Lors d’échanges sur Twitter, on a reparlé de la « clause M&M’s » que le groupe de hard rock Van Halen aurait eu pour habitude d’insérer dans les contrats conclus avec les salles de concert.
La clause est souvent citée pour illustrer les exigences des artistes capricieux, mais elle a une utilité particulière au regard de l’exécution du contrat dans lequel elle figure.
L’histoire peut se résumer ainsi.
Le groupe Van Halen était amené à faire des concerts dans de très nombreuses salles de spectacles, et les contrats qu’ils concluaient pour leurs spectacles devenaient de plus en plus complexes, avec beaucoup d’exigences techniques et de sécurité présentes dans les clauses de ces contrats. Parce qu’ils avaient affaire à de très nombreux partenaires contractuels, avec une fiabilité qui n’était pas toujours la même, Van Halen craignait que les gérants des salles de spectacle n’aient pas lu toutes les clauses.
Pour identifier ces situations où le contrat n’avait pas été lu attentivement, plutôt que d’avoir en plein concert un court-circuit généralisé parce que la puissance électrique n’était pas celle qui était contractuellement prévue, une petite clause était insérée dans le contrat, une clause qui prévoyait que soient mis à disposition des musiciens dans leur loge des M&M’s, mais avec la mention: « ATTENTION: AUCUN M&M’s MARRON ».
La clause était la suivante:

Part of a rider from Van Halen’s 1982 world tour. via thesmokinggun.com
Cette exigence, que l’on trouvait comme on le voit à la quarantième page d’un « rider », c’est-à-dire d’une annexe, permettait à la personne qui était chargée de vérifier la bonne exécution du contrat de foncer tout de suite dans les coulisses, dès qu’elle arrivait sur place, pour vérifier si le bol de M&M’s était présent, et si les M&M’s marron avaient bien été retirés… S’il n’y avait pas de bol du tout, ou si le bol regorgeait de friandises de la couleur interdite, alors c’est que le contrat n’avait pas été lu avec attention, et qu’il fallait craindre des inexécutions plus graves.
Cette « clause-test » est intéressante, particulièrement parce que l’exigence est formulée en gros caractères et qu’elle apparaît donc comme très importante aux yeux de la partie qui l’a insérée.
Au-delà de l’utilité pratique (voir si l’autre partie a bien lu le contrat), on peut penser que la clause n’aura pas beaucoup d’effets juridiques. Précisément, le non-respect de la clause, le cas échéant, ne donnera pas lieu à des mesures très importantes.
En droit français, le non-respect d’une clause peut donner lieu à des sanctions particulières, mais il n’est pas garanti que le non-respect d’une clause mineure puisse aisément déclencher ces sanctions.
Deux textes du Code civil illustrent cela.
L’art. 1221 est relatif à l’exécution forcée qu’une partie peut demander. « Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature« . Mais il y a deux exceptions: le cas où l’exécution est impossible et surtout le cas où « il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier« .
L’autre texte est l’art. 1224, qui est relatif à la résolution du contrat que l’on peut demander au juge en cas d’inexécution du contrat. Lorsqu’aucune clause résolutoire n’a été prévue, le juge peut tout de même mettre fin au contrat, mais cela suppose une « inexécution suffisamment grave« . Pas sûr que la présence d’un M&M’s marron constitue une telle inexécution.
On peut aussi citer l’adage De minimis non curat praetor…
PS: les exigences du cahier des charges de Van Halen valaient tout de même le détour! Mention spéciale aux exigences de l’art. 32.6 B en matière de pizzas…
Sur le sujet:
- une vidéo signalée par mon collègue et ami Didier Valette;
- un article en français reprenant l’histoire.
Bruno Dondero