La Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt intéressant (C.A. Paris, 19 mars 2013, n° RG 12/03448) en ce qu’il aborde la question de l’efficacité de clauses souvent rencontrées en pratique, dites good leaver / bad leaver. Ces clauses prévoient que le prix de rachat des parts ou des actions d’un associé sera affecté d’une prime (good leaver) ou d’une décote (bad leaver), selon que le cédant aura rempli ou non une ou plusieurs conditions. L’exemple le plus simple est celui dans lequel la majorité des droits sociaux sont cédés, le cédant s’engageant à rester au sein de la société cédée comme dirigeant ou comme cadre, pendant une certaine durée, pour assurer la transition ; le rachat du reliquat des droits sociaux se fera avec une prime si le cédant respecte son engagement, sans cette prime, voire avec une décote, dans le cas contraire.
En l’occurrence, le dirigeant d’une société qui avait fait l’objet d’un LBO s’était engagé à céder ses titres selon une valorisation voulue comme basse, dans l’hypothèse d’un départ fautif. Ce départ fautif était caractérisé notamment en cas de violation d’une clause essentielle du pacte, suivie d’une mise en demeure écrite d’avoir à remédier dans le mois au non-respect de la clause, mise en demeure restée infructueuse.
Il est jugé que la mise en demeure ne peut être considérée comme procédant d’une simple clause de style, qu’il s’agit d’une formalité imposée par le pacte d’actionnaires et que cette formalité, conçue pour protéger le dirigeant visé contre tout arbitraire, ne peut être éludée.
Le dirigeant évincé et la société avait discuté d’un projet d’accord de sortie amiable, mais celui-ci n’avait pas abouti. Il est jugé que ni son ton, ni son contenu, ne le situent dans un contexte d’avertissement préalable à la signification d’un départ fautif au sens du pacte, la révocation n’étant intervenue qu’après l’échec de ce projet d’accord.
En conclusion, faute de mise en œuvre du formalisme du pacte d’actionnaires, le départ du dirigeant ne peut être qualifié de fautif.
Le message contenu dans cet arrêt (il n’est pas le seul, loin de là) peut être synthétisé ainsi: si l’on met en place une procédure dans un pacte d’actionnaires (mais cela vaut aussi pour les statuts et pour tout contrat), il faut respecter cette procédure!
B. Dondero
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Lorsqu’un dirigeant salarié de SAS est parti à un pacte d’actionnaires, on peut se demander si la clause de bad leaver prévue n’est pas contraire à l’interdiction des sanctions précuniaires prévues à l’article L. 1331-2 du Code du travail (prohibant les sanctions pécuniaires)…