C’est une règle que tous ceux qui ont étudié, enseigné ou pratiqué le droit des sociétés connaissaient qui vient de disparaître: le minimum de sept actionnaires requis pour constituer une société anonyme disparaît.
Pas de surprise, car l’ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015, parue au JO de ce matin, avait été annoncée par la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014, loi relative à la simplification de la vie des entreprises, loi dont l’intitulé a dû être simplifié, ce qui était tout de même assez drôle, et m’avait permis de me moquer du législateur contraint de simplifier l’intitulé de la loi de simplification.
Les actionnaires constituant la société anonyme pour rechercher un enrichissement, il est tentant d’observer que les sept mercenaires ne seront plus nécessairement sept…
I – Les modifications.
L’article L. 225-1 du Code de commerce, premier texte du chapitre consacré aux sociétés anonymes perd la phrase qui indiquait « Le nombre des associés ne peut être inférieur à sept« .
Un nouvel alinéa est ajouté au texte, qui pose deux règles. La règle de principe est la suivante: la société anonyme est constituée entre deux associés ou plus. Une règle spécifique est ensuite formulée pour les sociétés cotées en bourse (celle dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé), qui doivent toujours avoir sept actionnaires.
Sont également modifiés un certain nombre de textes qui faisaient référence ou dérogeaient à cette exigence pour toutes les sociétés anonymes de sept actionnaires au moins.
II – Observations.
Lorsque la loi du 20 décembre 2014 avait annoncé qu’une ordonnance viendrait « diminuer le nombre minimal d’actionnaires » et « adapter en conséquence les règles d’administration, de fonctionnement et de contrôle » des SA non cotées, certes « sans remettre en cause les compétences et les règles de composition, d’organisation et de fonctionnement de leurs organes« , on avait craint la création d’une SA simplifiée, qui serait venue concurrencer peu utilement la société par actions simplifiée (SAS). Cela n’est heureusement pas le cas.
En réalité, la suppression de l’exigence de sept actionnaires est bienvenue. La justification de cette exigence n’était pas très convaincante: elle aurait permis de distinguer les sociétés anonymes des sociétés de personnes, composée d’associés moins nombreux. Cela obligeait qui voulait recourir à cette forme sociale à trouver sept actionnaires, ce qui contribuait à enrichir la galerie des actionnaires, d’ailleurs: le beau-frère actionnaire, la mamie actionnaire, le canari actionnaire, peut-être…
Plus sérieusement, cela pouvait être gênant dans les groupes de sociétés, où l’on pouvait rencontrer le schéma suivant: un actionnaire à 99,99%, la société mère, et six salariés portant chacun une action. Le départ de tel ou tel salarié ne s’accompagnant pas toujours de la restitution de l’action qu’il détenait, certaines sociétés ont parfois du mal à retrouver leurs actionnaires, ce qui peut être gênant si l’on veut transformer la société en SAS, ce qui suppose l’unanimité, selon l’article L. 227-3 du Code de commerce.
Cela faisait courir aussi un risque théorique de dissolution à la société qui n’aurait plus ses sept actionnaires depuis plus d’un an, puisque l’article L. 225-247 du Code de commerce permet à tout intéressé de saisir le juge d’une demande de dissolution. A ma connaissance, il n’est jamais arrivé qu’un tribunal prononce la dissolution d’une société anonyme au seul motif qu’elle n’avait plus que six actionnaires… En tous les cas, l’article L. 225-247 ne concernera plus que les sociétés cotées, les SA non cotées pouvant par ailleurs être dissoutes par application de l’article 1844-5 du Code civil, visant les sociétés devenues unipersonnelles et restées dans cette situation pendant plus d’un an.
Bruno DONDERO