technique poétique, qui les intéresse. On remarquera en effet que le Journal officiel du 1er avril ( !) a annoncé la publication d’une « Loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat ». On aurait pu viser plus platement « l’exercice de leur mandat par les élus locaux », mais non, une réminiscence de « Belle marquise… » a conduit à l’inversion précitée. On s’est arrêté trop tôt, me semble-t-il, et l’on aurait pu intituler la loi : « Loi visant à faciliter de leur mandat, par les élus locaux, l’exercice ».

On notera enfin que si on lit l’intitulé de la loi tel qu’il a été effectivement voté avec un fort accent méridional, on a une loi dont l’intitulé est fait de deux alexandrins, ce qui est tout de même remarquable :

« Loi visant à faciliter l’exerci-ce,

Par-re les élus locaux de leur-re mandat ».

Bruno DONDERO

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Quand le législateur simplifie… l’intitulé de la loi de simplification !

I – Les faits.

Le législateur produit suffisamment de textes pour que les universitaires et les praticiens qui s’intéressent au contenu et aux conséquences des nouvelles normes doivent y consacrer une portion non négligeable de leur temps d’activité. On signalera ici, à la seule fin de faire sourire les lecteurs de ce blog, une intervention du législateur pour simplifier le nom donné à une loi de simplification, ce qui est tout de même assez fort !

Une loi a été publiée au Journal officiel du 21 décembre 2014. La loi, datée du 20 décembre, est une loi de simplification. Son nom complet était : « Loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives ».

A la lecture de ce long intitulé, on pouvait se dire que la machine à produire des noms de nouvelles lois (« nouvelles régulations économiques », « modernisation de l’économie », « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques », etc.) avait trop chauffé, ou que l’on avait appuyé deux ou trois fois sur le bouton.

C’était surtout un exploit qui était réalisé, puisque l’intitulé de la loi démontrait dans le même temps (i) que le législateur était particulièrement soucieux de rendre le droit simple, ainsi qu’en attestait la présence par deux fois du mot « simplification », et (ii) qu’il n’avait que peu d’intérêt pour la loi simple, à voir l’intitulé retenu.

Que l’on se rassure, le législateur est intervenu pour simplifier… le nom de la loi de simplification ! Un rectificatif est en effet paru au Journal officiel du 3 janvier 2015 (p. 61) pour remplacer l’intitulé de la loi par celui de « relative à la simplification de la vie des entreprises ». Il est indiqué: « page 21647, dans le titre, au lieu de : « relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives », lire : « relative à la simplification de la vie des entreprises ».

II – La tirade de la loi.

On pourrait se contenter de relever une erreur du législateur.

Mais on a envie de dire, à la manière de Cyrano, « c’est un peu court, jeune homme ! ».

On pouvait dire bien des choses en somme, en variant le ton.

Pessimiste : notre législateur a la main si peu ferme qu’il lui faut s’y prendre à deux fois, Ne serait-ce que pour donner un nom à une loi.

Enfantin : comme les cheveux trop longs sont coupés par le coiffeur, Le nom de la loi est coupé par le législateur !

Enthousiaste : que notre législateur est donc rigoureux, Aucun défaut des textes n’échappe à ses yeux.

Plaisant : la loi est arrivée, avec un nom trop long, Puis elle repartie, faire changer son nom, Le JO vérifié, c’est chose accomplie. Le nom de cette loi maintenant est plus petit. On pourrait continuer assez longtemps. Il est simplement amusant de relever que la simplification a parfois elle-même besoin de simplification!

 Bruno DONDERO

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