Loi Macron: feu vert aux crédit inter-entreprises!

Le projet de loi Macron touche des sujets tellement nombreux que l’on pourrait ne pas se rendre compte de l’importance considérable de certaines des mesures qui sont discutées. Lundi 9 février, a été adopté un amendement (n° 1480), malgré l’avis défavorable du ministre, qui pourrait modifier de manière substantielle l’accès au crédit de nos entreprises.

Est ouverte une brèche dans le monopole bancaire, puisque ce n’est plus auprès des seules banques que les entreprises pourraient contracter un crédit, comme c’est le cas actuellement avec un certain nombre d’exceptions il est vrai, mais plus largement auprès d’entreprises « partenaires ».

Revenons sur le monopole bancaire et ses conséquences sur le crédit inter-entreprises (I) avant d’envisager l’incidence de la mesure votée (II).

I – Le monopole bancaire et ses conséquences sur le crédit inter-entreprises.

Le Code monétaire et financier édicte ce que l’on appelle le monopole bancaire. En substance, seule une banque ou un établissement assimilé peut réaliser une opération de crédit à titre onéreux (un prêt d’argent rémunéré) de manière habituelle, l’habitude s’entendant ici d’une répétition d’actes mais aussi d’une pluralité de destinataires. Ceux qui font ce type d’opération de manière habituelle sans respecter les exigences légales, donc sans être un établissement de crédit ou sans rentrer dans l’une des exceptions, encourent des sanctions pénales (3 ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende, notamment) et civiles (des dommages-intérêts).

De nombreuses exceptions existent cependant, qui visent des situations assez différentes: un employeur peut consentir des avances sur salaires, une société mère peut prêter à sa filiale, un fournisseur peut consentir des délais de paiement, etc.

Lorsque l’on n’est pas dans une de ces situations, il est en pratique difficile qu’une entreprise prête de l’argent à une autre. Soit elle le fait à titre onéreux, et demande une contrepartie au prêt, ce qui peut constituer une violation du monopole bancaire dès lors que l’opération intervient plus d’une fois. Soit le prêt est fait à titre gratuit, mais cela peut alors constituer un cas d’abus de biens sociaux, une faute de gestion, un acte anormal de gestion, etc. La trésorerie d’une entreprise ne doit normalement pas servir à financer gratuitement une autre entreprise.

II – L’exception nouvelle au monopole bancaire.

Deux textes du Code monétaire et financier sont modifiés par l’amendement défendu en séance par M. Fromantin (rappelons que le Sénat doit encore examiner le texte). Les modifications visent à permettre à des entreprises de prêter de l’argent à des entreprises « partenaires ».

On va plus loin que ce qui existe aujourd’hui, puisque l’on permet à deux entreprises sans lien de capital (pas nécessairement une société mère et sa filiale) de conclure un contrat de prêt, et de le faire de manière répétée.

L’un des deux textes nouveaux vise des prêts à moins de deux ans, et l’autre vise des « opérations de crédit » sans précision. On comprend de l’exposé accompagnant l’amendement que l’intention des rédacteurs était de ne viser que les prêts à moins de deux ans, mais ce n’est pas ce qui a été voté.

En l’état du texte voté, on ne sait pas vraiment ce que recouvre la condition du « partenariat ». Un texte parle de liens économiques justifiant le prêt, l’autre vise un contrat de « partenariat » qui devra être conclu.

La rédaction devra être affinée, mais le plus important n’est pas là. La réforme envisagée va ouvrir une brèche importante dans le monopole bancaire. En permettant aux entreprises de se financer les unes les autres, on va faciliter l’accès au crédit des PME, mais il faudra prévoir des garde-fous pour éviter l’apparition d’un secteur bancaire parallèle non encadré.

 Bruno DONDERO

 a différence l’importance de ce

8 Commentaires

Classé dans Actualité juridique, Droit bancaire, Droit des entreprises, Entreprise

8 réponses à “Loi Macron: feu vert aux crédit inter-entreprises!

  1. Merci pour le partage de cet article très utile et instructif. Bonne continuation à vous

  2. Edward N.

    Est ce que cela ne permettrai pas une nouvelle option aux fonds d’investissements de s’enrichir? Il faut caractériser un lien economique substantiel, et cela pourrait se faire par des investissements importants caractérisant le lien, permettant donc des prêts.

    • Edward N.

      Permettrait *

      • En réalité cher Edward, les fonds d’investissement ont déjà d’autres schémas juridiques pour prêter ou plus largement investir, y compris en capital, dans un entreprise. L’idée de la loi Macron (sans M. Macron d’ailleurs) sur ce point, c’est de permettre à toute entreprise qui a de la trésorerie disponible de la mettre à la disposition d’une autre, sous certaines conditions.

    • Edward N.

      Pour répondre à votre commentaire du 25 mars, je relève simplement que vous avez ecrit « il faudra prévoir des garde-fous pour éviter l’apparition d’un secteur bancaire parallèle non encadré ». Dès lors, ce serait une opportunité pour les investisseurs de prendre avantage d’un vide juridique dans le droit francais.

      Je comprends l’idée de la loi mais je me demandais alors s’il y aurait interet pour les investisseurs de se servir de ce texte, en le détournant de l’objectif prévu et l’utiliser pour des objectifs différents.
      Je me pose alors deux questions:
      1- quels sont « schémas juridiques pour prêter ou plus largement investir, y compris en capital »? Est ce que vous auriez un article présentant brièvement (dans la mesure du possible) ces schémas? Lors d’un stage, j’avais découvert les CLOs. Je comprends alors qu’il y a beaucoup de schémas possible mais, y aurait-il des catégories plus générales, pouvant expliquer les principes généraux des schémas juridiques?
      2- je suis sous l’impression que le droit francais, par ses nombreux moyens de protection, rend moins accessible le marché francais aux investisseurs étrangers. Supposant que cela est vrai et revenant sur ma question de départ, le pret entre entreprise m’aurait alors sembler un schéma facilitant l’accès: d’abord, un investisseur achete les actions d’une société avant de procédé à un pret. Il n’y aurait alors pas besoin d’être une banque et alors aucun besoin de se plier aux exigences bancaires du droit francais. Serait ce possible hormis une intervention jurisprudentielle?

  3. Pingback: Loi Macron: feu vert au crédit inter-entreprises, oui, mais en respectant pas moins de 13 conditions! | Le blog du professeur Bruno Dondero

  4. fatma tp

    Bonjour,

    Tout d’abord, merci pour cet article instructif. J’aurai une question concernant la notion de « contrat de partenariat » : dans quel cadre doit-il être géré ?
    La conclusion de ce contrat est-elle libre ?
    Y a-t-il des conditions d’obtention de prêt imposés ?

    Bien cordialement,

    Fatma

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