La troisième Chambre civile de la Cour de cassation a rendu au début du mois de juillet dernier un arrêt important, destiné à publication au Bulletin, et qui est consultable ici.
La Cour formule une solution qui ne surprend pas, mais que l’on pourrait oublier: des personnes qui ne sont pas associées ne doivent pas participer à la prise des décisions collectives, sous peine de menacer la validité des décisions qui seraient prises. C’est l’application en creux de la règle, rappelée à maintes reprises par la Cour de cassation, par exemple en janvier 2014 à propos des indivisaires, selon laquelle tout associé a le droit de participer aux décisions collectives.
En l’espèce, les « intrus » étaient les héritiers d’un associé, qui n’avaient pas été agréés par les autres associés, et qui avaient participé à une décision de désignation du nouveau gérant.
Un associé demandait en justice et obtenait l’annulation de l’assemblée et de la désignation du gérant.
Le pourvoi en cassation formé par la société à l’encontre de l’arrêt d’appel est rejeté, la Cour de cassation formulant le principe selon lequel « il résulte de l’article 1844 du Code civil que seuls les associés ont le droit de participer aux décisions collectives de la société ».
La solution sera à retenir pour les utilisateurs des sociétés civiles, bien entendu, qui prendront garde à ne pas faire participer aux assemblées des personnes dont il ne serait pas certain qu’elles ont la qualité d’associé.
Plus largement, parce que la solution est fondée sur l’article 1844 du Code civil, texte relevant du droit commun des sociétés, elle intéresse toutes les sociétés, aussi bien civiles que commerciales. On pouvait penser que le plus grave étant de ne pas faire participer des associés aux décisions collectives, il était pardonnable d’ouvrir trop largement les portes de l’assemblée générale. Non, nous dit l’arrêt, qui ajoute le mot « seuls » au début de l’article 1844, al. 1er et procède ainsi à un enrichissement du texte.
Des non-associés, ou du moins des personnes qui n’ont pas la qualité d’associé de manière certaine participent déjà aux décisions collectives des sociétés. L’usufruitier de droits sociaux, à propos duquel on a à peu près renoncé à croire qu’il avait la qualité d’associé, prend pourtant place à certaines assemblées. Mais il le fait avec l’autorisation de la loi, et en premier lieu celle de l’article 1844 du Code civil.
Dès lors, gare à ceux qui participeront aux décisions collectives alors qu’ils n’en ont pas le droit : usufruitiers votant hors du cadre légal, mandataires d’associés dépassant les pouvoirs qui leur ont été confiés, indivisaires qui n’en sont pas réellement, etc. Ou plutôt, gare aux décisions collectives qui seront prises avec leur participation, car elles sont susceptibles d’être annulées. Savoir qui est vraiment associé et qui ne l’est pas est donc particulièrement important, et l’on ne saurait faire voter des personnes « par précaution », au risque de faire peser un risque sur les décisions prises.
La règle formulée par l’article 1844-16 selon laquelle ni la société ni les associés ne peuvent se prévaloir d’une nullité à l’égard des tiers de bonne foi protège ceux-ci contre ce genre de contestations, mais les tiers eux-mêmes pourraient contester des décisions sociales, motif tiré de la participation d’un ou plusieurs non-associés…
Bruno DONDERO