Chers étudiants et chers participants au cours via Facebook Live,
Nous nous retrouvons demain à 9h30 et mardi à 11h30 pour la suite du cours. Nous commencerons demain l’étude des devoirs et des droits des associés.
Avant cela, nous terminerons en parlant de la société créée de fait, qui est la seconde forme de société sans personnalité morale régie par le Code civil, après la société en participation.
Nous nous demanderons si cette société n’aurait pas pu jouer un rôle dans l’affaire qui est rapportée par cet article de presse, relative à la découverte de lingots d’or dans une cave… appartenant à un avocat.

« C’est à moi! Article 716 du Code civil!! »
L’histoire est la suivante: Plusieurs ouvriers réalisent des travaux dans une cave pour une rénovation immobilière. L’un d’eux, équipé d’une pelle, creuse et tombe sur une dalle de béton. Un autre manie un marteau-piqueur pour aider à casser la dalle, et un troisième fait des allers-retours avec un seau pour évacuer les gravats. La pelle termine le travail et les ouvriers trouvent trois boites contenant au total 34 lingots d’or, d’une valeur d’un million d’euros.
Il est indiqué que l’avocat propriétaire du terrain s’est octroyé « la moitié de la somme avec en bonus deux lingots supplémentaires et les trois ouvriers perçoivent chacun 139.000 euros. L’employeur, le directeur d’équipe et le directeur technique qui s’en sont mêlés touchent chacun 11.000 euros« .
L’article 716 du Code civil dispose (et il ne « stipule » pas, contrairement à ce que dit l’article du Parisien ;-):
La propriété d’un trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds ; si le trésor est trouvé dans le fonds d’autrui, il appartient pour moitié à celui qui l’a découvert, et pour l’autre moitié au propriétaire du fonds.
Le trésor est toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard.
L’avocat propriétaire du terrain, et donc de la cave aux lingots, a correctement partagé le trésor… ou presque, en s’attribuant la moitié des lingots, mais il n’avait pas droit au petit « bonus » de deux lingots qu’il s’est attribué. Cela constituait-il ses honoraires pour le travail juridique fourni?
Cela soulève une question proche, qui est celle de la possibilité de payer les honoraires d’un avocat autrement qu’en argent, et pourquoi pas, si l’on admet le principe, un paiement… en pizzas? C’était une autre affaire rapportée par la presse il y a quelques années.
La question n’était pas posée ici, mais retenons que le Règlement intérieur national de la profession d’avocat dispose en son article 11.5:
Les honoraires sont payés dans les conditions prévues par la loi et les règlements, notamment en espèces, par chèque, par virement, par billet à ordre et par carte bancaire.
Ce texte n’interdit donc pas le paiement en pizzas, en poulets, ou en lingots d’or. Se pose cependant la question de la TVA que l’avocat collecte auprès de ses clients et qu’il ne pourra pas payer en parts de pizza réchauffées.
Pour en revenir à nos ouvriers, l’affaire est portée devant la justice, sur un point précis, qui est le partage entre les autres personnes que le propriétaire. Personne ne conteste semble-t-il que l’avocat ait droit à la moitié du million d’euros. En revanche, une première décision de justice écarte « l’homme au seau de gravats », puis un arrêt rendu par la Cour d’appel d’Orléans attribue l’intégralité du demi-million litigieux à « l’homme à la pelle ».
L’homme à la pelle faisant valoir ses droits (à droite)
Il ne semble pas que la notion de société en participation ou créée de fait ait été invoquée dans cette affaire. Mais cela n’aurait-il pas permis à l’homme au marteau-piqueur, voire à l’homme au seau de prétendre à une part du bénéfice?
Peut-être est-il concevable que la question soit posée encore aujourd’hui à un juge, puisqu’elle concerne les relations entre les associés d’une société et que cette question n’a sans doute pas encore été portée devant le juge, mais il est probable que l’autorité de chose jugée attachée à l’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Orléans interdit à l’homme au seau et à l’homme au marteau-piqueur de réclamer à nouveau leur part.
On peut aussi se demander si la société qui réalisait vraisemblablement les travaux n’était pas en réalité celle qui avait trouvé les lingots.
Réponses demain matin en amphi!
Bruno DONDERO