Les MOOCs permettent de participer à une session de formation en recevant un enseignement et en participant à celui-ci activement. Lorsqu’un participant répond sur un forum pédagogique aux questions posées par d’autres, avant qu’un enseignant vienne approuver ou corriger la réponse, le participant contribue à la formation des autres. Si on y réfléchit, on se dira que ce n’est pas très différent de la manière dont un élève ou un étudiant contribue à la formation des autres en répondant à une question de l’enseignant, d’ailleurs.
Internet facilite cependant les échanges, et tous les participants peuvent réfléchir à la réponse apportée par l’un d’entre eux et l’enrichir. C’est un peu le crowdsourcing éducatif.
Je voudrais proposer par le biais de ce blog une expérience un peu différente, à destination des étudiants en droit, en économie, mais plus largement de toute personne intéressée par l’évolution des rapports économiques dans nos sociétés.
L’idée consiste à réaliser avec les personnes intéressées un travail de recherche collective.
Les participants peuvent être des étudiants (ceux qui suivent mon cours, mes pas seulement!), des universitaires, des journalistes, des entrepreneurs (pourquoi pas Uber ?), et plus largement toute personne intéressée.
I – Le projet.
Le projet consiste à réfléchir à la différence qui existe entre les nouveaux acteurs comme Uber ou Amazon et les entreprises coopératives.
Ceci doit conduire à plusieurs résultats.
Tout d’abord à mieux connaître les entreprises coopératives, et à comprendre quelles sont leurs spécificités.
Ensuite, à comprendre quels effets peut produire sur l’économie l’apparition des entreprises recourant à un modèle économique « disruptif », c’est-à-dire remettant en cause le fonctionnement même du système, plutôt que proposant un produit ou un service comparable à celui des acteurs déjà présents. Voilà pourquoi Uber, lorsqu’il recourt aux services de chauffeurs professionnels, n’est pas disruptif.
Enfin, à savoir quelle qualification juridique donner exactement à ces acteurs, ce qui permettra peut-être de mieux contrôler leur activité, si cela est jugé opportun.
D’autres objectifs pourront être ajoutés à ce projet en cours de réalisation.
L’idée est que les personnes qui souhaitent contribuer, en postant des commentaires, des textes, des liens, puissent le faire.
Je ferai une synthèse, à plusieurs échéances, en fonction du nombre de contributions reçues.
II – Données de départ.
Je propose de partir du constat suivant.
Les acteurs de la nouvelle économie comme Uber peuvent sembler proches du mouvement coopératif. Un professeur de droit écrit en 1952 qu’ « Au premier rang de tous [les éléments d’individualisation des sociétés coopératives], nous mettrons le principe de double qualité, car l’observation de ce principe constitue le meilleur moyen de réaliser le but économique fondamental de la société coopérative : la suppression des intermédiaires et du profit capitaliste que ceux-ci réalisent » (R. Saint-Alary, Eléments distinctifs de la société coopérative, RTD com. 1952, p. 485, n° 37).
Supprimer les intermédiaires, c’est bien ce que propose Uber Pop, en mettant en relation des personnes qui veulent être transportées, et d’autres qui veulent utiliser leur véhicule, sans recourir aux taxis et aux autres professionnels du transport. C’est aussi ce que propose l’auto-édition d’Amazon.
Axelle Lemaire a indiqué récemment que le modèle d’Uber devrait être celui de la coopérative.
Mais qu’est-ce que, précisément, une coopérative ?
C’est la première question à laquelle nous pourrons tenter de répondre, avant de nous intéresser de manière plus approfondie au fonctionnement d’Uber, Amazon, etc.
Bruno DONDERO
Bruno Dondero, jamais avare de questions qui, sous l’apparence de la simplicité, sont en réalité terribles. Il fait vaciller nos certitudes. Alors je réponds à une question par une question : est-ce que le crowdfunding est une coopérative ?
Pour répondre à la question « qu’est-ce qu’une coopérative » je propose de consulter le site http://www.entreprises.coop/kit-pedagogique-cest-quoi-une-cooperative.html et en particulier le livret pédagogique rédigé par Jean-François Draperi, enseignant au CNAM.
L’économie dite collaborative ne sera réellement collaborative que lorsqu’elle partagera équitablement son profit avec la collectivité dont elle l’obtient, c’est-à-dire en premier lieu ses travailleurs (soi-disant) indépendants, ses usagers, et l’ensemble de la société qui, pour mettre à disposition réseaux routiers et numériques, peut attendre un paiement loyal de l’impôt sur la valeur réellement produite.
Les projets collaboratifs qui se créent sous forme coopérative ont cette préoccupation.
Merci chère Amélie de cette première contribution!
Analyse intéressante. Cependant, votre réponse intègre comme postulat notamment que les impôts participent à une distribution loyale des bénéfices au profit de la société, en contrepartie en quelque sorte de l’usage des réseaux routiers et numériques… Cela n’est qu’une croyance entretenue par les lieux communs traditionnels universitaires et qui ne tient pas compte de l’organisation économique et politique de nos sociétés modernes.
Les impôts ne contribuent pas, même indirectement, à l’entretien des réseaux routiers et numériques. Ce postulat mérite à tout le moins une démonstration, sauf à invalider votre réponse.
Selon vous qui paye l’entretien des réseaux routiers (hors autoroutes ?)
A votre avis Abhervé Michel qui paie l’entretien des réseaux routiers ? pensez-vous réellement que l’équation « impôts = paiement de l’entretien des réseaux routiers » est effective à une époque de surendettement des Etats auprès des Banques privées ? Nos impôts ne sont même pas suffisants pour payer les intérêts de la dette ! alors que dire du paiement de l’entretien des réseaux routiers…
Pour poursuivre la route que semble tracer le commentaire d’Amélie Rafael, je souhaiterai m’étonner et m’interroger du fait que des services tels que celui d’UberPop soient qualifiés de « coopératifs ».
Si effectivement, le but est (ou plutôt « était ») de se retrouver « entre particuliers », sans professionnel du secteur, il n’en reste pas moins qu’Uber reste la société mettant en relation les premiers particuliers assurant le rôle de chauffeur, avec les seconds particuliers, assurant le rôle de client. Toutefois, cette mise en relation avait un prix, et pas des moindres : 20 % de chacune des courses réalisées !
Je ne suis pas tout à fait certain que ce service, pour ne parler que de lui, réponde aux exigences posées à l’article 1er de la loi du 10 septembre 1947 relatif aux coopératives, qui les définit ainsi comme : « une société constituée par plusieurs personnes volontairement réunies en vue de satisfaire à leurs besoins économiques ou sociaux par leur effort commun et la mise en place des moyens nécessaires. Elle exerce son activité dans toutes les branches de l’activité humaine et respecte les principes suivants : une adhésion volontaire et ouverte à tous, une gouvernance démocratique, la participation économique de ses membres, la formation desdits membres et la coopération avec les autres coopératives […] chaque membre coopérateur dénommé […] « associé » ou « sociétaire » dispose d’une voix à l’assemblée générale.
L' »élan universaliste » est bien présent mais il en est tout autre concernant la parole des coopérateurs.
Tout à fait d’accord. Lorsque Madame Lemaire dit que le modèle d’Über devrait être celui de la coopérative, elle pense probablement aux radios des taxis qui pour la plupart sont des coopératives, mais Über est surtout une entreprise d’intermédiation qui a été fondée par des non-taxis. En cela, son modèle « aurait pu » être celui de la coopérative, mais il faut se rendre à l’évidence, il ne l’est pas.
Ainsi, à l’idée d’équité que propose Amélie, j’ajouterais une idée de structure: Une coopérative appartient à ceux grâce à qui elle fonctionne. En l’espèce, il s’agirait des chauffeurs.
Votre citation « Au premier rang de tous [les éléments d’individualisation des sociétés coopératives], nous mettrons le principe de double qualité, car l’observation de ce principe constitue le meilleur moyen de réaliser le but économique fondamental de la société coopérative : la suppression des intermédiaires et du profit capitaliste que ceux-ci réalisent » est éclairante
Uber n’a aucunement pour projet de supprimer les intermédiaires et le profit, mais par la technologie être un intermédiaire qui profite de sa puissance pour maximiser son profit et surexploiter ceux qui travaillent en contournant le contrat de travail et la couverture sociale qui lui est liée, en les présentant comme des entrepreneurs alors qu’ils sont plutôt sous le nom d’auto-entrepreneurs des salariés, avec une dépendance économique, sans garanties
La « double qualité » est ici totalement absente
D’après votre cours, elle vise à profiter d’une économie afin de faciliter certaines acquisitions, démarches. (Societes coopératives agricoles). Elle ressemble à l’économie participative. Pour le cas d’uber, elle pourrait être plus collaborative que coopérative. Ces entreprises usent des facilités d’Internet pour faciliter nos propres démarches. Cependant, contrairement aux coopératives agricoles, on ne met pas en commun des valeurs que l’on peut nous-même contrôler. On n’a aucune voix et aucun bénéfice.
« Une coopérative est une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement. » [al.2 de la page de Wikipédia « coopérative »]
Uber Technologies Inc, elle est une multinationale du net à but (très) lucratif qui détient le monopole sur l’algorithme permettant de jouer son rôle de plate-forme d’intermédiation entre chauffeurs Uber et usagers, prenant au passage 40% de commission par transaction (sinon ce n’est pas drôle), et qui à l’instar de ses grandes soeurs GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), joue au saute-mouton fiscal pour payer le moins d’impôt possible…
En France, il me semble que les coopératives sont nées 2e moitié du XIXe siècle sous la forme de SCOP et cela par la volonté de travailleurs pauvres comme les ouvriers de mutualiser les risques inhérents liés à leurs conditions de travail alors que la sécurité sociale n’existait pas encore…
Pour revenir à Uber – mais aussi Google et Amazon -, elles semblent avoir bien plus réussi dans la « suppression des intermédiaires » que dans celle des « profits que ceux-ci réalisent ».
En cela, Uber est bien loin de la définition de ce qu’est une coopérative.
Dans le même esprit, un article de Michel Bauwens :
http://lemde.fr/1LwBsYG
« Une coopérative est une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement. »
(voir page wikipédia sur Coopérative)
Uber Inc Technologies (Uber SAS en France) est une multinationale du net détenant le monopole sur l’algorithme permettant à des particuliers de trouver d’autres particuliers – pour la plupart auto-entrepreneurs – qui leur serviront de chauffeur. Au passage, Uber prélève 20 à 40% (pardon pour cette fourchette large, je n’ai jamais utilisé Uber et ne l’utiliserait jamais) par transaction et grâce à un mécanisme complexe d’optimisation fiscale dit du « sandwich hollandais » arrive à un taux d’imposition réel de 2% (tout comme ses grandes soeurs GAFA dont les siège sociaux européens sont tous situés en Irlande, l’un des pays de l’UE où le taux d’impôt sur les sociétés est le plus faible).
Partant de ce constat un peu schématique je vous le concède, il n’y a rien de plus oxymorique à mettre les terme « Uber » avec celui de « coopérative ». Pour reprendre les termes du Pr R. Saint-Alary, « la suppression des intermédiaires » ça ils ont réussi, « le profit capitaliste »c’est une autre histoire !
Pour aller plus loin que mes propos :
lemde.fr/1LwBsYG
ow.ly/SyHyn