Questions sur la preuve: l’écrit, les mails.

La question de la preuve est souvent posée, et on peut donner ici des éléments de réponse au regard du droit français.

Il ne faut pas s’imaginer que l’on n’est jamais engagé tant que l’on n’a pas signé un document écrit et imprimé sur une feuille de papier.

En droit français, la preuve des actes juridiques (les contrats, notamment) fait l’objet d’une grande distinction (une « summa divisio » pour parler latin). Il y a les cas où la preuve est légale, c’est-à-dire qu’on ne peut prouver l’existence de l’acte qu’en respectant les exigences posées par un texte (par ex., exigence d’un écrit) et les cas où elle est libre, et où le juge saisi d’un litige peut apprécier librement s’il s’estime convaincu de l’existence de l’acte ou non.

En substance, la preuve légale concerne surtout les actes civils, la preuve libre les actes de commerce.

Précisons que la preuve des faits juridiques, et notamment des fautes, est libre (comme le rappelle la Cour de cassation encore récemment http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028604146&fastReqId=734922236&fastPos=1).

 

I – La preuve des actes civils.

Elle fait l’objet de plusieurs articles du Code civil. Le texte le plus important est sans doute l’article 1341, qui dispose qu’au-delà d’un certain montant, la preuve d’un acte, un contrat par exemple, suppose un écrit. Ce montant est aujourd’hui de 1500 euros. Cela veut dire que pour les actes de 1501 euros et plus, si l’on n’a pas un acte écrit, acte notarié ou acte sous seing privé, éventuellement contresigné par avocat, on ne peut prouver l’acte, et c’est comme si l’acte n’existait pas. L’écrit doit satisfaire à des exigences particulières dans certains cas: si le contrat est synallagmatique (c’est-à-dire qu’il crée des obligations pour chacune des parties), il faut autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct; si le contrat est unilatéral et porte sur le paiement d’une somme d’argent ou un bien fongible, il faut une mention écrite par le débiteur de la somme ou quantité due, en lettres et en chiffres.

Le Code civil comporte des articles sur l’écrit sous forme électronique, étant précisé que si l’on veut qu’un écrit électronique soit équivalent à un acte papier comportant une signature (un acte sous seing privé), il faut une signature électronique faisant usage d’un procédé fiable d’authentification (art. 1316-4). Un mail n’est donc pas, sauf usage d’un tel dispositif, équivalent à un écrit signé.

Il y a deux atténuations à cette exigence d’un écrit:

– en cas d’impossibilité matérielle et surtout morale (contrat entre époux ou membres d’une même famille par exemple). Dans ce cas, celui qui veut prouver l’existence du contrat peut utiliser d’autres moyens, comme des témoignages et pourquoi pas un mail qu’aurait écrit l’autre partie. Le juge saisi s’estimera convaincu ou non, mais il n’est pas dans un système où la preuve écrite est seule admissible;

– en cas de commencement de preuve par écrit, c’est-à-dire d’un acte écrit émanant de celui contre qui la demande est formée et qui rend vraisemblable le fait allégué. Par exemple, je n’ai pas signé de contrat avec vous, mais vous m’avez écrit une lettre où vous indiquez être mon débiteur en vertu du contrat. En ce cas je peux compléter le commencement de preuve par écrit par d’autres éléments de preuve, témoignages, mail, etc.

Les actes de 1.500 euros et moins, quant à eux, sont soumis à un régime de liberté de la preuve. Tous les moyens peuvent être utilisés pour en prouver l’existence.

Attention, en matière non pénale, une règle importante: pour être recevable, la preuve doit avoir été obtenue loyalement (pas d’enregistrement fait sans prévenir la personne enregistrée notamment).

 

II – La preuve des actes de commerce 

En matière commerciale, l’article L. 110-3 du Code de commerce dispose qu’à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi.

Cela veut dire que par principe, le juge apprécie comme il l’entend les éléments de preuve que lui fournissent les parties, et qu’une série de mails, voire un seul mail, peuvent le convaincre de ce qu’un contrat d’un montant très important a bien été conclu entre les parties.

Il faut que l’acte visé soit un acte de commerce et que la partie à l’égard de laquelle on entend rapporter la preuve soit un commerçant personne physique ou une société commerciale (SARL, SAS). Rappelons qu’il y a une présomption de ce que les actes d’un commerçant sont faits pour les besoins de son commerce.

Bruno Dondero

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