L’examen en première lecture par l’Assemblée nationale du projet de loi de ratification de l’ordonnance du 10 février 2016 réformant le droit des contrats, de la preuve et le régime général des obligations a été l’occasion, lundi 11 décembre, de beaux échanges sur le droit des contrats.
Il a été question, comme on l’a évoqué hier sur ce blog, entre autres, du professeur Denis Mazeaud, de l’objet du contrat, de la simplification du droit, du doyen Carbonnier, de la cause, de la complexification du droit, des étudiants en droit, etc.
On a vu la France Insoumise prendre la défense de la théorie de la cause, pourquoi pas, mais on a aussi vu intervenir une députée qui devrait être particulièrement compétente pour parler du droit des contrats, puisqu’elle est avocate: Marine Le Pen.
Madame Le Pen est descendue dans l’arène pour dire qu’elle n’aimait pas le flou dans le droit, et pour défendre un amendement visant « à préciser que le contenu du contrat doit comporter un objet certain, c’est-à-dire l’existence réciproque d’une contrepartie à l’obligation de l’autre partie« . Elle ajoute: « En l’absence d’une contrepartie réelle, le contrat n’a plus d’objet« .
Ce faisant, notre juriste confond en réalité deux notions fondamentales du droit des contrats, à savoir l’objet (ce sur quoi portent les obligations des parties ou le contrat dans son ensemble) et la cause (ici la cause de l’obligation: l’obligation d’une partie constitue la contrepartie de l’obligation de l’autre partie – par exemple dans la vente, l’obligation du vendeur de transférer la propriété du bien vendu a pour contrepartie l’obligation de l’acheteur de payer le prix).
Lorsqu’on lit d’ailleurs « l’exposé sommaire » de l’amendement n° 11 que Marine Le Pen défend, on y retrouve mot pour mot la même confusion entre l’objet et la cause.
Ce sont là des notions fondamentales du droit des contrats, que l’on demandait jusqu’à présent aux étudiants en droit de maîtriser lors de l’étude du droit des contrats, en deuxième année. L’ordonnance du 10 février 2016 a fait disparaître ces notions pour les remplacer par le « contenu du contrat ». La notion a été critiquée, et l’avenir nous dira comment elle est interprétée.
Il reste que, de manière paradoxale, Marine Le Pen tente de barrer la route à un texte qui supprime du droit français des notions que manifestement elle ne maîtrise pas!
Bruno DONDERO