Un article paru récemment dans le Monde et intitulé « Un sportif américain bientôt coté en Bourse » (supplément Economie, p. 4) mérite d’être signalé à l’attention des juristes d’affaires.
Une société américaine va émettre des actions qui permettront de percevoir une rémunération égale à 20% du montant des contrats (contrats sportifs, contrats de sponsoring, contrats avec les chaînes TV, etc.) que pourra signer un joueur de football américain de l’équipe des Houston Texans.
La société va placer des titres dans le public pour un peu plus de dix millions de dollars, les sommes récoltées allant presque entièrement au sportif. Le calcul est assez vite fait: si les actionnaires veulent récupérer leur mise, il faudra que le sportif génère au moins 50 millions de dollars de revenus, ce qui est peut-être du domaine du possible, mais pourrait aussi bien se trouver compromis par un très grand nombre d’évènements, et notamment par une blessure du joueur ou par une baisse de ses performances.
Une plate-forme sera mise en place par la société, qui permettra la négociation des actions émises, moyennant le versement d’une commission de 1% sur chaque transaction.
On comprend ainsi comment chacun peut trouver son intérêt à l’opération, le joueur, les actionnaires et les initiateurs du projet.
L’opération pourrait devenir réalité, et elle fait déjà l’objet d’un dossier auprès de la Securities & Exchange Commission (SEC).
Au-delà de la description du projet (qui présente la particularité de reposer sur la seule réussite du sportif, qui mérite véritablement la qualification d’homme-clé!), il est intéressant de rapprocher le montage prévu, qui permettra au sportif d’encaisser des sommes importantes, des mécanismes traditionnels du droit français comme les apports en industrie. C’est bien son activité que le sportif va apporter en l’espèce, mais selon le schéma prévu, il semble qu’il sera rémunéré en toute hypothèse et pas seulement si la société réalise un bénéfice. Il faut espérer aussi pour les actionnaires que des mécanismes ont été prévus afin de s’assurer de ce que le joueur continuera à faire voguer avec enthousiasme le navire commun vers le succès, même une fois qu’il aura perçu l’intégralité du versement attendu de la société. Le risque est en effet que le joueur, ayant reçu de la société tout ce qu’elle pouvait lui donner, ne soit tenté de consacrer ses efforts à des activités où il pourra conserver 100% des revenus. Les actionnaires devront avoir égard, à ce titre, aux activités qui auront pu être laissées en dehors du périmètre de la société. Une autre question que les investisseurs devront se poser, mais l’on sort ici du domaine juridique, est celle de la pertinence d’investir autant sur un seul individu…
Bruno DONDERO