La faute séparable des prérogatives de l’associé (Cass. com., 18 févr. 2014)

 

La Cour de cassation a rendu récemment un arrêt (n° 12-29752, à paraître au Bulletin, http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028642268&fastReqId=1897137026&fastPos=1) qu’il faut connaître car il dit clairement ce que d’autres décisions avaient laissé seulement deviner: lorsqu’il exerce ses prérogatives d’associé, notamment en votant lors d’une assemblée, l’associé n’engage en principe pas sa responsabilité, sauf à démontrer qu’il commis « une faute intentionnelle d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal des prérogatives attachées à la qualité d’associé, de nature à engager sa responsabilité personnelle envers le tiers cocontractant de la société ».

On retrouve ici une transposition de la définition de la faute séparable des fonctions énoncée par la Cour de cassation dans son arrêt bien connu du 20 mai 2003 (Cass. com., 20 mai 2003, Bull. IV, n° 84 ; D. 2003, AJ, p. 1502, obs. A. Lienhard ; ibid., jur., p. 2623, note B. Dondero ; Rev. sociétés 2003, p. 479, note J.-F. Barbièri ; BJS 2003, p. 786, note H. Le Nabasque).

La solution était assez prévisible. La Cour de cassation avait déjà jugé que les associés d’une SARL qui révoquaient le gérant par une décision inspirée par une intention vexatoire et contraire à l’intérêt social engageaient leur responsabilité (Cass. com., 13 mars 2001, Bull. IV, n° 60; Rev. Sociétés 2001, p. 818), ou que le dirigeant associé qui décidait une distribution de dividendes, ce qui empêchait la société de payer un créancier, n’engageait par principe pas sa responsabilité (Cass. com., 12 mars 2013, n° 12-11514, Rev. Sociétés 2013, p. 346).

Commentant ce dernier arrêt, j’écrivais: « Cette question [de la responsabilité de l’associé à l’égard des tiers] doit se résoudre en termes identiques pour l’associé et le dirigeant : l’associé n’engage pas sa responsabilité personnelle, lorsqu’il participe à la prise d’une décision en assemblée, sauf à montrer qu’il a commis une faute séparable de ses « fonctions d’associé », même si l’expression n’est pas très heureuse ». La Cour de cassation confirme la solution et apporte le bon terme en évoquant les « prérogatives » de l’associé.

Bruno DONDERO

5 Commentaires

Classé dans Uncategorized

5 réponses à “La faute séparable des prérogatives de l’associé (Cass. com., 18 févr. 2014)

  1. Pingback: Quatre arrêts importants des six derniers mois en droit général des sociétés. | Le blog du professeur Bruno Dondero

  2. Bonjour M. le Professeur,

    Dans le cadre d’une faute de gestion d’un dirigeant (non pas d’une faute détachable), si l’intérêt général supérieur de la société et de ses « parties prenantes » (salariés, clients, banques, fournisseurs, etc.) risque d’être atteint ou qu’il existe une présomption d’irrégularité d’une opération, est-ce que l’expertise in futurum de l’article 145 du code de procédure civile peut être demandée par lesdites parties prenantes pour prouver les faits dont dépendrait la solution du litige ?

    Il me semble que si un dirigeant social méconnaît l’intérêt de la société et en compromet la continuité, les tiers « parties prenantes » (salariés, fournisseurs, banque, etc.) ont un intérêt légitime à prouver la faute de gestion du dirigeant en vue de le faire révoquer (pour juste motif s’il s’agit d’une SAS ou d’une SARL, ou le directeur général d’une SA, etc.).

    J’espère ne pas avoir les idées trop confuses,

    Bien cordialement,

  3. Estelle

    Merci pour ce billet particulièrement clair qui figurera à l’annexe de mon TD ! Merci pour votre cours, votre blog et votre humour.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s