La loi relative à l’économie sociale et solidaire vient d’être publiée au Journal officiel (loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014:http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029313296&dateTexte=&categorieLien=id). La loi n’a pas fait l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel, et le processus parlementaire a duré douze mois, ceci expliquant peut-être cela.
Attention : la loi comporte des dispositions qui concernent aussi des entreprises ne relevant pas du secteur de l’ESS. Les dispositifs d’information des salariés en cas de cession d’un fonds de commerce ou des parts ou actions d’une société commerciale ne sont rattachables à l’économie sociale et solidaire que par le fait qu’ils contribuent à transférer la propriété de l’entreprise aux salariés.
Faisons un panorama rapide des neuf titres que comporte la loi.
Le Titre Ier de la loi est constitué de « dispositions communes ». Certaines sont des dispositions qui ne modifient pas un code ou une loi préexistante et définissent différents principes de l’économie sociale et solidaire. Est notamment institué un Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, qui adoptera un « guide définissant les conditions d’amélioration continue des bonnes pratiques des entreprises de l’économie sociale et solidaire » (art. 3). Sont instituées aussi une Chambre française de l’économie sociale et solidaire et des chambres régionales.
Sont introduits l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » (dans le Code du travail – art. 11 de la loi) et la notion d’ « innovation sociale », qui ouvre droit à des financements publics spécifiques (art. 15).
Le Titre II de la loi est intitulé « Dispositions facilitant la transmission d’entreprises à leurs salariés », et s’il ne concerne pas toutes les entreprises, les critères d’application du dispositif légal ne sont pas fondés sur l’objet de l’entreprise qui serait lié à l’économie sociale et solidaire. En clair, une SARL de plomberie, une SAS familiale de commerce au détail, etc. sont potentiellement visées.
Tout d’abord, la loi introduit un dispositif d’information des salariés sur les possibilités de reprise d’une société par les salariés, et ce « à destination de l’ensemble des salariés des sociétés de moins de deux cent cinquante salariés soumises au livre II du Code de commerce » (art. 18). En clair toutes les sociétés commerciales de moins de 250 salariés sont visées. Un décret « qui prend[ra] en compte la taille des entreprises concernées » définira le contenu et les modalités de cette information, à organiser « au moins une fois tous les trois ans ».
Surtout, la loi ESS met en place une information des salariés en cas de vente d’un fonds ou de la majorité des droits sociaux, dispositif sanctionné par une nullité de l’opération de cession.
La loi met en place un dispositif en deux volets, l’un concernant la cession de fonds de commerce (art. 19 de la loi), l’autre la cession de droits sociaux (art. 20). Un texte spécifique (art. 98 de la loi, le dernier article de la loi ESS, dispose que ces articles 19 et 20 « s’appliquent aux cessions conclues trois mois au moins après la date de publication de la présente loi »).
S’agissant de la cession de fonds de commerce, sont visées 1) les entreprises qui n’ont pas l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise et 2) les entreprises qui ont cette obligation mais se trouvent dans la catégorie des PME (pour rappel, un décret du 18 décembre 2008 définit les PME comme les entreprises qui, d’une part occupent moins de 250 personnes, d’autre part ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros). Est prévue une information des salariés lorsque le propriétaire du fonds envisage de le céder, les salariés ayant alors deux mois pour répondre. Les salariés sont tenus à une obligation de discrétion mais peuvent se faire assister de différentes personnes. Si l’information n’est pas faite, une action en annulation se prescrivant par deux mois est ouverte à tout salarié. Dernier point : le dispositif ne s’applique pas en cas de transmission familiale ni aux entreprises en conciliation, sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire.
S’agissant des cessions de droits sociaux, le titre III du livre II du Code de commerce est complété par plusieurs articles (on voit au passage qu’après les articles L. 239-1 et suivants, le nouveau chapitre donne naissance à des articles L. 23-10-1 et suivants), qui concernent les sociétés n’ayant pas l’obligation de mettre en place un CE, d’une part, et celles dotées d’un CE mais relevant de la catégorie des PME. Le dispositif s’applique en cas de cession de plus de 50% des parts d’une SARL ou d’actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions (art. 20 de la loi). Là aussi est prévue une action en annulation. Les exclusions sont les mêmes, et est prise en compte aussi la situation où s’applique une réglementation limitant l’accès à la qualité d’associé ou d’actionnaire.
Une question parmi d’autre que suscitera ce dispositif : les SEL sont-elles visées par la nouvelle loi ?
Le Titre III de la loi est relatif au droit des coopératives, et il modifie la loi du 10 septembre 1947 définissant le régime général des coopératives, ainsi que plusieurs des régimes spéciaux (SCOP, notamment, qui peuvent désormais adopter la forme de SAS, coopératives de commerçants détaillants, coopératives agricoles, etc.). Sont créées des coopératives d’activité et d’emploi (art. 47 et 48).
Un Titre IV est relatif aux sociétés d’assurance, aux mutuelles et institutions de prévoyance, un Titre V à des dispositifs de soutien et d’accompagnement.
Un Titre VI modifie le droit des associations, notamment en insérant dans la loi du 1er juillet 1901 un régime des fusions, scissions et apports partiels d’actif des associations, renvoyant à certaines dispositions sur les sociétés commerciales.
Un Titre VII modifie le droit des fondations et des fonds de dotation, un Titre VIII est relatif aux éco-organismes, et un Titre IX comporte des dispositions diverses et finales, dont l’article 98 sur l’entrée en vigueur du dispositif d’information particulière des salariés.
Bruno DONDERO