Le Conseil d’Etat a rendu hier une décision qui fera certainement l’objet de nombreux commentaires, et qui est relative à l’exercice de la profession d’avocat. La décision est disponible ici.
Le Conseil d’Etat annule une décision du Conseil national des barreaux (CNB), qui modifiait le Règlement intérieur national de la profession d’avocat (art. 15.2.2) en permettant à un avocat d’ouvrir un bureau secondaire dans les locaux d’une entreprise, qui pouvait être cliente de l’avocat, mais ne devait pas « exercer une activité s’inscrivant dans le cadre d’une interprofessionnalité avec un avocat« .
Il est jugé par le Conseil d’Etat que les règles introduites par le CNB « permettent l’exercice de la profession dans des conditions qui ne correspondent pas à des règles et usages des barreaux et doivent ainsi être regardées comme instituant des règles nouvelles« . Or ces règles nouvelles n’auraient pas de fondement dans les règles législatives ou réglementaires régissant l’exercice de la profession d’avocat et ne peuvent être regardées comme une conséquence nécessaire d’une règle figurant au nombre des traditions de la profession.
De plus, il est jugé que les conditions d’exercice ainsi créées sont susceptibles de placer les avocats concernés dans une situation de dépendance matérielle et fonctionnelle vis-à-vis de l’entreprise qui les héberge et mettent ainsi en cause les règles essentielles d’indépendance de l’avocat et de respect du secret professionnel. Elles ne sont par conséquent, selon la décision, pas au nombre de celles que le CNB était compétent pour édicter.
Deux observations rapides.
- Tout d’abord, si la profession d’avocat voit ses règles évoluer, cela ne va pas aussi vite que le CNB le souhaiterait. A une époque lointaine, les avocats se demandaient si leur déontologie ne s’opposait pas à des visites chez leurs clients. Le CNB leur avait permis carrément de loger chez leurs clients. C’est trop, dit le Conseil d’Etat! Il n’empêche que la profession d’avocat, concurrencée aujourd’hui de tous côtés, a intérêt à gagner en souplesse; si le bureau secondaire en entreprise n’est pas admis, il faut réfléchir aux moyens de rapprocher matériellement l’avocat de ses clients dans le respect de l’indépendance et du secret professionnel. Un décret ne pourrait-il pas autoriser l’ouverture d’un bureau secondaire en entreprise en soumettant cette modalité d’organisation au respect de conditions permettant de préserver l’indépendance et le secret ?
- Ensuite, la décision du Conseil d’Etat va à l’encontre du rapprochement des cabinets d’avocats et des entreprises. Depuis plusieurs années, un courant de directeurs juridiques, juristes d’entreprise, avocats et universitaires encourage la création d’un statut de l’avocat en entreprise, qui donnerait au juriste d’entreprise le bénéfice de la confidentialité de ses avis juridiques. Permettre qu’un bureau secondaire d’avocat soit logé dans les locaux d’une entreprise se rapprochait de cette idée.
Bruno DONDERO
Bonjour Monsieur,
Puisqu’il s’agit d »’entreprise » et non de »société », est-ce que tous les acteurs de l’entreprise pourraient bénéficier des services de l’avocat? à savoir les employeurs, les comités d’entreprise, les salariés? Auquel cas, le même avocat ne risquerait-il pas de se retrouver dans une situation de conflit d’intérêts?
Bien cordialement.
L’avocat Francais devient ainsi plus proche du ‘sollicitor’ anglo-saxon…c ´est de nouveau la question de la reforme des professions du droit qui est soulevee…Il est probablement temps de la faire!
Est-ce cela signifie qu’il est interdit à un avocat d’ouvrir un bureau secondaire dans un centre d’affaires ?